Mohamed El Ouafa n'est pas tombé de la dernière pluie. Ancien président, dans les années soixante-dix du siècle dernier, du syndicat étudiant plus que minoritaire qu'était l'Union générale des étudiants du Maroc (UGEM) face à l'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM), il a connu dans son corps les affres des débats, particulièrement à la seule cité universitaire de Rabat, du moment où l'engagement physique n'était pas absent. Marrakchi de naissance; la parole, à l'accent bien connu mêlé à un zeste d'humour, devance chez lui le mouvement de la langue. De cela, El Ouafa a gardé le sens de la répartie, voire de la provocation, malgré son passage obligé par la diplomatie pour permettre à son parti d'élire son secrétaire général comme il se doit. Plus Istiqlal que lui on meurt, mais l'Istiqlal d'aujourd'hui ne lui a pas pardonné de s'être comporté comme il a été éduqué, dans le respect des traditions; surtout quand il s'agit du pouvoir. C'est pour cela qu'il est ministre des Affaires générales et de la gouvernance. El Ouafa aime affronter ce qui semble être difficile à «faire passer» : en parlant crument et du tac au tac, un sourire en coin et les sourcils en convergence. Interpellé dans une séance à la Chambre des Représentants sur la cherté de la vie, le ministre El Ouafa n'a pas apprécié que l'on veuille le détacher du populo en le titillant sur sa capacité de vivre avec le Smig. Réponse posée et sans bavures: le salaire du ministre est connu et, mû par un sentiment égalitaire profond, El Ouafa demande à ce que les riches puissent partager avec les pauvres. Cela provoqua l'ire de certains qui ne veulent pas que les riches soient interpellés sur leur fortune et sur la manière dont celle-ci a été acquise; surtout en séance télévisée pendant laquelle les ouailles des uns et des autres sont à l'écoute. Ce n'est pas à l'ordre du jour. La séance institutionnelle réservée à l'interpellation du gouvernement se bloque. L'affront fait au ministre se transforme par la multitude des intervenants en affront fait à l'ensemble des députés, à l'institution de la Chambre des Représentants. Heureux qu'El Ouafa s'en sort sans être poursuivi pour haute trahison! Le député qui s'est senti moussé par la remarque du ministre des Affaires générales et de la gouvernance aurait mieux fait de proposer dans la cadre de «la défense du pouvoir d'achat, de la liberté, de la dignité et de la justice sociale» d'aligner les émoluments de nos éminents représentants et conseillers sur le Smig valorisé «à la Suisse»; ou mieux d'imposer nos députés avec une contribution à la solidarité nationale (à effet immédiat et rétroactif) plus conséquente que le prélèvement effectué sur les pensions des retraités depuis janvier 2014. A moins que l'interpellation de l'honorable représentant ne soit basée sur la surenchère et la démagogie usées par ses prédécesseurs non moins chevaleresques pour eux-mêmes depuis les années quatre-vingt du siècle dernier. Dans ce cas, il ne faudrait pas en vouloir à Mohamed El Ouafa dont la réaction, basée sur le principe fondamental «Qui s'y frotte s'y pique», a remis la question de la répartition des richesses à l'ordre du jour afin que l'ensemble des Marocaines et des Marocains puissent vivre dignement et se préparer au mois du jeûne. L'opposition est dans son droit d'interpeller le gouvernement sur sa politique. C'est un devoir qu'elle le fasse avec sérieux, respect et responsabilité et sans provocation. Les règlements de compte entre représentants et ministres doivent être écartés. Il en va de l'honorabilité de la Chambre des Représentants et du sérieux des questions orales qui ne doivent pas se transformer en joute oratoire. Faut-il rappeler que le salaire minimum interprofessionnel garanti a été augmenté en deux tranches égales à elles même et en deux temps séparés par une année solaire. Valorisation qui n'a pas été digérée par le patronat marocain dont les éminents représentants sont assurés d'un salaire maximum garanti.