Destination touristique il y a à peine six ans, le Burkina Faso a coulé à pic, ravagé par les groupes djihadistes qui étendent leur emprise meurtrière sur ce pays sahélien et menacent gravement la présidentielle de novembre. Les chiffres sont effrayants: plus de 1.600 morts dans des attaques djihadistes selon l'Observatoire pour la démocratie et les droits de l'homme – un comptage minimum, certains parlant de 5.000 morts -, 100% du territoire déconseillé aux Occidentaux, près d'un million de déplacés... Nul doute que la situation sera évoquée lors du sommet qui doit réunir mardi à Nouakchott le président français Emmanuel Macron et ses homologues sahéliens. Derrière les chiffres, des situations tragiques. Aly Sidibé, 42 ans, ancien éleveur déplacé à Kaya (centre-nord), témoigne : « La vie est plus que dure pour nous. Ma femme a été tuée lors d'une attaque à Arbinda (nord) en décembre, laissant un bébé de deux ans. L'enfant est à Ouagadougou. Il est pris en charge par l'action sociale ». Le territoire sur lequel l'Etat exerce son autorité se réduit comme une peau de chagrin. Armée, police, enseignants sont absents de pans entiers du pays. Dans ce contexte, le président Kaboré est la cible de critiques. « C'est une sorte de roi fainéant qui multiplie les audiences et écoute dans son fauteuil sans prendre de décision », estime une source diplomatique à Abidjan. La semaine dernière, le président Kaboré, candidat à sa propre succession, a réalisé un coup d'éclat en se rendant à Djibo, une des villes symboles de l'avancée djihadiste, à 200 km au nord de la capitale Ouagadougou. « J'ai pris l'engagement que Djibo est et restera à jamais burkinabè », a ensuite annoncé le président dans un tweet, avouant crûment qu' »un certain nombre de zones où l'armée était positionnée ont été délaissées »... « Cette visite s'apparente à une campagne électorale. Les populations qui y vivent ne sont mêmes pas certaines de prendre part aux élections. Leurs soucis sont ailleurs. Eau, gaz, nourriture, tout manque... », commente Drissa Traoré, analyste politique. Avec un Nord et Est complètement déstabilisés, un Sud et Ouest, victimes d'attaques sporadiques, et une capitale Ouagadougou déjà touchée à trois reprises par des attentats, la situation sécuritaire va à l'évidence priver des zones entières du pays de scrutin, qui sera donc contesté. Mais, face à une opposition sans leader, le président Kaboré paraît bien parti pour rester à la tête d'un pays qui n'en finit pas de sombrer.