La libéralisation attendue des activités portuaires monopolisées jusqu'alors par l'ODEP, pose en fait un problème juridique complexe. Le projet de texte qui se discute depuis plus de 6 mois au sein au secrétariat général du gouvernement suppose la création d'une autre entité juridique aux côtés de l'Office d'Exploitation des ports. Si en théorie cela paraît clair, en pratique cette distinction entre ce qui est commercial et régalien dans les compétences de l'ODEP n'est pas facile à établir. Il faut peut-être rappeler que le dahir du 27 décembre 1984 portant création de l'ODEP a eu l'ambition de réaliser une exploitation saine du secteur portuaire. En effet après la restructuration du secteur, la solution juridique apportée par l'Etat pendant le début des années 80 tentait de remédier à l'inadéquation entre les moyens de gestion existant, et les nécessités pressantes de la qualité des services portuaires. Les tâches confiées juridiquement à l'ODEP se sont élargies au fil des années. L'objet de l'office, en termes strictement juridiques, prévoit une liste d'activités, où y sont exclues, les uvres qualifiées de mission de l'Etat pour assurer le service public portuaire. C'est ainsi qu'en principe, l'objet ou l'activité de l'Office ne comprend pas : - La mission de « puissance publique » qui signifie le devoir d'assurer la sécurité de la navigation, la protection de l'environnement, la gestion du littoral, la cohérence des politiques portuaires urbaines et rurales. - La mission de « catalyseur », avec tout ce qui concerne la réalisation des infrastructures portuaires, et l'institution d'un environnement légal évolutif. Il faut prendre en considération que la création de l'Office en 1984 était une réponse à un blocage structurel latent. Les impératifs auxquels devait répondre l'ODEP- et répond encore- étaient strictement mesurés en termes de rentabilité financière directe. L'implication de l'élément humain était une alternative pour remédier à une crise qui secoue le secteur public dans son ensemble. Il faut aussi avouer que la privatisation prônée par le Ministère de tutelle (Ministère de l'Equipement et du transport) suppose avant tout le démantèlement d'un monopole de fait que l'Office détient au même titre que le changement des données concernant l'exploitation du domaine public. C'est à ce niveau que se situe les origines du monopole. Et il n'apparaît pas aisé de résoudre une question aussi complexe. Le domaine public qui est le champ d'exercice des activités de l'ODEP est une partie soumise à un régime de droit public très protecteur et qui est de surcroît très ancien (un dahir qui date du 1er juillet 1914). Le domaine public comprend une partie naturelle composée des rivages de la mer et des cours d'eau, et d'une autre partie artificielle composés de biens divers affectés à l'usage de l'ODEP. Il est vrai que les intérêts commerciaux de l'Office doivent une partie de leur garantie à ce régime juridique protecteur du sol sur lequel ils s'accroissent, cependant, de l'autre côté, non évoqués par les textes, l'élargissement des attributions « publiques » a masqué une volonté de l'Etat de se décharger des coûts de ses missions élémentaires. En termes économiques, cette fois, ceci se traduit par une absorption de l'auto-financement de l'Office qui est la source- à son tour- de la hausse des tarifs. Les usagers, qui demeurent représentés en conseil d'Administration de l'établissement portuaire seront par conséquent le point ultime de la retombée de cette politique que la rigidité des textes actuellement en vigueur n'a fait qu'accenteur leur besoin. Pour une entreprise publique à objet commercial, qui a vu ses attributions administratives s'élargir concomitamment à ses résultats financiers croissants, les possibilités d'ouverture au secteur privé deviennent très difficiles. Ceci est d'autant plus vrai que le contenu du service public confié à l'ODEP n'est plus défini à partir de son versant commercial, mais de sa composante administrative et autoritaire. D'un autre côté, il faut souligner que la loi sur la concurrence a semblé opter pour une privatisation « au premier degré » du secteur portuaire, c'est-à-dire en retenant les activités d'aconage, de pilotage et de remorquage. Autrement dit, le régime juridique du port n'est pas atteint. Le vision « pragmatique » de l'Etat semble prendre en compte que la détermination future des prix des services rendus par l'ODEP devra s'effectuer par le libre jeu de l'offre et de la demande. Ceci suppose une pluralité d'offres qui est synonyme d'une véritable concurrence. Associer le nouveau dispositif juridique attendu en début 2004 à un monopole de fait difficile à éradiquer créera un dilemme pour la stratégie de l'Etat dans le secteur portuaire. Les opérateurs privés nouvellement promus doivent avoir une part importante du marché pour pouvoir couvrir leurs charges fixes en pratiquant des prix acceptés par leurs clients. Dans un pareil cas un marché dans lequel où il n'y a que quelques offres par rapport à une demande importante est à redouter. Certes, l'hypothèse que les opérateurs privés puissent risquer leurs fonds pour la construction des infrastructures portuaires de base relève pratiquement de l'Utopie, d'autant plus que la tendance actuelle de la privatisation de l'ODEP ne peut que subir la confusion qui marque la philosophie de l'Etat dans le secteur portuaire.