À quatre jours de l'entrée en vigueur de droits de douane américains atteignant jusqu'à 30 % sur la majorité des exportations sud-africaines, Pretoria a fait part de ses vives inquiétudes : près de 30 000 emplois seraient menacés si aucune réponse appropriée n'était apportée. Selon les autorités, l'Afrique du Sud — troisième partenaire commercial des Etats-Unis après la Chine et l'Union européenne — a été soumise à l'un des régimes tarifaires les plus sévères. Cette décision a semé le trouble parmi les filières exportatrices et déclenché une course contre la montre pour trouver de nouveaux débouchés en dehors du marché américain. L'entrée en application des droits est prévue le 8 août. «Nous fondons cette estimation sur les consultations permanentes que nous menons avec l'ensemble des secteurs de l'économie — de l'automobile à l'agriculture, en passant par l'industrie manufacturière,» a déclaré Simphiwe Hamilton, directeur général du département du commerce, de l'industrie et de la concurrence, cité par l'Associated Press. «Une mauvaise gestion de la riposte compromettrait jusqu'à 30 000 emplois.» Ce coup porté par Washington intervient alors que le pays peine déjà à juguler un chômage structurel. Le taux officiel s'élevait à 32,9 % au premier trimestre 2025, selon StatsSA, l'agence sud-africaine de la statistique. Le chômage des jeunes, quant à lui, est passé de 44,6 % au dernier trimestre 2024 à 46,1 % début 2025. Ramaphosa appelle à la prudence et au dialogue avec Washington Dans une lettre ouverte hebdomadaire diffusée lundi, le président Cyril Ramaphosa a reconnu que ces mesures «pourraient affecter profondément les secteurs tributaires des exportations vers les Etats-Unis, ainsi que les travailleurs qu'ils emploient.» Il a précisé : «En tant que gouvernement, nous avons intensifié le dialogue avec les Etats-Unis afin de préserver une relation commerciale et d'investissement réciproquement avantageuse. Tous les canaux de communication demeurent ouverts.» En dépit de la gravité des restrictions annoncées, certains produits demeurent exclus du régime douanier renforcé, notamment le cuivre, les produits pharmaceutiques, les semi-conducteurs, le bois, certains minerais critiques, les ferrailles inoxydables et les produits énergétiques. L'administration Trump, à l'origine de cette décision, s'était déjà montrée hostile au gouvernement sud-africain. Donald Trump a accusé Pretoria de favoriser les citoyens noirs au détriment des blancs à travers une nouvelle législation foncière. Les relations diplomatiques se sont encore tendues en mars avec l'expulsion de l'ambassadeur Ebrahim Rasool, accusé par la Maison-Blanche d'être un «politicien racialiste hostile au président Trump», selon l'Associated Press. Le ministre des relations internationales, Ronald Lamola, a réfuté l'idée selon laquelle l'absence d'ambassadeur aurait influé sur l'issue des pourparlers. «Même des pays alliés des Etats-Unis, disposant de représentants en poste, n'ont pas été épargnés,» a-t-il souligné. Il a toutefois confirmé que «le processus de désignation d'un nouvel ambassadeur est à un stade avancé.» Des perspectives commerciales alternatives mais fragiles Les Etats-Unis absorbent 7,5 % des exportations globales de l'Afrique du Sud. Face à la menace de fermeture partielle de ce marché, Pretoria s'efforce de réorienter ses flux vers d'autres régions. Un accent particulier a été mis sur le continent africain, mais aussi sur l'Asie et le Moyen-Orient, notamment les Emirats arabes unis, le Qatar et l'Arabie saoudite. Le gouvernement affirme avoir conclu plusieurs protocoles cruciaux, notamment avec la Chine et la Thaïlande, en matière d'accès sanitaire pour des produits tels que les agrumes. Un bureau d'appui aux exportations (Export support desk) a été mis en place pour accompagner les producteurs sud-africains dans leur recherche de marchés de substitution. Tout en saluant cette structure, Business Leadership South Africa (BLSA), qui regroupe plusieurs grandes entreprises du pays, a appelé à la création d'un comité national d'urgence commerciale réunissant des responsables publics et privés, y compris du ministère des finances. «Les droits de douane américains constituent une menace directe pour le secteur manufacturier et et le secteur agricole, en particulier dans le Cap-Oriental. Une aide temporaire, mais immédiate, est indispensable,» a averti l'organisation dans un communiqué transmis à l'Associated Press.