Le président égyptien déchu, Mohamed Morsi, risque gros. Non seulement, il n'a plus aucune chance de revenir à son éphémère strapontin présidentiel, mais une forte probabilité de regagner la geôle dans laquelle il se trouvait au moment de l'éclatement de la révolution du Nil. Hier, 14 juillet, Morsi a été, le plus simplement du monde, soumis à un interrogatoire en règle en vue de s'expliquer sur les complicités dont il avait pu profiter pour faire la belle à partir de la prison cairote de Wadi el-Natroun où l'avait embastillé Hosni Moubarak. Qui plus est, cet interrogatoire, auquel ont été également soumis plusieurs autres membres de la confrérie de Morsi, a eu lieu dans un lieu qualifié de «secret». C'est grave docteur ? L'on se rappelle que le 23 juin dernier, et alors même que la révolution du «30 juin» était encore en préparation, un tribunal local a accusé les Frères musulmans de conspiration avec le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais dans la prise d'assaut de plusieurs prisons égyptiennes, profitant à l'époque du chaos charrié par les révoltes de janvier 2011. Plusieurs membres du Hamas et du Hezbollah emprisonnés en Egypte et quelques 34 dirigeants des Frères musulmans, dont le futur président Mohammed Morsi, se sont ainsi évadés. Mais comment a-t-il fallu attendre que Morsi sorte de sa geôle, crée un parti politique, le Parti de la liberté et de la justice, qui lui a permis d'avoir une majorité parlementaire relativement confortable en 2011 avant de le propulser comme 5e et premier président non galonné de l'Egypte lors de présidentielle de juin 2012, pour finalement remarquer tout d'un coup (d'Etat) qu'il s'agit d'un «repris de justice» ? La réponse à cette question coule de source. Car l'on sait bien que l'armée a été vertement priée en 2011, par les manifestants de la Place Tahrir, de regagner ses casernes après la chute de Moubarak, et ce à un moment où le «printemps arabe» avait encore le vent en poupe. Or, pour la confrérie en treillis, dont l'hégémonie politique dure depuis 1952, et qui contrôle aujourd'hui plus de 70% de l'économie égyptienne, un tel retrait n'est pas aussi évident. Su jour au lendemain Il fallait bien trouver une tactique pour rester aux affaires, tactique qui passe surtout par le musèlement de la confrérie islamiste, qui avait bien des comptes à régler avec la grande muette. L'organisation d'élections parlementaires avant la constituante et la présidentielle, puis l'élimination de plusieurs candidatures de poids pour désigner un remplaçant à Moubarak étaient une manœuvre visant à vicier le changement tant espéré en Egypte. De telle sorte que le peuple, in fine, a été obligé de voir son choix réduit à opter pour la «peste», que constituent à ses yeux les Frères musulmans, ou le choléra, terme avec lequel il désigne son armée omnipotente. Avec le renversement de Morsi, l'armée marque un point en réussissant à faire un coup d'Etat «populaire» contre ses pires ennemis. Elle se maintient par la même au pouvoir, en attendant de placer de nouveaux pantins aux ordres.