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Azaitar : le grand déclassement des symboles de la monarchie
Publié dans Hespress le 28 - 05 - 2022

« Un lion qui copie un lion devient un singe ». Victor Hugo qui s'y connaissait en comédie humaine, au moins aussi bien qu'Honoré de Balzac, n'aurait pas pu si bien qualifier la conduite de Abu Bakr, Omar, Ottman et Khalid Azaitar, s'il avait été leur contemporain.
En observant l'extraordinaire « peinture de la société » que les frères Azaitar nous donnent à voir, notre rapport au réel est bouleversé tant ce qu'il charrie comme caricatures est étourdissant. Devenus maîtres dans l'art de la narratologie, ces combattants de MMA, que l'on dit proches de Mohammed VI depuis qu'il les a reçus en avril 2018, excellent aujourd'hui dans la maîtrise de la réclame. Il ne s'agit pas uniquement d'être visibles, car cela ne peut suffire à porter leurs ambitions. Ce qu'ils veulent c'est qu'on les admire et qu'on les envie en conjuguant leur quotidien au verbe avoir, car il serait bien trop difficile à ces anciens repris de justice, de convaincre avec le seul verbe être.
Tout ce qu'ils nous donnent à voir a un objectif : montrer qu'ils sont à l'épicentre du pouvoir et que, par conséquent, rien ne saurait leur être interdit. Dans un pays où le paraître a toute son importance, le récit que la fratrie nous propose est brutalement matérialiste et insupportablement pragmatique. Il broie toute une galerie de valeurs sur son passage et contribue, chaque jour un peu plus, à piétiner ce qui fait sens aux yeux des Marocains, dès qu'il s'agit de la monarchie : ses représentations et ses symboles.
Des armoiries au trône, en passant par la photographie officielle du souverain, les attributs qui façonnent le Maroc et sa royauté séculaire font l'objet d'une instrumentalisation et d'une déformation aujourd'hui synonyme de caricature. C'est à un véritable déclassement des symboles sur lesquels est adossé le trône auquel assistent, impuissants, les Marocains. C'est une déliquescence dont tout le monde parle en privé, mais que personne n'ose dénoncer publiquement.
Non, nous ne sommes pas dans une fiction cinématographique américaine dans laquelle les héros conduisent des véhicules agressifs dans une débauche viriliste digne de la saga « Fast And Furious ». Avec l'histoire que nous livre la famille Azaitar, nous sommes dans une réalité qui dépasse le fruit de l'imagination des scénaristes les plus inventifs d'Hollywood. Elle est si puissante qu'elle interroge sur le laisser-faire des autorités en charge de la protection de la monarchie, ceux que l'on qualifie de gardiens du temple et que l'on retrouve dans toutes les structures du Makhzen.
En tête de liste, il y a évidemment les proches conseillers et les services de sécurité dont l'immobilisme interroge sur la fermeté affichée sur certains sujets et le laisser-faire face aux dérives de la fratrie. Un « deux poids, deux mesures » pour lequel devront un jour rendre des comptes. Les mégastructures regroupées au sein du ministère de l'Intérieur n'y échapperont pas, elles également.
Il fut un temps où le moindre coup de griffe porté aux emblèmes de la royauté marocaine aurait fait hérisser les poils des agents de Abdelouafi Laftit. Ils auraient agi dans l'instant pour rappeler à l'ordre et pour corriger le tir, sans avoir à prendre de gants et personne n'y aurait vu quoi que ce soit à redire.
Pourtant, dans la salle de sport dans laquelle s'entraînent les frères Azaitar à Rabat, la disposition du portrait de Mohammed VI avec, à sa droite, Abu Bakr Azaitar (au lieu de feu Hassan II) et à sa gauche Ottman Azaitar (au lieu du Prince Héritier Moulay Hassan), laisse sans voix. La fratrie se filme régulièrement dans cette salle avec ces portraits en arrière-plan, comme pour revendiquer la même proximité que suggère cette disposition qui touche aux croyances et aux convictions les plus profondes des Marocains.
