Le fonds britannique Alta Semper lance une opération de capital-investissement axée sur le secteur de la santé sur le continent. En Afrique du Nord, le Maroc, aux côtés de l'Egypte, figure parmi les principaux marchés visés. Décryptage. Le fonds de capital-investissement britannique Alta Semper Capital, spécialisé dans les marchés émergents, renforce sa présence en Afrique avec une nouvelle stratégie orientée vers le secteur de la santé. Avec une puissance de frappe de 150 millions $, le fonds ambitionne de réaliser entre 6 et 10 prises de participation, majoritaires comme minoritaires, dans des entreprises africaines de taille moyenne, avec des montants unitaires allant de 15 à 25 millions $. Le fonds interviendra dans les secteurs de la santé, de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur dans le domaine de la santé, ainsi que celui des biens et services de consommation. Lire aussi | CFC rejoint l'Initiative financière du PNUE en faveur d'une finance durable en Afrique Dans les détails, en Afrique de l'Ouest, les pays ciblés sont : le Nigeria, le Ghana, le Sénégal et la Côte d'Ivoire. En Afrique de l'Est, le fonds se déploiera au Kenya, en Ethiopie, au Mozambique, en Tanzanie et en Ouganda. En Afrique du Nord, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie sont les marchés prioritaires. Il faut d'ailleurs noter que cette opération bénéficie d'un fort soutien auprès des institutions internationales. Il s'agit notamment de la Société financière internationale (IFC) qui a mobilisé un investissement en fonds propres de 25 millions de dollars, ainsi qu'une enveloppe de co-investissement de 20 millions de dollars dans Alta Semper Growth Fund II. Pourquoi le Maroc ? Le Maroc, dans cette dynamique, apparaît comme un marché stratégique pour le fonds, tant pour sa capacité à accueillir des investissements industriels structurants dans la santé, que pour son positionnement en tant que plateforme régionale entre l'Europe et l'Afrique subsaharienne. Le pays a également fait d'énormes pas dans ce secteur avec des initiatives réelles, notamment la réforme du système de santé, avec l'élargissement de l'AMO (Assurance Maladie Obligatoire), l'augmentation de l'investissement public et la montée en gamme des infrastructures. Ces évolutions créent un effet d'entraînement sur le secteur privé, devenu un relais de croissance stratégique. Le Royaume combine ainsi stabilité macroéconomique, réformes structurelles et un fort potentiel de consommation médicale. « Ce mouvement s'inscrit dans une tendance plus large d'appétit des fonds étrangers pour les infrastructures sociales africaines – santé, éducation, logistique – perçues comme des actifs défensifs et à forte valeur d'impact. Alta Semper, déjà actif au Nigeria et en Egypte, cherche désormais à capitaliser sur des marchés comme le Maroc, où l'environnement réglementaire s'améliore et où le besoin en services de santé accessibles est pressant », nous confie le professeur Al Mountacer Charif Chefchaouni, gestionnaire hospitalier et expert international de la santé. Lire aussi | Afrique : le MCC, c'est la fin ! « Nombre de fonds internationaux ayant soutenu la croissance de cliniques privées marocaines au cours des cinq dernières années atteignent aujourd'hui le point d'équilibre idéal pour valoriser leurs participations et réaliser des sorties profitables. Ce phénomène génère sur le marché une offre croissante de cessions de blocs minoritaires ou majoritaires, notamment au sein de groupes de cliniques spécialisées. Pour un nouvel entrant tel qu'Alta Semper, c'est l'occasion de reprendre ces positions stratégiques à des valorisations encore attractives, tout en profitant de la trajectoire de croissance déjà amorcée par ces établissements », précise l'expert. Rappelons que le fonds, en 2020, était entré dans le tour de table du groupe ODM. Un enjeu pour l'offre sanitaire ? « L'émergence d'établissements publics à but non lucratif nécessitant d'importants financements... » Parallèlement au développement privé, le Maroc voit naître de nombreux centres hospitaliers universitaires et structures de santé à but non lucratif, soutenus par l'Etat et par des partenariats publics-privés. Ces nouveaux établissements, souvent conçus pour désengorger les CHU existants et améliorer l'accès aux soins dans les régions sous-médicalisées, requièrent des investissements significatifs dans les infrastructures, les équipements biomédicaux et la formation du personnel. L'intervention de fonds d'investissement spécialisés peut non seulement répondre à ces besoins de financement, mais aussi apporter une expertise managériale et technologique », alerte le professeur. Lire aussi | Le patron de l'AFD entame sa mission de terrain au Sahara marocain Par ailleurs, afin de construire une offre sanitaire, le Maroc a mis en place un certain nombre de dispositifs pour attirer les IDE afin de soutenir l'investissement. « Qu'il s'agisse du déploiement de réseaux de cliniques, de l'essor de l'industrie pharmaceutique locale ou de l'équipement des plateaux techniques, la dynamique actuelle du secteur de la santé au Maroc crée un terreau fertile pour de nouvelles opérations de private equity. L'intérêt manifesté par Alta Semper reflète ainsi une tendance plus large : la perception d'un marché porteur, où la convergence entre exigences réglementaires, besoins démographiques et réformes de l'assurance santé génère un retour sur investissement jugé attractif et durable. »