Plus de 1.100 saisonnières marocaines travaillant dans la récolte de la fraise et des fruits rouges à Huelva, en Espagne, se retrouvent aujourd'hui dans une situation très délicate. Ces femmes, après avoir été contactées par l'Agence Nationale de Promotion des Emplois et des Compétences (ANAPEC), qui gère la campagne de migration circulaire, se sont acquittées des frais de leurs visas et déplacement sans pour autant avoir eu l'occasion de franchir le détroit. Cette situation se reproduit pour la deuxième année consécutive, a affirmé à Hespress Fr, Noor Ammar Lamarty, fondatrice et présidente de la plateforme numérique « Women by Women » qui lutte pour le développement des droits des femmes et pour une communication féministe. Pour faire entendre leur voix, une dizaine parmi ces saisonnières impactées ont manifesté le 9 avril devant le siège de l'ANAPEC à Casablanca. Mais en vain. D'ailleurs, l'Agence rejette catégoriquement toutes les allégations avancées par les manifestantes et affirment qu'elles n'ont tout simplement pas été sélectionnées pour cette campagne 2020/21. Aujourd'hui, ces femmes se trouvent dans une situation très précaire, d'où le lancement par « Women By Women » d'une collecte de fonds pour venir en aide à ces travailleuses journalières des fraises en ces temps de crises financière et sanitaire. « La raison principale de cette collecte est de leur donner de la visibilité et d'être le porte-voix dont toutes ces femmes ont besoin pour pouvoir aller de l'avant. En effet, étant donné qu'il s'agit de la deuxième année au cours de laquelle elles n'ont pas pu se rendre à la cueillette du fruit rouge, il y a plus de mille femmes qui ne peuvent plus se permettre les dépenses de base de leur foyer », assure à Hespress Fr, la fondatrice de la plateforme, notant que leur seul espoir de travail est la saison des fraises à Huelva. Les femmes célibataires, veuves, divorcées, dont beaucoup sont des mères et le principal soutien de leur famille, laissent leur vie derrière elles pour pouvoir faire face à leurs charges financières, avance notre interlocutrice, qui est juriste de profession. Cette année, comme les années précédentes, ces femmes ont payé tous les frais de visa pour pouvoir venir à la cueillette et n'ont reçu aucune réponse, poursuit-elle. « Depuis le début de la pandémie, de nombreuses familles n'ont même pas pu payer les couches ou les médicaments de leurs enfants, se retrouvant totalement démunies et dans des conditions sociales très vulnérables« , assure notre interlocutrice. C'est pourquoi, le 9 avril, les travailleuses journalières de Huelva ont décidé de manifester à Casablanca pour réclamer leurs droits et l'amélioration de leurs conditions en tant que travailleuses, dénonçant que leurs contrats ne respectent pas les obligations légales. « Elles ne subissent pas seulement des conditions de travail précaires, mais sont en plus discriminées en raison de leur origine, recevant des commentaires racistes sur diverses plateformes numériques, comme Facebook. Women by Women a été le porte-voix pour beaucoup d'entre elles, nous avons eu l'occasion de les interviewer, de les connaître en profondeur, comme cela a été le cas de Malika, qui m'a raconté sa situation actuelle« , assure Noor Ammar Lamarty. Pour « Women by Women », aucune de ces femmes n'a eu la possibilité de poursuivre ses études. « Beaucoup d'entre elles sont victimes de mariages forcés, d'une enfance entachée de violences et subissent toutes les oppressions liées au fait d'être des femmes dans un contexte dans lequel elles ne bénéficient d'aucune protection. Nous avons les moyens et elles ont les histoires, il est temps d'agir en faveur des travailleuses journalières oubliées, raison principale de la campagne de collecte de fonds« , a souligne Women by Women dans un communiqué largement diffusé à l'issue de cette collecte, pour faire connaître la souffrance de ces femmes, mais aussi attirer l'attention des donateurs pour leur venir en aide. Ladite collecte de fonds est encore ouverte, précise la plateforme féministe avant de conclure « Chaque grain de sable compte et nous continuerons à faire du bruit pour que les histoires de milliers de travailleuses journalières oubliées soient entendues ».