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L'hôpital,ce grand malade

Le système de santé au Maroc n'angoisse pas que les Marocains… Même les promoteurs de la future station balnéaire Mazagan, près d'El Jadida, revoient leurs ambitions à la baisse! Les touristes milliardaires auprès desquels ils comptent commercialiser certaines villas s'interrogent sur l'offre marocaine en termes de santé. Venir jouer au golf, ils veulent bien, mais prendre des risques qui peuvent mettre leur vie en péril, c'est niet! Décidément, la santé a mauvaise presse, par ici... A raison d'ailleurs. Pourtant, depuis 2003, le budget de la santé publique ne cesse d'augmenter : environ 10% en moyenne. Pour 2009, le gouvernement fait même un cadeau à Yasmina Baddou en décidant d'aller au-delà de 20%. Ce sont ainsi 9,7 milliards de DH qui seront consacrés à ce secteur. Mais sait-on que plus de 80% du budget de la santé vont aux seules dépenses de fonctionnement ? Avec tout cela, les hôpitaux manquent de tout ! Fils, seringues, éprouvettes, médicaments... L'inventaire de ce qui fait défaut dépasse les niveaux universellement tolérés. Et pourtant, les maux, ici, ne relèvent pas seulement de la chose financière. Corruption, manque de professionnalisme, inadaptation de l'offre à la demande… Une vraie gangrène.
«Mon frère devait rejoindre d'urgence le service de réanimation. Mais à l'accueil, on nous a demandé d'abord de payer 1.000 dirhams. Nous étions pris de court, nous ne disposions pas de la somme exigée sur le champ. Mon frère en a payé le prix. Il a rendu l'âme quelques heures après», raconte en sanglotant Ali. Cela s'est passé au Maroc, au CHU Ibn Rochd de Casablanca, en cette journée pluvieuse du mercredi 3 décembre 2008. Un drame dont la famille de « la victime » aura certainement du mal à se remettre. Car, c'est bel et bien un drame, un crime. Cette scène, qui s'est déroulée au cœur de la capitale économique, n'est pas une première dans les annales des mésaventures de la santé publique au Maroc. Le désaveu d'Ali n'est pas non plus singulier. Des cas de négligence similaires sont enregistrés partout au Maroc au vu et su des responsables de la santé publique. «Le médecin qui m'a ausculté m'a prescrit des médicaments que je pensais pouvoir récupérer directement à l'hôpital vu que je dispose d'un certificat d'indigence. Cependant, une fois au service concerné, on m'a fait savoir que les médicaments n'étaient pas disponibles, mais que si je payais 30 dirhams, quelqu'un pourrait me les fournir gratuitement», s'indigne un patient. En plus de la négligence, la corruption est l'un des maux qui gangrènent le système sanitaire public. Une question de vie ou de mort pour des malades nécessitant des soins urgents. Et ce sont toujours les classes les plus pauvres qui souffrent le plus du phénomène, car elles n'ont pas les moyens de payer des pots-de-vin ou des soins privés.
