Alger a annoncé mardi sa décision de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc. Une mesure qualifiée par le Royaume d'injustifiée mais attendue, au regard de la logique d'escalade constatée ces dernières semaines. Cette mesure unilatérale reflète manifestement un état d'agitation et de fébrilité tel que les Chengriha et compagnie en ont perdu le nord...pour s'en prendre, comme à l'accoutumée, à l'ouest. Mais au-delà d'une démarche qui en a étonné plus d'un, il s'agit de comprendre les motivations derrières, les vieux démons qui ne dorment jamais longtemps et reviennent toujours et encore hanter la vieille garde qui préside aux destinées des Algériens. Pour mieux appréhender la chose et tenter d'y voir plus clair dans un jeu qui ne trompe plus personne, Pr. Khalid Chegraoui, Senior fellow au Policy Center for the New South (PCNS) de Rabat et vice-Doyen de la FGSES UM6P, livre à Hespress FR son décryptage. Complexe historique En fait, nous dit-il, «le problème de l'Algérie est celui d'une nation qui a été construite à travers un conflit colonial. Son identité nationale est liée à un père qu'elle n'a jamais su tuer, et couper le cordon ombilical». «Aujourd'hui, elle fait face à une situation économique désastreuse, une situation sanitaire terrible, une situation sociale au bord de l'explosion...Et à côté, il y a un pays qui gère les choses, qui met en place des stratégies, qui est qualifié de champion au niveau du continent, avec des changements de paradigmes à l'international extraordinaires, et tout cela fait peur», analyse Pr Chegraoui. Et d'ajouter : «Il ne faut pas non plus oublier que le tournant de Guerguarat a été décisif, car les voisins ne s'attendaient pas à ce que le Maroc réagisse avec force et persévérance». «Il y a aussi le retour des anciens : Un Mediane sorti de prison, un Nizar autorisé à rentrer au pays, ou encore un Laamamra qui essaie aujourd'hui de vendre son produit aux militaires», poursuit-il, avant de remonter plus loin dans l'histoire pour expliquer : Les relations maroco-algériennes ont connu deux moments très importants, à savoir la guerre des Sables de 1963 et Amgala I et II. «Ceux qui ont participé à la guerre des sables sont aujourd'hui morts, en prison ou moribonds. Et d'autre part, ceux qui sont actuellement au pouvoir c'est la génération Amgala I et Amgala II, qui cherchent à se remettre sur la scelle, et automatiquement les bonnes méthodes qui resurgissent», fait observer l'historien. La thèse du complot...un crédo Il soutient en ce sens qu'au moment «où le système fait face à une fronde terrible, où il échoue à remplir ses fonctions sociales, sanitaires, économiques, c'est ces vieilles méthodes qui sont employées pour tenter de mettre en place une cohésion et une unité nationales». Et du coup, note-t-il, on recrée l'ennemi étranger, «cet ennemi utile qui sert à faire diversion et à détourner les attentions des vrais problèmes du pays». Pr Khalid Chegraoui En gros, relève encore l'universitaire, «l'Algérie ne peut pas survivre sans l'ennemi utile, et c'est au Maroc qu'elle fait jouer ce rôle. C'est un Etat qui est un produit colonial qui vit toujours sur la base de plans de colonisation, et fait de la thèse du complot un crédo». En fait, les Algériens n'ont jamais gobé leurs défaites lors de la guerre des Sables et d'Amgala I et II, et l'affaire de Guerguarat est venue réveiller les vieux démons et remuer le couteau dans la plaie. «Il y a eu aussi la gifle de la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara. Alger pensait que la décision était liée à une personne, laquelle est Donald Trump, mais il s'est vite avéré que non, que c'était une décision d'Etat, et c'est là où l'excitation est montée d'un cran à Al Mouradia», rappelle Khalid Chegraoui, soulignant que «même le rétablissement des liens avec Israël a fait peur en Algérie, car le rôle du Maroc dans les négociations pour la résolution du conflit arabo-israélien s'en trouve renforcé». Donc cette mesure unilatérale de rupture des relations avec le Maroc était attendue au vu de toute l'agitation qui a précédé. Rester vigilant Selon l'expert, «la rupture n'est pas le véritable problème, ce à quoi il faut faire attention maintenant c'est que le système algérien cherche la confrontation, car elle reste la seule issue pour résoudre les crises et ressouder le front interne». «Alors surveillons nos frontières, restons vigilants tout en prenant à témoin la communauté internationale. Montrons que nous sommes des sages face à des excités», plaide-t-il. Pour conclure : Comme l'a dit le Souverain dans son discours du trône, le Maroc ne portera jamais préjudice aux frères algériens. L'Algérie doit savoir et comprendre que ses problèmes ne viendront jamais de l'ouest, et l'histoire est là pour montrer que tous ses problèmes sont toujours venus de l'est et du nord.