Ce qui interpelle, ce n'est pas l'utilisation qu'en font les frères Azaitar, mais, encore une fois, l'inaction des autorités devant cette exploitation de la figure royale.
Les frères Azaitar seraient-ils devenus des membres de la famille régnante ?
Ottman Azaitar aurait-il remplacé le Prince Moulay Hassan ? Son aîné Abu Bakr se prendrait-il pour un roi ? Dans un pays où les symboles ont toute leur place et où la parole officielle sur ces sujets est inexistante, nul ne peut empêcher l'opinion publique de s'interroger et d'épier le moindre signe qui lui indiquerait ce qu'il faudrait penser.
Légitimement, l'on peut se poser des questions sur la réaction du gouverneur ou du caïd du coin s'il venait à l'esprit du gérant d'une salle de sport, d'une supérette ou d'un bar à chicha, de mettre sa propre photo ou celle de ses enfants aux côtés de celle du monarque à l'entrée de son commerce. Sur le principe, que pourrait-il craindre puisque les Azaitar l'ont fait ? Rien, à moins que ce qui est valable pour les uns ne le soit pas pour tous les citoyens de ce pays.
Tirer avantage du portrait de Mohammed VI
L'affirmation de la puissance de la monarchie chérifienne passe par la place que la figure royale occupe dans l'espace public et par la codification qui l'accompagne et qui a toujours été scrupuleusement respectée. Du bâtiment officiel au grand hôtel, en passant par les boutiques en tous genres, il est difficile d'occulter le portrait du Roi. Son image relève du symbolique, car, au-delà de sa personne physique, c'est l'incarnation du pouvoir dont il s'agit.
A travers elle, la royauté devient une garantie pour la stabilité, la continuité et la sécurité de la société marocaine. C'est un véritable repère, un élément structurant qui dépasse les buildings, la rue, le quartier ou le douar où le portrait officiel du monarque est accroché. C'est un phare, car il organise les espaces et apporte un ordre que même les plus opposés au régime n'ont jamais vraiment osé bousculer.
Un récit qui veut nous faire voir, penser et parler Azaitar
Non, nous ne sommes pas dans une superproduction hollywoodienne, mais cette fiction réalisée par les frères Azaitar et qui aurait pu s'appeler « Unstoppable », est dopée sans discontinuer de « dreams » et de « stories », dont l'institution monarchique et ses symboles ne sont jamais très loin.
Toujours plus de vidéos et de photos, tant est si bien que l'on est étrangement absorbé par ce tourbillon d'images, nous surprenant nous-mêmes à déambuler dans les rues pavées d'or et d'argent d'un scénario où foncent en permanence des bolides de luxe, avec pour bande sonore des versets du Coran.
Les séquences et les poses s'enchaînent avec, par exemple, des mendiants à qui on fait la charité habillé en Christian Dior ou l'inauguration d'un fast-food entouré de gardes du corps pour Abu Bakr. Ottman, lui, se met en scène dans des séances de tirs, arme au poing en terre américaine ou se montre devant le Mausolée Mohammed V, sa voiture garée sur le trottoir mitoyen du tombeau royal, ce que jamais personne n'a osé faire. Omar, le jumeau de Abu Bakr quant à lui, multiplie les orgies alimentaires dopées de burgers et de donuts pour faire la promotion des points de vente des Azaitar inaugurés dans la marina de Salé. Enfin, les internautes ont vu la mise sur orbite médiatique ces derniers mois du plus âgé des frères Azaitar. Il se prénomme Khalid et entre deux photos torse nu sous le soleil gabonais, il donne des leçons de religion à qui voudrait l'entendre.
