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Budget 2013 : «Le gouvernement a raté l'occasion de donner le ton à son mandat»
Publié dans Finances news le 01 - 11 - 2012

S'il est difficile de prévoir un taux de croissance étant donné que cette dernière est intimement liée au PIB agricole, le gouvernement aurait dû tabler sur une prévision réaliste.
Et toute prévision hasardeuse déteint sur les autres : le taux de croissance sur le déficit, le prix du baril sur le budget de compensation, et ainsi de suite.
Les changements substantiels de ces prévisions durant l'exercice ne donnent malheureusement pas lieu à une Loi de Finances rectificative, pourtant imposée par la Loi Organique de Finances.
Le discours du gouvernement sur le nécessaire effort de solidarité est mis à mal quand il refuse toute proposition d'impôt sur les grandes fortunes, ou même seulement de fiscalisation des revenus des grands exploitants agricoles.
Najib Akesbi, économiste et professeur à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, a été interpellé par le nombre de prorogations contenues dans ce projet de LF.
- Finances News Hebdo : Le projet de Loi de Finances de 2013 table sur un taux de croissance de 4,5%, un déficit de 4,8% du PIB, un budget de compensation entre 45,9 et 49,3 milliards de DH... Les prévisions sur lesquelles ont été construites ce projet de LF vous semblent-elles réalistes ?
- Najib Akesbi : Il y a deux éléments essentiels qui permettent de mesurer la fiabilité de ce projet de LF. Il s'agit du taux de croissance et du coût du baril de pétrole. En ce qui concerne le premier, la difficulté au Maroc parvient du fait qu'il est quasiment impossible d'établir une hypothèse fiable sur des éléments peu maîtrisables, parce que la croissance reste à ce jour trop dépendante des aléas climatiques et donc du PIB agricole. A ce jour, personne ne peut établir une prévision des résultats de la campagne agricole 2013 avec une probabilité acceptable, et ce n'est en fait qu'au mois de mars 2013 que l'on pourra raisonnablement s'exprimer à ce sujet. S'en tenir dans ces conditions à une moyenne de 65 millions de quintaux n'est qu'un exercice intellectuel abstrait qui ne sert pas à grand-chose, d'un point de vue pratique et opérationnel. Aussi, il est très hasardeux de fonder tout l'échafaudage de la Loi de Finances sur un chiffre aussi difficilement prévisible.
Face à cette difficulté réelle d'établir des prévisions, il me semble que le gouvernement adopte une attitude facile et quelque peu politicienne : faire systématiquement dans l'optimisme exagéré, sachant que par la suite il sera toujours possible de se défausser de la déconvenue en l'attribuant à tel ou tel facteur, évidemment indépendant de la volonté du gouvernement...
En attendant, des prévisions aussi euphoriques arrangent bien. Ainsi, un taux de croissance relativement élevé permet mécaniquement d'abaisser le taux du déficit budgétaire attendu, et dissimuler ainsi la gravité de la situation des finances publiques. Pour n'en revenir qu'à la Loi de Finances de 2012, il est évident que si on avait retenu le taux de croissance qui va effectivement être réalisé (moins de 3%), on n'aurait jamais pu afficher le taux de déficit budgétaire surréaliste de 5% (alors que le taux effectif est déjà estimé dans une fourchette de 7% à 9%).
- F. N. H. : Qu'en est-il de l'élément externe, à savoir le prix du baril de pétrole ?
- N. A. : Le projet de LF 2013 table sur un baril à 105 dollars. Je m'en tiens simplement aux indicateurs fournis dans des rapports internationaux pour dire que stratégiquement, la tendance est à la hausse. Tant il reste vrai que le cours du pétrole dépend d'éléments «lourds», au niveau de l'offre (la production) et la demande (la consommation), mais également des tensions politiques qui agitent le monde. En particulier, je pense que la perspective des élections américaines met un peu en stand-by les grands dossiers des principaux conflits planétaires, mais dès lors que le prochain président US sera élu, il reprendra en main ces dossiers (à commencer par celui de l'Iran...), et alors, il est fort probable que cela conduira à un regain de tensions dans le monde, avec des conséquences sur le prix du baril qu'on imagine aisément... J'ai bien peur que les 105 dollars ne soient plus un prix plancher, mais une moyenne. Le fait est que, selon les responsables eux-mêmes, chaque dollar de hausse du cours du pétrole engendre un coût supplémentaire de près d'un milliard de dirhams de plus pour le Maroc... Ne serait-ce qu'à travers la Caisse de compensation (dont la Loi de Finances pour 2013 n'annonce aucune réforme pour la même année), l'impact sur le déficit budgétaire sera considérable. Là encore, on voit bien que la prévision annoncée est, pour le moins, hasardeuse...