L'hôpital, ce grand malade
Aujourd'hui, l'hôpital public est au centre des interrogations des Marocains, qui ne comprennent toujours pas que des structures censées être généreuses soient devenues au fil du temps de véritables forteresses gardées, où la relation entre patient et médecin se perd, pour finalement n'être plus qu'une simple formalité, le patient étant un cas, un dossier, un numéro… Aujourd'hui, pour beaucoup de citoyens, venir à l'hôpital reste une démarche obligée. Ils y vont à reculons par manque d'autres alternatives, eu égard aux moyens qui font défaut. L'hôpital a-t-il failli à sa mission ? «De quelle mission parlez-vous d'abord ?», lance tout de go Dr Elhassan Boukind, Chef du Centre national des brûlés et de chirurgie plastique au CHU Ibn Rochd de Casablanca, convaincu du flou total dans lequel baignent nos hôpitaux. Sur le plan de l'encadrement réglementaire, 2007 a connu la publication du Décret n° 2-06-656 du 13 avril 2007 relatif à l'organisation hospitalière. Actuellement, le ministère de la Santé travaille sur la publication du règlement intérieur des hôpitaux. Ces textes déterminent les règles de fonctionnement et d'organisation et engagent la responsabilité des acteurs au niveau central et local. «On se retrouve à faire du social alors que notre budget est trop limité pour satisfaire gratuitement toute la demande en soins de qualité. Or, comme le dit un proverbe japonais, tout ce qui est gratuit est trop cher», ajoute Dr Boukind (voir entretien avec Dr Belghiti Alaoui). Et d'ajouter, «il faut que le ministère ait le courage politique de faire les bons choix, quitte à perdre en popularité, mais à gagner en efficacité et en crédibilité. En tout cas, santé et politique ne font pas bon ménage ! ». Peut-on en effet en vouloir au département de la santé de ratisser large en intégrant un maximum de populations ? «Oui !», réplique un praticien dans la santé publique. Et d'ajouter, «pourquoi est-ce quasiment le seul secteur où on parle d'indigents. Les politiques n'ont qu'à exonérer les pauvres du paiement des droits de timbre pour disposer des certificats de naissance, de décès, de célibat… », ironise-t-il. « C'est bien de les prendre en charge. C'est même une obligation de l'Etat, mais qu'il le fasse via une structure dédiée au lieu de nous en faire payer le prix alors que nous sommes un établissement autonome». Car, disons les choses clairement. Seuls les pauvres fréquentent les hôpitaux publics. Et en sortir indemne ou pas ne semble pas trop être une priorité. Et pourtant, il est bien connu que la quantité est l'ennemi de la qualité. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur le CHU Ibn Rochd relève d'ailleurs une panoplie d'anomalies, dont celle relative au nombre de patients que prend en charge un infirmier, nettement au delà de la moyenne admise universellement. Un détail ? Non, puisque cela coûte des vies. Le taux de mortalité dans les hôpitaux en accuse fatalement le coup.
333 DH par personne, c'est ce que supporte l'Etat
En 2009, les dépenses du ministère de la Santé s'élèvent à 333 DH par personne. «Même pas le prix d'une circoncision», ironise un médecin. Et pourtant, cette année, le département de Yasmina Baddou affiche avec fierté avoir pu décrocher une augmentation de son budget à hauteur de 20%, contre les classiques 10% consentis durant le mandat Jettou. En effet, le budget passe à 9,7 milliards de DH, mais dont seulement 1,5 milliard sont alloués à l'investissement. L'équipement des CHU et de l'Institut Pasteur sont les premiers à en profiter. Plus de la moitié du budget, soit 5,4 milliards, est alloué aux charges du personnel. Ce montant couvre aussi la création de 2.000 nouveaux postes budgétaires. Dans ce dispatching, le parent pauvre reste le monde rural. Une maigre enveloppe d'à peine 58 MDH est consacrée à l'amélioration des services de santé dans les campagnes. 77,8 MDH pour la construction et l'équipement des hôpitaux régionaux et provinciaux. Et pourtant, ces établissements de soins manquent de tout. Les habitants le disent. Ceux qui doivent faire le déplacement jusqu'à Casablanca n'en ont pas toujours les moyens. Leurs familles ne peuvent pas subvenir aux frais du logis. «Combien de patients sont délaissés par des parents qui rentrent chez eux et ne reviennent plus», témoigne un médecin pratiquant à Ibn Rochd. Auraient-ils préféré se soigner tout près de chez eux ? Certainement, mais sur place, dans ces régions enclavées, les choses ne vont pas mieux. Les exemples ne manquent pas pour illustrer ce malaise qui ne fait que s'amplifier. Des témoignages l'attestent. Les prestations médicales de l'hôpital de la ville de Tafraout par exemple suscitent la colère des habitants de toute cette région. «J'ai accompagné ma mère dans ce centre de santé pour la soigner d'une otite. Il était dépourvu du minimum requis. On nous a demandé d'apporter de l'eau à bouillir. Pour cela, il fallait apporter aussi une bonbonne de gaz ainsi que le matériel à utiliser pour le traitement. Enfin, l'agent soignant m'a ordonné de m'acquitter de 30 DH. Après négociation, j'ai dû lui verser 20 DH», raconte amèrement un homme en congé dans la région. Même dans des établissements où la gratuité est le principe de base, les gens payent.