Une extravagante mise en scène de soi
Ainsi, l'histoire à laquelle la fratrie souhaiterait que nous croyions n'est intéressante que si elle peut être racontée. A travers elle, Abu Bakr, Omar, Ottman et Khalid veulent nous faire voir, penser et parler Azaitar sans qu'ils ne craignent de sombrer dans un « déjà-vu » insistant et de plus en plus embarrassant. En effet, chaque membre de la fratrie relie directement ou par suggestion ce qu'il poste sur Instagram, notamment, à l'institution monarchique, et ce de façon totalement décomplexée.
Beaucoup de ridicule et de ringardise dans ce trop-plein, ces excès et leur redondance pour lesquels les quatre frères se relaient non-stop, dans une incontinence d'images et de déclarations toutes aussi ubuesques les unes que les autres.
Elles ne gêneraient personne si l'institution monarchique et le Roi lui-même n'étaient pas associés à ce récit phraseur de la fratrie germano-marocaine qui semble vouloir se définir aujourd'hui (uniquement) à travers sa relation avec le palais.
Mais le fait est que nous, citoyens marocains, sommes devenus les spectateurs de ces atteintes aux symboles de la monarchie, réglés par une tradition sacrée et immuable depuis plus de 14 siècles. Nous sommes à la fois intrigués et inquiets à l'idée de savoir où ce jeu de rôle des Azaitar va nous mener.
Muscles et parapluies puissants
Le chatoiement vertigineux des écrans où se déroule cette histoire a transformé chacun d'entre nous en « maître du soupçon ». Tels Freud ou Nietzsche, nous tentons tant bien que mal de la déconstruire, de comprendre « la volonté de puissance » qui anime la fratrie, de faire le tri entre la vérité et le mensonge et surtout en ne succombant pas à la manipulation.
Tant bien que mal, car peu osent, devant cet étalage quotidien de luxe, de muscles et de parapluies puissants, émettre la moindre critique contre ces individus. Leurs privilèges, les abus et les infractions à la loi qui leur sont attribués gagneraient pourtant à être rapportés par les médias et à susciter des poursuites judiciaires et des mesures administratives, si nécessaire.
L'association Azaitar distribue des denrées avant la Fondation Mohammed V
Ainsi, le monde associatif n'en finit pas de s'interroger sur les instructions données le 4 avril dernier par le ministre de l'intérieur lui-même pour qu'aucune distribution d'aides ou de denrées alimentaires, à l'occasion du mois de Ramadan, ne soit permise avant que le Roi n'en donne le coup d'envoi.
Une bizarrerie lorsque l'on sait que la fratrie germano-marocaine a fait étalage dans ses réseaux sociaux des distributions, au nom de l'« Association des frères Azaitar », de paniers alimentaires avant même que Mohammed VI ne lance l'opération nationale « Ramadan 1443 », le 5 avril 2022.
En ce 1er avril à Ain Aouda, Abu Bakr est à la manœuvre. Des femmes et des enfants forment une file et attendent que le combattant de MMA devenu businessman-tchatcheur arrive pour « donner l'exemple », dit-il. Paroles du prophète et versets coraniques à l'appui, il « encourage les sportifs, les champions et les artistes à se bouger » et emprunter ainsi la même voie que lui.
« Donner l'exemple » ? Abu Bakr Azaitar, qui fait son entrée entouré de quatre colosses, se pose plutôt en donneur de leçons et décrit, sans peur du déshonneur, la manière dont il faudrait faire des « sadaqas » (dons), dans une déclaration à un site électronique venu le filmer. Il devient tour à tour imam, économiste, sociologue, philosophe ou expert en pauvreté. Devant les interrogations suscitées par le train de vie et les privilèges dont bénéficie la fratrie, il s'agit pour lui de montrer aux élites que les Azaitar sont « légitimes » et peuvent prétendre tenir le haut du pavé, que ce sont des gens « bien ».
