Pour Ahmed Lamarti, Conseiller RNI de Fès à la Chambre des conseillers, où il occupe le poste de président de la commission des Finances, l'insécurité que vit la médina de Fès n'est qu'une autre manifestation de la crise économique et sociale que connaît la cité. Entretien. Aujourd'hui Le Maroc : Quelle lecture faites-vous de la marche protestation contre les actes d'agression dont certains commerçants ont fait l'objet à Fès? Ahmed Lamarti : Il ne s'agit, à mon avis, que d'un simple fait divers qui a pris une proportion autre que celle à laquelle il devait être limité, suivant les intérêts de certains. Il faut ramener l'incident à sa véritable dimension. Le problème n'est pas uniquement celui de l'insécurité. C'est plutôt la gestion de la ville qui est en cause. Une gestion qui se veut moderne, avec une répartition par arrondissements, mais qui ne répond pas aux spécificités de la ville. La ville qui se divise en deux parties, la partie ancienne avec sa Médina et la partie nouvelle, créée après 1912. Si cette dernière se prête à une gestion moderniste, l'ancienne ville doit, elle, revenir au bon vieux modèle de gestion et qui n'est autre que celui des cellules sécuritaires, avec ses mouqadems, ses agents et ses services de police. Le tout avec un travail basé sur la visualisation et la mémoire, comme il a toujours été le cas. C'est un système qui a prouvé son efficacité. C'est sa substitution qui est derrière la montée de violence et l'insécurité à laquelle on assiste actuellement. A qui incombe la responsabilité de cette flambée d'actes d'agression ? La gestion de la ville doit être revue en fonction de la nature de l'organisation sociale dans les anciennes médinas. Ceci, dans le sens où il faut garantir un travail de proximité. Un travail qui est du ressort aussi des élus, de la société civile, des gestionnaires, des autorités locales et de la population de la ville. Cette population, dont chaque membre qui a fait l'objet d'un acte d'agression, doit en informer les autorités compétentes, en déposant une plainte. Cette action, qui peut paraître évidente, n'est cependant pas automatique chez nous. Et c'est aux élus et autorités locales de sensibiliser les citoyens. Au lieu de cela, nos élus se contentent de servir un discours démagogique qui n'a pour finalité que de servir leurs propres intérêts alors qu'il est de leur devoir du moins, de renseigner sur les règles élémentaires du civisme. D'abord, en expliquant les lois aux citoyens. Des lois portant notamment sur l'interdiction formelle de porter des armes blanches, lois auxquelles peu de gens sont sensibilisés. Il y a aussi lieu de se demander sur la provenance de ces armes, qui n'est autre que les artisans de la médina. Pourquoi donc ne pas exiger de chaque artisan qui les fabrique de demander une carte d'identité à celui qui veut en acquérir. Il existe un problème de communication qui ne peut être résolu que par un travail de fond, avec des responsables dignes de ce nom. L'insécurité qui règne dans la ville ne serait-elle pas la conséquence d'une situation de crise économique que connaît Fès, avec des taux record de pauvreté et de chômage ? Il est clair que l'insécurité n'est pas le seul problème dont souffre la médina de Fès, et par extension toute la ville. Que ce soit en matière d'hygiène, de santé publique, de chômage…Fès n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a été et ce qu'elle peut toujours redevenir, à savoir une des plus belles et des plus sereines des villes marocaines. Ce qui empêche ce décollage, c'est le manque, si ce n'est l'absence de synergie entre l'administration élue et l'administration désignée de la ville. Il est temps à mon avis de se mettre à table et d'élaborer une stratégie de travail globale, commune et qui soit en faveur, en premier lieu, des habitants. Il y a également lieu de se poser la question sur les énormes richesses de la ville, mais qui sont l'apanage d'une poignée de gens. Fès est une ville aux richesses mal réparties et qui sont presque systématiquement transférées en dehors de ses murs, en dehors de ses cieux. Avant de vouloir trouver des solutions sécuritaires, n'y a-t-il pas lieu de s'attaquer aux problèmes de fond ? Fès n'est pas uniquement la ville au riche patrimoine, qui lui a valu hommages et admirations des plus grandes personnalités et organismes dans le monde. Deuxième ville industrielle après Casablanca, il n'y a pas si longtemps, la ville aurait pu développer des mécanismes de développement économique et social durable. Mais l'incompétence des autorités et la malhonnêteté de certains de ses élus en ont décidé autrement. Une contradiction et une mort annoncée que seule une gestion intelligente et des mesures d'urgence peuvent éviter.