Certificat d'indigence :
il faut payer quand même!
Force est de constater que c'est pratiquement tout le système du «certificat de pauvreté», conçu pour garantir l'accès des pauvres aux soins de base, qui a été livré à la corruption. Résultat des courses : un marché s'est développé pour l'obtention desdits certificats. En 2003 déjà, le ministère de la Santé reconnaissait que «56 % de ceux qui ont les moyens de payer profitent des hôpitaux publics, tandis que 15 % des plus pauvres du pays payent de leur poche». Comment expliquer ces dérapages ? A en croire un médecin, c'est surtout le niveau des salaires qui explique cette situation. «Un médecin généraliste qui a un Bac+8 débute avec un salaire mensuel de 7.000 DH. Quant aux médecins spécialistes, ils commencent avec un salaire de 9.000 DH par mois. Tout cela sans prime de garde, ni prime d'éloignement», dit-il. La situation est encore plus alarmante du côté des infirmiers et des agents de service qui, eux, sont les plus incriminés quand on parle de corruption dans les hôpitaux. La conséquence est que les hôpitaux publics paient aujourd'hui le prix fort parce que les revenus potentiels sont perdus, ne sont pas enregistrés ou sont distraits par les personnels médicaux qui abusent de leur poste pour extorquer de l'argent aux malades, et les équipements et les médicaments sont dilapidés ou de mauvaise qualité. La crédibilité et l'intégrité des personnels médicaux en souffrent. Le prix à payer par l'État est l'échec de la politique sanitaire. D'ailleurs, la Cour des comptes, qui vient de rendre public son rapport 2007, n'y est pas allée de main morte pour charger le CHU Ibn Rochd.
Le CHU sur la sellette
Le rapport de la Cour des comptes est édifiant quant aux irrégularités tous azimuts qui entachent le CHU. Ce dernier impose aux indigents, sans base légale, des contributions «qui peuvent aller de 200 DH pour l'hospitalisation à 50 % du tarif de base pour les analyses et la radiologie». Enorme pour les petites bourses.
Le principal centre hospitalier du Royaume, qui en prend également pour son grade au niveau de son activité, est l'illustration parfaite du malaise qui sévit dans les centres hospitaliers du Royaume. Entre 2003 et 2005, le CHU a vu son activité baisser. A l'origine de ce trend baissier, une faible productivité. «Le CHU, qui dispose de 336 médecins pour une moyenne de 120.000 consultations annuelles, réalise moins de deux consultations par jour et par médecin», constate la Cour. Selon les hommes d'Ahmed Midaoui, la faible productivité se manifeste également au niveau de plusieurs autres services (oncologie, chirurgie viscérale…). Il faut dire que le centre exprime un besoin chronique de 527 infirmiers. La cause : alors que la norme établie impose à un CHU de disposer d'un infirmier pour 3 lits, certains services de l'hôpital disposent de 8 lits (voire 20 dans certains cas) par infirmier.
La Cour des comptes n'a pas manqué de pointer du doigt les problèmes liés aux activités externalisées. «La passation et l'exécution de ces marchés se sont faites au détriment du respect des cahiers des charges et du contrôle du CHU». A titre d'exemple, la résiliation d'un contrat de près de 3 millions de DH, concernant l'externalisation du blanchiment de linge, en raison «de l'incapacité de gestion de cette activité par le titulaire du marché». Autre absurdité relevée, les box d'accouchement sont en état d'insalubrité et de vétusté, à tel point que le taux de mort-nés demeure élevé (31,84 pour 1.000 en 2005). Idem pour le taux de mortalité. Le taux moyen de mortalité pour les disciplines de réanimation dépasse 303 cas pour 1.000. En réponse, le CHU assure que «la norme internationale admet un taux de 20 à 30% de mortalité en réanimation!». Dans un autre registre, la Cour note la sous-exploitation des blocs opératoires qui découle de l'allongement des délais de rendez-vous. Plus grave encore, le rapport relève des défaillances dans les systèmes de sécurisation du circuit de prélèvements, ainsi que des résultats se rapportant aux analyses. «Ces opérations s'effectuent dans de mauvaises conditions», note la Cour. Et d'ajouter: «les actes constatant ces opérations ne sont disponibles à aucun niveau». Pire, l'utilisation de médicaments périmés dans les services de psychiatrie, comme pour l'Halopéridol (utilisé pour les psychoses aiguës, la schizophrénie et l'agressivité).
