A peine posé le pied en terre française dans la soirée de mercredi 1er juin, que Abu Bakr, Khalid, Omar et Ottman Azaitar se collent à leur activité de prédilection : nous raconter leur vie sur les réseaux sociaux. Qu'ils soient au Maroc, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Gabon, ou en France, ils ne se lassent jamais de donner un sens à la maxime du philosophe irlandais George Berkeley : Esse est percipi, « être c'est être perçu ». Aussitôt réveillés ce mercredi donc à Paris, les voilà arpentant les rues du 16ème arrondissement, saisis du mantra du « tout récit » pour étaler leurs « activités » sur leurs réseaux sociaux et montrer ainsi, à ceux qui ne le sauraient pas, que leur présence en France coïncide avec celle du Roi Mohammed VI dont l'hebdomadaire « Jeune Afrique » s'est fait l'écho, précisant que le monarque y est en visite « privée ». Shopping time et salon VIP Abu Bakr, qui doit penser que personne ne reconnaîtra le lieu où il se trouve, nous montre qu'il est dans les locaux de la célèbre maison de couture italienne Gucci, dont le salon privé donne sur l'avenue Franklin Roosevelt. Amateur de marques de luxe dont les articles sont abondamment parés de logos, il ne manquera pas de faire une escale chez les couturiers et maroquiniers des avenues Montaigne et Champs Elysées, dont Christian Dior et Louis Vuitton, deux marques que lui et ses frères affectionnent tout particulièrement. Le frère aîné d'Abu Bakr, Khalid, a également posté une photo de lui dans le même endroit avec le commentaire « gratitude », sans préciser à qui il adresse sa reconnaissance. Un message privé par réseaux sociaux interposés pour lequel seul le destinataire se reconnaîtra. Ils courent, ils courent les Azaitar Ottman, le cadet de la fratrie, lui, nous montre crânement, au cours d'un footing nocturne qu'il partage avec Abu Bakr, la dernière paire de baskets qu'il a achetée. Ils sont censés être les sportifs de la famille, des champions de la MMA que l'on voit s'entraîner ici et là dans leurs stories, sans qu'aucune date ne soit fixée pour un prochain combat. Il est vrai qu'après avoir été littéralement castagné et humilié par le Canadien Marc-André Barriault le 28 mars 2021, l'on peut comprendre que Abu Bakr ait peur de subir une nouvelle humiliation en remontant sur le ring. Alors pour faire illusion, lui et son frère courent. Ils courent, ils courent encore, ils courent toujours. Omar, a bad guy chez Five Guys Omar Azaitar, le jumeau de Abu Bakr quant à lui, mange, comme à son habitude. Comme il ne semble pas se lasser des burgers, c'est tout naturellement qu'il se filme chez « Five guys », la célèbre enseigne américaine qui compte l'un de ses plus grands points de vente sur l'avenue des Champs Élysées. Le menu qu'il nous montre dans la story postée sur Tik Tok doit coûter environ 22 euros. Il l'avale goulûment, le poignet bien en évidence pour que nous ne manquons pas un millimètre de la montre qu'il arbore fièrement : une Richard Mille. Il faudrait que le fast-food « Royal Burger », que la fratrie a inauguré dans la marina de Salé, vende pas moins de 57.582 menus à 95 dirhams pour s'acheter une telle montre. Une édition limitée, vraisemblablement, sachant que les classiques sont hors de prix. Richard Mille, c'est de la haute horlogerie destinée à un nombre restreint d'amateurs, dont des rois. C'est une marque connue à travers le monde pour ses pièces innovantes et, la plupart du temps, extravagantes et extrêmement onéreuses. En 20 ans, ce sont plus de 80 modèles en quantité ultra limitée qui ont vu le jour chez l'horloger de luxe avec des montres pour hommes et femmes dont le prix peut atteindre plus de 1,2 million d'euros. Une montre qui financerait entre 2.073 et 2.882 mois de salaire Ce modèle que veut nous faire admirer le vendeur de donuts et de burgers Omar Azaitar, est le RM 65 01 dont le prix varie de 517.169 € (5. 470. 359 dirhams) à 719.000 € (7. 604. 131 dirhams). Une petite fortune pour laquelle d'aucuns n'auraient aucun état d'âme à tomber dans le populisme pour constater que la Richard Mille qui semble faire la fierté du jumeau de Abu Bakr financerait entre 2.073 et 2.882 mois de salaire sachant que, hors secteur agricole, le salaire minimum est de 2.638 dirhams au Maroc. « La dignité appartient à celui qui se satisfait de ce qu'il a et la misère à celui dont l'avidité est insatiable », disait le philosophe iranien Ostad Elahi. Nul besoin de réfléchir très longtemps pour savoir à quelle catégorie appartiennent les frères Azaitar.