- F. N. H. : Aujourd'hui, même en cas de changement de l'une de ces hypothèses, notamment un PIB agricole faible ou une élévation du prix du baril, on ne recourt pas à la Loi de Finances rectificative, on opte plutôt pour les circulaires...
- N. A. : Il s'agit en effet d'un vrai problème de gouvernance démocratique. En effet, nos gouvernants ont, depuis longtemps, «oublié» cette procédure, pourtant imposée par la Loi organique de finances dès lors que le projet de Loi de Finances subit des changements substantiels au cours de son exécution. Il y a là un mépris du pouvoir exécutif à l'égard du Parlement qui n'est pas acceptable, et encore moins aujourd'hui, tandis qu'on nous chante matin et soir les «avancées» démocratiques de la nouvelle Constitution !
Au demeurant, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, ici, pour rappeler que l'article 77 de cette dernière Constitution a imposé ce qu'on appelle la fameuse «règle d'or», et ce sans aucun débat public sur une question tout à fait fondamentale. Il reste qu'au regard de cette question, et abstraction faite de la position de principe qu'on peut avoir à son égard, on doit tout de même interpeller ce gouvernement sur ce sujet : en annonçant officiellement un déficit de 4,8 %, est-il en conformité avec l'article 77 de la Constitution ? Ce déficit, permet-il «la préservation de l'équilibre des finances de l'Etat» ? Jusqu'à quel niveau de déficit est-on «préservateur» de cet équilibre et à partir de quel niveau ne le serait-on plus ?!
- F. N. H. : Quelle première lecture faites-vous de ce projet de LF ?
- N. A. : En lisant le texte de cette Loi de Finances, et notamment sa partie fiscale, la première idée qui me vient à l'esprit est que cela a tout l'air d'être «la Loi de Finances des prorogations» ! J'ai été frappé par le nombre de mesures qui ne sont que des prorogations, c'est-à-dire des mesures qui ont déjà été émises, qui arrivent en principe à leur terme au 31 décembre 2012, et qu'on propose aux députés de proroger. J'ai compté huit mesures prorogatives, et sur quatre mesures relatives à l'IS, j'en ai compté trois (et 3 sur 5 pour l'IR). Au demeurant, les délais de prorogation ne semblent obéir à aucune logique d'ensemble puisque certains vont à 2016, d'autres à 2013, alors que d'autres s'étalent jusqu'en 2020...
Ce qui est difficilement compréhensible est le fait que le gouvernement demande de proroger toutes ces mesures, qui sont en fait des mesures d'incitation (donc des niches ou des dépenses fiscales), sans prendre, au moins, la peine de nous expliquer pourquoi, ou plus exactement sans nous présenter le bilan de ces mesures, avec une évaluation objective du «coût – avantage» de l'expérience passée, pour être en mesure ensuite d'apprécier la pertinence d'une proposition de leur prorogation. Comment, sans une telle évaluation, les députés pourraient-ils voter ces prorogations en connaissance de cause ? Je crois que c'est là un domaine tout à fait indiqué où le gouvernement doit rendre des comptes, et saisir même cette occasion pour ouvrir un débat plus global sur la question des dépenses fiscales, dont on a reconnu depuis longtemps l'inefficacité, mais qu'on continue quand même à multiplier, ou «proroger» au gré de chaque Loi de Finances... Rappelez-vous en 2005, lorsque le gouvernement de l'époque avait produit pour la première fois un rapport sur les dépenses fiscales, l'objet en était d'engager une réflexion pour préparer l'opinion publique à y renoncer progressivement. Le mot d'ordre de l'époque était d'en finir avec les dépenses fiscales. Depuis, on n'a cessé de faire l'exact contraire de ce qu'on annonçait ! On en est aujourd'hui à 402 mesures et un manque à gagner évalué à 36.3 milliards de dirhams (contre 337 mesures et 15.4 milliards en 2005...).
