La « khotba » donnée le 25 juin dernier par R. Benchakroune continue de susciter des réactions au sein dune frange de la société civile. Se disant modernistes (donc «libéraux»), ceux qui se sont indignés des propos de lImam de la Mosquée Hassan II se sont, en effet, très bizarrement élevés contre le fait que la chose religieuse au Maroc se mêle de... la morale ! Le contenu de la «khotba» de R. Benchakroune nest pas important en soi. Les faits relatés et les jugements de valeur qui y correspondent sont amplement connus par tous les musulmans marocains, toutes catégories intellectuelles confondues. Le contenu de cette «khotba» pourrait par contre nous faire perdre de vue lessentiel, à savoir que la restructuration du champ religieux a été mal comprise, quelque part. Spécialement par ceux qui grognent aujourdhui. Linterprétation quils ont donnée au discours historique de S.M. Mohammed VI, le 30 avril 2004, prouve que le projet de lIslam « folklorique » que certains veulent instaurer au Maroc nest pas près de sédifier, du moins à court terme. Une lecture attentive des diverses explications et justifications de la honte qui a été ressentie nous dévoile quil y a eu dabord un malentendu dordre terminologique. Les Imams du Maroc ne donnent pas de «prêches». Ce vocable, qui renvoie aux fameux sermons des pasteurs protestants du XVIème siècle, est synonyme, dans limaginaire occidental (ou occidentalisé), dun discours moralisateur creux. Ce nest pas le cas de lIslam malékite. Ce rite, qui a recueilli une adhésion massive et fait foi chez nous, a permis de percevoir dans la «khotba» de chaque vendredi un moment de méditation, de questionnement et aussi de quête de réponses aux divers soucis des musulmans; une occasion dassouvissement spirituel, en somme. Le dilemme du ministre des Habbous R. Benchakroune, qui est en même temps chef du Conseil des Oulémas de Casablanca, na pas inventé les choses quil a dites, le vendredi 25 juin. Il a juste fait un rappel des jugements religieux et moraux qui sont, en fait, connus et familiers à tous les musulmans. Certes, la logique du «faquih» peut conserver toujours cette empreinte peut-être provocatrice de par le regard quelle porte sur certains phénomènes de société. Mais le degré de la réaction (spécialement au sein dun quotidien arabophone) a été démesurée dans une proportion non moins provocatrice. La «khotba» a été rapidement instrumentalisée. Elle a été loccasion de ressortir, de nouveau, les vieux arguments dressés à lencontre du ministère des Habbous et des Affaires islamiques. Accusé de «mutisme» ou encore de «consentement» avec ce quavait dit R. Benchakroune, Ahmed Toufiq, le ministre des Habous, a été en fait mis entre le marteau et lenclume : donner raison aux mécontents, au risque de sinscrire contre ce qui est clairement écrit dans le Coran, ou approuver ce quavait déclaré R. Benchakroune en prenant le risque de prôner lobscurantisme. Le débat ainsi ouvert par une frange de la société civile est infructueux. Du moins, na-t-il apparemment dautres «vertus» que la polémique stérile ! Au lieu de se pencher sur un débat bien plus important, celui de la réforme du discours religieux, on a plutôt assisté à une revue dopinions qui séloignent notamment de lidée forte exprimée par Khalid Naciri, membre du PPS (quon sévertue obstinément et curieusement à appeler Parti Communiste Marocain depuis le 16 mai !...). Ce dernier a évoqué, dans une récente sortie médiatique, que «toute démarche inquisitoire est une régression de la pensée. Il nest absolument pas question de contrôler les esprits ou de créer un Islam officiel». Les «modernistes» appellent à la censure Pleinement conscient des dangers que recèlent les appels à la censure lancée par les «modernistes», cet habitué de la science politique a fait figure dexception, du moins dans la méthode. Il serait aberrant, en effet, de museler les Imams de nos mosquées au motif quil ny a pas dautres moyens de les faire taire. Ça serait synonyme que le débat est clos et quon devrait assister à un dialogue byzantin où les arguments deviennent des injures pures et simples. La fameuse «khotba» na pas été un appel pour la création dun Etat islamique intransigeant et intolérant pour justifier, à ce point, les réactions ainsi enregistrées. Elle a simplement visé à dénigrer ce que lImam a appelé «limmoralité de certains habits conçus pour les femmes», habits que la loi pourrait dailleurs sanctionner (et elle la fait par le passé) pour «outrage public à la pudeur». Il est certes facile de trouver un lien entre la moralité dune société envahie par la culture de la mondialisation et son corpus religieux et moral. Mais apparemment, il va falloir que nos «modernistes» attendent encore dautres occasions plus franches pour révéler enfin leurs vraies «intentions».