Cerise sur le gâteau, la gestion du matériel médico-technique est jugée catastrophique. Matériel défaillant à l'acquisition comme ce scanner qui a coûté plus de 7MDH, tombé en panne dès les premiers jours de son installation. Ou encore ces 52 fauteuils dentaires payés pour pas moins de 6,6MDH et qui se sont avérés inadaptés aux besoins du centre…
Ceci étant, en matière d'achat de matériel médical, le public demeure plus regardant sur la qualité que le privé. Un constat approuvé à l'unanimité par les praticiens. En voilà les raisons. Au Maroc, vous pouvez importer n'importe quel matériel médical, qu'il soit âgé de dix ans ou plus, qu'il soit aux normes internationales ou non, ou tout simplement qu'il soit en état de fonctionnement ou non. Une information qui fait froid dans le dos, lorsque vous commencez à imaginer les conséquences que cela peut avoir sur votre santé. Exemple. Aujourd'hui, il y a des campagnes de dépistage du cancer du sein. Seulement lorsque vous vous rendez dans le cabinet d'un médecin ou dans une clinique privée, rien ne vous garantit que le mammographe utilisé pour établir le diagnostic est en assez bon état pour détecter un début de cancer. «Certains vieux appareils ne sont capables de constater un cancer qu'en phase terminale, c'est-à-dire à la métastase. Autre exemple, celui du matériel de stérilisation utilisé dans les blocs opératoires: si le matériel est ancien, la stérilisation peut-être défaillante et c'est la porte ouverte à tous types de contaminations», explique le directeur général d'une société de vente de matériel médical. Mauvais diagnostic, contamination en milieu médical par des maladies graves…, les risques sont réels. Seulement, comment se prémunir aujourd'hui contre ces dangers. «Malheureusement, pour nous patients, nous ne pouvons pas vérifier si le matériel utilisé en bloc opératoire est aux normes ou non, car l'entrée y est tout bonnement interdite pour des raisons de «sécurité». D'ailleurs, même un représentant du ministère de la Santé ne peut aller vérifier dans un cabinet médical ou une clinique si un échographe ou un scanner sont défaillants. Aucune loi ne l'y autorise», déplore Abderraouf Sordo, directeur général de T2S et également président de l'APMB –l'association des professionnels du matériel Biomédical-.
A noter qu'en France, pour ne citer qu'elle, la loi interdit aux praticiens d'utiliser des échographes par exemple, ou tout autre matériel, de plus de cinq ans. Même les mutuelles refusent de rembourser, car sur les feuilles de soins, il est demandé de mentionner la date d'acquisition du matériel en question. Si elle dépasse les cinq ans, le patient paye la totalité de la consultation.
Pourquoi alors au Maroc, l'achat de matériel médical d'occasion est-il monnaie courante? Et surtout pourquoi les pouvoirs publics ne réagissent-ils pas face à des actes aux conséquences aussi graves, en particulier lorsqu'on sait que nos voisins algériens, tunisiens, libyens, … interdisent formellement l'importation de matériel médical d'occasion? «En Egypte, vous allez même au pénal en cas de manquement à la loi!», s'exclame Abderaouf Sordo.
Le contrôle, ce grand
absent…
C'est d'abord en quelque sorte une question de pouvoir d'achat. Tous les médecins, lorsqu'ils s'installent pour la première fois, n'ont pas les moyens d'acheter du matériel médical flambant neuf. D'ailleurs, c'est le principal argument utilisé par les pouvoirs publics, jusqu'à l'avènement de Yasmina Baddou, la nouvelle ministre de la Santé, pour ne pas donner de suite à ce dossier. Car il faut savoir que tous les ministres de la Santé précédents, Biadillah y compris, ont donné en guise de réponse à cette problématique une fin de non recevoir. Pour eux, le marché marocain ne pouvait pas se permettre de se passer du matériel médical d'occasion. En revanche, d'après les professionnels, Yasmina Baddou est pour une interdiction totale de l'importation de matériel médical d'occasion. Seulement, l'APMB tempère et demande que l'interdiction ne porte que sur le matériel dont la date de fabrication dépasse les cinq ans, entre autres pour répondre à la problématique du pouvoir d'achat des médecins qui démarrent tout juste leurs activités. Mais il n'y a pas que les jeunes médecins qui ont recours au matériel médical d'occasion. «Certains font ce choix, et mettent en avant le fait que leur patients ne peuvent payer le prix d'actes médicaux réalisés grâce à du matériel neuf, et qui seraient forcément plus chers. C'est généralement le cas de médecins situés en périphérie ou en milieu rural», explique le DG d'une société de matériel médical.