36 milliards, c'est 4 à 5 points de PIB ! Du reste, dans ce projet de Loi de Finances, il nous est proposé plusieurs mesures fiscales dites «sociales» et plus ou moins problématiques mais qui devraient, toutes réunies, rapporter à peine 2 milliards de dirhams... Comparez ces deux milliards aux 36 milliards de cadeaux fiscaux dont la plus grande part, vous pouvez en être certaine, va aux privilégiés de toujours !
N'est-il pas plus que temps d'en finir avec cette saignée ? Si tout le monde s'accorde à dire que les dépenses fiscales sont pour une bonne part inefficaces, pourquoi demande-t-on de les proroger, si ce n'est pour répondre aux intérêts de lobbies bien connus et en tout cas certainement pas à l'intérêt général ? Si le gouvernement se dit à court de ressources et par là-même désireux de s'attaquer aux privilèges, eh bien, il dispose là d'un terrain propice pour faire d'une pierre deux coups : dégager des ressources tout en œuvrant pour un peu plus d'équité fiscale !
- F. N. H. : Par contre, pour le financement du Fonds d'appui à la cohésion sociale, on n'hésite pas à faire appel à la contribution des personnes physiques. Quelle lecture faites-vous de la taxation à 3% des salaires annuels nets à partir de 300.000 DH (soit 25.000 DH/mois) et à 5% ceux à partir de 600.000 DH nets?
- N. A. : J'ai d'abord envie de positiver ! Ce que je retiens de cette mesure en premier lieu, c'est qu'elle reflète une reconnaissance implicite des erreurs commises ces dernières années en baissant à plusieurs reprises les taux supérieurs de l'IR. Ce sont là des cadeaux coûteux faits aux détenteurs de revenus relativement élevés, sans qu'on en ait récolté le moindre impact positif dans l'économie. Je veux croire que ce gouvernement reconnaît la faute de ses prédécesseurs et semble disposé à réhabiliter la progressivité de l'IR, comme cela se fait un peu partout dans le monde, du reste. Si cette lecture est juste, il faut saluer ce tournant et même l'applaudir... Seulement, et je reste perplexe à ce sujet, je ne comprends pas pourquoi alors on n'y va pas directement ! Pourquoi passer par cette mesure biscornue sous forme de «surtaxe» dont on s'empresse de préciser qu'elle n'est que provisoire, limitée aux trois prochaines années ! Le Gouvernement donne ainsi l'impression qu'il a presque honte de «commettre» une telle mesure, alors qu'il se serait honoré de l'assumer pleinement. Il me semble que le gouvernement aurait été mieux inspiré de situer le problème là où il est réellement, c'est-à-dire au niveau du barème d'imposition de l'IR, le reprendre dans sa globalité, et le réorganiser de manière à en accroître la progressivité, seule voie pour faire en sorte que chacun paie l'impôt en fonction de ses «capacités contributives».
On a l'impression que le gouvernement fait dans la bricole... Certes, je peux comprendre qu'on veuille attendre les «Assises de la fiscalité», annoncées pour le mois de février, mais justement, sans préjuger de quoi que ce soit, il aurait été préférable d'émettre un message plus clair et plus cohérent à l'adresse de ces «Assises», en indiquant que la réflexion est engagée, et qu'elle tend à repenser l'IR dans sa globalité et au niveau même de ses mécanismes... Force est de constater que le message est pour l'instant confus, pour ne pas dire cacophonique.
Ceci dit, comment croire au discours du gouvernement sur le nécessaire effort de solidarité quand il refuse toute proposition d'impôt sur les grandes fortunes, ou même seulement de fiscalisation des revenus des grands exploitants agricoles ? Et qui parle encore de budgétisation de la Zakat ? Quel gouvernement pourrait s'y atteler si ce n'est celui-là ? Tout cela est bien dommage car je crois vraiment que le gouvernement a raté ainsi une occasion de donner le ton à son mandat.
Propos recueillis par I. Bouhrara


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