L'Algérie, dont la structure économique demeure adossée aux rentes fossiles, affronte une inflexion brutale de ses équilibres financiers, provoquée par la chute des cours du pétrole sous le seuil des 60 dollars le baril, bien en deçà des prévisions officielles inscrites à 70 dollars dans la loi de finances pour 2025. Cette dégringolade intervient au moment où l'Etat s'engage dans une politique budgétaire d'une ampleur inédite, portant les dépenses publiques à 128 milliards de dollars, au prix d'un déficit vertigineux de 62 milliards — soit près d'un cinquième du produit intérieur brut. Dans un pays où plus de 90 % des recettes extérieures émanent des hydrocarbures et de leurs dérivés, la moindre oscillation des marchés mondiaux s'apparente à un séisme budgétaire. L'entreprise publique Sonatrach, colonne vertébrale de l'économie nationale, fait face à un déclin programmé de ses capacités extractives, tributaire de l'épuisement des gisements, de l'absence de nouveaux projets structurants, et d'un climat d'affaires que nombre d'acteurs étrangers jugent dissuasif. «Les perspectives à long terme s'assombrissent nettement ; dès 2027, un repli de la production est attendu, pour atteindre en 2034 quelque 1,18 million de barils par jour», estime l'analyse de Fitch Solutions, en soulignant l'inertie des investissements et la lente dégradation de l'outil productif. À cette détérioration interne s'ajoute l'effet dissolvant de la transition énergétique mondiale. Le continent européen, jadis débouché privilégié, cherche désormais à s'affranchir de ses dépendances fossiles, tandis que les ambitions locales en matière de raffinage risquent de détourner une part croissante de la production vers la consommation intérieure. «Les recettes d'exportation se voient menacées à la fois par la baisse des volumes, l'instabilité des marchés européens, et la réorientation d'une partie du brut vers un usage domestique, dans un contexte d'inflexion globale en faveur d'énergies décarbonées», ajoute Fitch Solutions. À mesure que s'effiloche la rente énergétique, le pays s'expose à un double péril : celui d'un désajustement financier majeur et d'une fragilisation du pacte social, longtemps soutenu à force de transferts et de subventions. La conjoncture actuelle, bien plus qu'un aléa conjoncturel, dessine les contours d'une épreuve durable.