«D'autres médecins, qui se sont déjà fait une place au soleil, ont tout simplement pris l'habitude de se fournir en matériel d'occasion moins onéreux. Car la plupart préfèrent s'acheter la dernière Mercedes que d'investir dans du matériel neuf. C'est une question de mentalité», poursuit la même source. En effet, le matériel médical d'occasion est évidemment à un prix beaucoup plus accessible que le neuf. La majeure partie de ce matériel provient d'Europe, généralement de cliniques en faillite ou qui se retrouvent face à l'obligation de changer leur matériel. Cela dit, il existe désormais des circuits internationaux dont l'activité est de regrouper le matériel médical d'occasion et de le revendre aux plus offrants, de telle sorte que l'on ne sache plus sa provenance exacte. C'est une sorte de mafia du matériel médical d'occasion. D'ailleurs, des sites Internet entiers sont dédiés à cet effet. Il n'y a qu'à se servir sur la toile. «Pour la petite anecdote, à un certain moment, il y avait même des ventes aux enchères en direct par visioconférence, organisées à l'hôtel Idou Anfa de Casablanca. Ces ventes étaient même annoncées dans les pages du quotidien «Le Matin», au vu et au su de tous. Cela n'a jamais gêné personne. Du coup, il nous arrive de voir chez des pneumologues,… du matériel russe, ou autre, dont la durée d'exploitation dépasse largement les dix ans», raconte un professionnel de la vente du matériel médical.
Un autre phénomène caractérise aussi le marché de l'occasion. Beaucoup de sociétés apparaissent puis disparaissent quelques mois plus tard. Ce sont des sociétés individuelles, étrangères en général, qui importent un conteneur voire quelques uns, puis dès qu'ils vendent l'ensemble du matériel médical, s'évaporent dans la nature. De manière plus générale, il existe environ 250 sociétés de vente de matériel médical. Les plus importantes de la place sont des importateurs exclusifs de grandes marques (Philips, Siemens, General Electric,….), d'autres se sont spécialisés dans du matériel en provenance d'Asie, certaines font uniquement dans le matériel d'occasion…
Mais seule une trentaine font partie de l'association des professionnels du matériel médical. «Je pense que si l'association n'arrive pas à fédérer, c'est parce que ceux qui vendent du matériel d'occasion craignent pour leur business, vu les revendications de l'association», explique un professionnel. «Nous vendons tous du matériel neuf et d'occasion. Car les maisons mères ont toutes développé des départements de reconditionnement: c'est du matériel médical d'occasion qui a entre un an et sept ans, et qui est remis en l'état. Mais à la différence d'un matériel d'occasion lambda, importé sans reconditionnement, celui-là bénéficie d'une garantie en bonne et due forme», rétorque Abderraouf Sordo qui, rappelons le, est président de l'APMB et directeur général de T2S, importateur exclusif de matériel médical «General Electric».
Aujourd'hui, ce que réclame dans un premier temps l'association fondée par Rachid Belkahia, directeur général de Eramedic, ce n'est pas d'interdire totalement le matériel médical d'occasion, mais de limiter les importations à un matériel dont la durée d'exploitation ne dépasse pas les cinq ans. «Je vous explique notre raisonnement. En Europe, le matériel médical est généralement financé par le leasing, donc sa durée d'exploitation n'excède pas les cinq ans. C'est pourquoi nous proposons d'interdire tout matériel médical qui a été utilisé plus de cinq ans», ajoute Sordo.
