Lors de sa tournée actuelle dans les monarchies du Golfe, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a été vivement sollicité par les pays arabes – au premier rang desquels le Maroc – pour «mettre un terme à la guerre à Gaza» et pour envisager l'intégration de la Syrie dans le dispositif diplomatique dit des Accords d'Abraham. Cette orientation contredit frontalement la posture militaire très controversée de Benyamin Nétanyahou, dont l'obstination guerrière semble désormais nourrir plus de réprobation que d'adhésion, y compris auprès des alliés traditionnels d'Israël. «Les dirigeants du Golfe, appuyés par l'Egypte, la Jordanie et le Maroc, ont très probablement profité de leurs échanges privés avec Trump pour plaider en faveur d'une cessation des hostilités», note l'Institut royal des affaires internationales (Chatham House), un centre d'analyse indépendant basé à Londres, dans son dernier rapport. «Le consensus arabe repose désormais sur la nécessité d'une sortie de guerre comme condition préalable à toute avancée diplomatique majeure.» Une stratégie devenue indéfendable Le chef du gouvernement israélien paraît chaque jour prisonnier de sa propre ligne. La guerre à Gaza dure depuis près de 600 jours, sans perspective claire de résolution. Le ministre des affaires stratégiques, Ron Dermer, a évoqué une échéance d'un an. Mais un haut responsable sécuritaire cité par la presse israélienne affirme qu'il faudra «au moins deux années de combats intenses» pour atteindre les objectifs fixés. Ce prolongement n'est dicté ni par la nécessité ni par une évaluation militaire objective, mais bien par des considérations politiciennes. La coalition qui soutient M. Nétanyahou est composée de formations ultranationalistes dont l'agenda repose sur le maintien du conflit. Tout infléchissement vers l'apaisement pourrait faire éclater cette majorité instable. Or, cette obstination se heurte désormais à des lignes de fracture internes et externes. Israël face à son propre peuple La lassitude au sein de la société israélienne s'amplifie. La mobilisation des réservistes reste importante, mais engendre des polémiques croissantes. Surtout, les sondages révèlent une inversion des priorités : environ 70 % des citoyens souhaitent que la libération des otages prime sur la poursuite de l'opération militaire. Par ailleurs, 61 % des personnes interrogées se disent favorables à une normalisation avec l'Arabie saoudite. Cette opinion publique, en rupture avec la rhétorique gouvernementale, se trouve en harmonie avec les positions exprimées par les partenaires régionaux. Riyad a clairement posé l'arrêt de la guerre et la reconnaissance d'un Etat palestinien comme conditions sine qua non à toute avancée. «L'écart entre les attentes des populations et les postures gouvernementales devient de plus en plus manifeste», souligne Chatham House. Trump se détache de Tel-Aviv Alors que le président Donald Trump avait autrefois adopté un ton sans nuance au sujet d'Israël, il apparaît aujourd'hui plus circonspect. «Ils se battent depuis mille ans», aurait-il déclaré à ses soutiens financiers, manifestant ainsi une forme d'épuisement face à l'inextricable complexité du conflit. Selon l'institut britannique, cette inflexion révèle «une volonté croissante de Washington de se soustraire à la logique d'alignement systématique.» L'annulation d'une opération terrestre majeure initialement prévue par Tsahal au nord de Gaza, reportée à l'issue du déplacement présidentiel dans la région, témoigne d'une prudence nouvelle à ne pas compromettre les tractations en cours. L'éloignement américain, une menace stratégique Si M. Nétanyahou en venait à relancer les opérations militaires après l'échec de nouvelles négociations sur les otages au Qatar, il risquerait une rupture stratégique avec Washington. L'abandon de la normalisation avec Riyad et d'autres puissances arabes priverait Israël d'une solution régionale durable non seulement pour Gaza, mais pour l'ensemble de la question palestinienne. «La perte de crédibilité du Premier ministre israélien, notamment auprès de ses interlocuteurs occidentaux, est amplifiée par son incapacité à s'adapter à l'évolution du paysage diplomatique», analyse encore Chatham House. Un isolement aux effets différés mais profonds Malgré sa majorité parlementaire de 68 sièges sur 120, la coalition gouvernementale dirigée par M. Nétanyahou est vulnérable. L'écart entre la ligne de l'exécutif et l'opinion majoritaire sur Gaza offre à l'opposition une brèche exploitable. La promesse d'une sécurité garantie et d'une diplomatie habile, longtemps associée au chef du Likoud, s'érode sous l'effet combiné des revers internationaux et des blocages internes. M. Nétanyahou se trouve à un tournant, selon la même analyse. Poursuivre la confrontation, c'est risquer un isolement croissant sur la scène internationale et une défiance accrue au sein de sa propre population. Engager une désescalade, en revanche, impliquerait de rompre avec les franges les plus radicales de sa coalition. «Le choix du Premier ministre ne déterminera pas seulement son héritage politique, il redessinera la place d'Israël dans l'ordre régional en recomposition», conclut l'Institut royal des affaires internationales (Chatham House).