Le marché marocain des paiements électroniques vit une mutation historique. Depuis le 1er mai 2025, les établissements de paiement (EDP) et les filiales bancaires dûment autorisées peuvent enfin proposer librement leurs services d'acquisition, mettant fin à une ère de domination quasi-exclusive du Centre Monétique Interbancaire (CMI). Cette ouverture est le fruit d'un long processus de régulation orchestré par le Conseil de la concurrence, décidé à instaurer une dynamique de marché plus équitable, inclusive et favorable à l'innovation. Une rupture avec le passé La décision n°152/D/2024 du 31 octobre 2024 a marqué un tournant. Elle impose au CMI de se retirer progressivement du rôle d'acteur unique pour devenir une simple plateforme technique, accessible à tous dans des conditions transparentes. Depuis novembre dernier, il lui est interdit de conclure de nouveaux contrats dans les segments stratégiques de la carte bancaire et du paiement en ligne. D'ici novembre 2025, il devra céder l'ensemble de ses contrats marchands aux nouveaux acquéreurs. Objectif : instaurer un véritable modèle multi-acquéreurs. Des acteurs prêts et engagés Les premières remontées sont encourageantes. Le rapport de suivi transmis par les parties prenantes pour la période novembre 2024 – avril 2025 révèle une mobilisation sans faille. Le Conseil de la concurrence salue la « forte implication » du CMI, de ses banques actionnaires et des nouveaux acteurs. Aucun incident majeur, aucune rupture de service n'ont été constatés. Les filiales d'acquisition des banques ont obtenu leur indépendance fonctionnelle et comptable. Et les premiers services commencent à se déployer, avec des offres plus diversifiées à destination des commerçants. Un marché à reconstruire Longtemps verrouillé, le marché de l'acquisition bancaire au Maroc s'ouvre enfin à la concurrence. Pour les commerçants, cette libéralisation signifie plus de choix, potentiellement des coûts moindres et une meilleure qualité de service. Pour les consommateurs, elle ouvre la voie à de nouveaux usages numériques et à une accélération de l'inclusion financière. Pour les nouveaux entrants, c'est une opportunité stratégique, mais aussi un défi en termes de crédibilité, de cybersécurité et de couverture. La transformation ne s'arrête pas là. Le Conseil de la concurrence entend maintenir une pression constante jusqu'à la finalisation complète de la réforme. D'ici au 1er novembre 2025, tous les engagements contractuels et structurels devront être exécutés. La mise en conformité avec les règles du jeu concurrentiel reste sous étroite surveillance. Un enjeu au-delà de la technique Derrière les aspects réglementaires et technologiques, c'est tout un modèle économique qui est en train de changer. L'ouverture du marché de l'acquisition n'est pas seulement une réponse à une situation de monopole. Elle s'inscrit dans une vision plus large de modernisation du système financier marocain, avec un accent sur la transparence, l'innovation et la souveraineté numérique. En toile de fond : la volonté de faire du digital un levier de compétitivité et d'inclusion économique.