Cela fait plus d'une dizaine d'années que l'association milite pour essayer de faire passer un projet de loi dans ce sens. Désormais, le train est en marche. Un projet de loi serait dans le circuit car le ministre du Commerce extérieur, Abdellatif Maâzouz, s'est montré très préoccupé par cette problématique. «Une rencontre est d'ailleurs prévue entre les professionnels et le ministre du Commerce extérieur pour une dernière mise au point. Nous espérons que le projet de loi verra le jour d'ici 2010», souhaite Sordo. Une loi qui aura toute son importance puisque même en matière de taxation, il n'y a aucune différence entre l'importation de matériel neuf et d'occasion. Les droits de douane sont les mêmes. La seule différence qui existe, comme pour n'importe quel produit d'ailleurs, dépend en réalité de la provenance du produit (Etats-Unis, Europe ou Asie). Cependant, il est à noter qu'il existe dans le secteur du matériel médical une exception, voire deux, à ce no man's land juridique. D'une part, il faut reconnaître et souligner qu'au Maroc, il est strictement interdit d'importer dans le secteur public du matériel médical d'occasion. D'ailleurs, les professionnels saluent les efforts d'investissement du secteur public en la matière. D'autre part, depuis 1996, toute importation de matériel de radiologie est soumise au contrôle du centre de radioprotection. Ce dernier est chargé de vérifier si les spécificités techniques du matériel de radiologie importé correspondent aux normes établies par la loi de 1996. Suite à quoi, une autorisation est délivrée à l'importateur. Seulement, cette même loi a également interdit à tout médecin non radiologue de pratiquer des radios. Résultat, les non radiologues ont recours malgré tout au circuit parallèle pour s'approvisionner en matériel de radiologie.
«Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est assainir le marché du matériel médical progressivement, sans pour autant mettre en place un système de régulation qui complique davantage les choses», conclut Abderraouf Sordo. Car il faut garder à l'esprit que jusqu'à 80% du secteur médical privé se fournit en matériel d'occasion, le neuf ne représentant que 20 à 30%. C'est dire si la santé publique ou privée est encore loin du bout de ses peines. Les problèmes liés à son système continuent : corruption, pression sur les établissements de soins, mauvaise organisation des services d'urgence, grand déséquilibre entre les régions et entre les milieux rural et urbain. Et ce n'est pas un budget de 9,7 milliards de DH qui pourra à lui seul rectifier le tir.
Evacuation par hélicoptère : niet !
L'un des facteurs qui fait grimper le taux de mortalité durant les accidents de circulation est relatif aux retards accusés par les ambulances, mais aussi à l'insuffisance de l'équipement de ces véhicules. Le ministère travaille là-dessus. Des formations d'ambulanciers sont lancées. Mais en parallèle, un projet de réforme des urgences hospitalières et pré-hospitalières est sur les rails. Ces dernières comprennent la mise en place de 11 SAMU, la normalisation du transport sanitaire (texte en cours d'examen), l'organisation de la filière de l'urgence et la mise en place d'une liste de médicaments vitaux, entre autres actions développées en collaboration avec le Ministère de l'Intérieur. Au Maroc, les nombreuses demandes exprimées par des investisseurs privés, notamment étrangers, pour avoir des autorisations d'évacuation par hélicoptères ont été refusées. «C'est pour une raison de sécurité. Une telle mission est du ressort exclusif de la gendarmerie royale», explique une source proche du dossier. w
Cliniques privées :
des abus et des failles
80% du personnel des cliniques privées sont des fonctionnaires du secteur public. Ce praticien est catégorique. Pour arriver à cette conclusion, il a fait des recoupements dans le cadre d'une étude sur le secteur qui a duré plusieurs mois. L'information est hallucinante. Et pour cause, ce même personnel change de comportement, d'attitude, selon qu'il s'agit du public ou du privé. Tantôt, il est accueillant, chaleureux et disponible. Tantôt, il est agressif, impoli et inaccessible. Cela fait-il par ailleurs des cliniques privées des établissements de soins meilleurs que les hôpitaux de l'Etat ? «Non. Ce qui tranche net entre les deux, c'est juste les murs peints et le carrelage lavé régulièrement», réplique un médecin opérant dans le public. Et d'ajouter, «et en plus, ils pratiquent des tarifs très élevés. Personne ne les contrôle en aval. Elles font la loi». Dans les cliniques privées, il est en effet un secret de polichinelle que sans déposer à priori un chèque de garantie ou une caution en espèce, aucun patient ne peut être admis, même dans les cas les plus urgents. «Le privé est à revoir au Maroc. Il ne dispose pas de structures solides», lance un professeur agrégé. Sur ce point, le Maroc a beaucoup à apprendre du modèle anglophone ou asiatique. Ces derniers disposent de leurs propres centrales d'achats, ce qui leur permet de négocier des commandes abordables et de pratiquer par ricochet des tarifs compétitifs à même de concurrencer le public.
Infections nosocomiales : un sujet tabou qui tue
Elles sont appelées infections nosocomiales : ce sont des maladies contractées dans un établissement de santé, infectant malades et personnel soignant. Elles sont considérées comme telles si elles apparaissent durant les 48 heures suivant le séjour médical du patient. Elles sont liées soit aux soins opérés ou à l'environnement infecté dans l'établissement sanitaire. Ces infections sont favorisées par l'état du patient ou le type de soins qu'il reçoit. Elles peuvent aussi découler du non-respect des règles de sécurité sanitaires lors des interventions chirurgicales. Combien de patients, de médecins et d'infirmiers meurent des suites d'infections hospitalières? La question est vraiment taboue. Difficile d'avoir une idée nette sur le nombre de décès dû aux infections nosocomiales. Mais depuis le 9 décembre 2007, des étudiants sont montés au créneau. Ce jour-là, Jihane Ankaoui, une étudiante en 5e année de médecine dentaire, meurt des suites d'une hépatite virale contractée au Centre hospitalier Ibn Sina à Rabat. Son décès provoque une consternation au sein de la faculté dentaire : ses collègues organisent un sit-in de protestation, où ils pointent, entre autres, le «manque de matériel de stérilisation». Selon eux, la défunte collègue aurait, suite à un contact établi avec une malade hospitalisée pour des soins de gencives, contracté une hépatite fulgurante, une variante de l'hépatite qui peut provoquer la mort en quelques jours. La direction du CHU, pas du tout d'accord avec ces allégations, enclenche une enquête qui conclut que le malade supposé avoir transmis l'infection à la défunte n'avait pas l'hépatite. Il faut dire que le danger des infections nosocomiales découle essentiellement de la défaillance des procédures de stérilisation. L'utilisation de dispositifs médicaux contaminés est la principale origine de ces situations d'infection. L'absence de statistiques accentue l'effet de ce drame humain et rend impossible la mise au point des mesures pour freiner la contamination dans les services de santé. La seule enquête nationale, effectuée par le ministère de la Santé et qui date de 1994, est complètement dépassée. À l'époque, le Département de la Santé avait mené une investigation sur 24 hôpitaux publics et avait abouti aux résultats suivants : une prévalence de 9,5% pour le CHU Ibn Sina, 11,8% pour le CHU Ibn Rochd à Casablanca, 7,7 % pour les hôpitaux régionaux, et 4,1 % pour les provinciaux. Ces chiffres montrent que la fréquence des infections nosocomiales est d'autant plus forte que l'hôpital connaît un flux important de malades. Aucune enquête nationale n'a, depuis, été menée. Aujourd'hui, le ministère a renvoyé le problème aux quatre CHU du pays (Marrakech, Fès, Casablanca et Rabat) qui se sont dotés chacun d'un comité dit de lutte contre les infections nosocomiales. Au Maroc, il y a un vide juridique quant à la responsabilité médicale. Le seul texte de loi en préparation concerne le processus de qualité dans les hôpitaux qui a été adopté par le Conseil de gouvernement, il y a quelques mois.
Ce projet aborde brièvement les infections nosocomiales, mais uniquement du point de vue organisationnel. Toutefois, il recommande d'instaurer un comité national et des instances régionales de prévention. Aucune mention n'y a été faite sur la responsabilité médicale ou l'indemnisation des malades en cas de préjudice, comme cela se pratique en France via un fonds public.


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