L'Association des frères Azaitar serait-elle devenue plus importante que la Fondation Mohammed V pour la Solidarité ? Comment cette structure associative pourrait-elle passer entre les mailles du filet et échapper aux instructions ou à la vigilance du ministre de l'Intérieur Abdelouafi Laftit sait-il seulement que son autorité et sa crédibilité sont sorties affaiblies de cet épisode ? Du jamais vu.
En attendant des réponses à ces questions, les frères Azaitar sont aujourd'hui plus visibles que le Roi lui-même sur les réseaux sociaux. Ils les cannibalisent au point d'en être devenus les principaux animateurs au Maroc, et ce, malheureusement, pour de sinistres et inquiétantes raisons.
Ils ne se contentent pas d'imiter ou de s'inspirer du modèle royal. Ils le copient, se déguisent, reproduisent, parodient, miment, déforment, détournent, plagient et versent dans une « contrefaçon » sans précédent des symboles sur lesquels repose l'une des plus anciennes maisons royales du monde.
Les armoiries royales dévoyées
Ainsi en est-il des armoiries du trône marocain. Elles avaient été adoptées le 14 août 1957, la veille du jour où le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef devint officiellement le premier roi du Maroc sous le nom de Mohammed V.
Reconnaissables entre toutes, ces armoiries sont caractérisées par les deux félins qui tiennent l'écu royal. Ce sont des porte-boucliers, des symboles de la garde, de la protection de l'État, de la lutte pour l'indépendance ainsi que d'une volonté inébranlable de se défendre contre les ennemis. Elles n'ont nul autre semblable avec pour devise le verset 7 de la sourate XLVII du Coran : « Si vous glorifiez Allah, il vous donnera la gloire ». Avec les frères Azaitar, ces armoiries deviennent « une marque », comme celles des grandes maisons de couture ou des fabricants de grosses cylindrées qu'ils affectionnent.
On les retrouve sur une paire de sandales en plastique portée par Abu Bakr, des gants de boxe ou encore un t-shirt ou un survêtement de Ottman, sans que cela n'émeuve qui que ce soit.
Ce symbole du trône fait l'objet d'une imitation et d'une reproduction grotesque, à la manière des faux fabriqués par les contrefacteurs et cela ne semble pas choquer les gardiens du temple. Pourtant, c'est à une altération de la vérité à laquelle nous assistons avec ce dévoiement des armoiries royales, alors qu'elles ont un caractère national inviolable comme la monnaie, par exemple. Tels des faussaires, ils commettent une atteinte à la confiance publique en arborant cet emblème sur leurs vêtements comme s'il s'agissait d'un banal logo et, encore une fois, personne n'y voit rien à redire.
Avec les Azaitar, le trône devient un donut géant
L'image du trône, telle qu'elle est exploitée par les Azaitar, quant à elle, suscite bien des questionnements. Depuis l'antiquité, le trône est le symbole des monarques et est associé à l'exercice du pouvoir royal. Il est le siège d'apparat des souverains et symbolise également la gloire. D'une certaine manière, il vise à positionner le roi au-dessus du commun des mortels et marque ainsi sa supériorité pour en faire un être placé entre l'homme et le Très-Haut.
Ceci est d'autant plus vrai pour le Roi Mohammed VI qui est Commandeur des croyants et descendant du prophète de l'Islam. Symbole du pouvoir glorieux donc, le trône témoigne d'une position supérieure assumée par le monarque et reconnue par celle ou celui de ses interlocuteurs qui se présentent devant lui. Ce siège symbolise les trois pouvoirs du politique : législatif, exécutif et judiciaire. Ils sont intimement unifiés par la personne du Roi, car sur le trône il édicte les lois, assure leur exécution et rend la justice.
Le 27 mars dernier, les frères Azaitar inauguraient à la marina de Salé un fast-food baptisé « Royal Donuts », après avoir lancé « Royal Burger » quelques jours plus tôt. Un énorme siège, placé devant le point de vente où les beignets nord-américains en forme d'anneau sont vendus, attire l'attention. Colorés au possible et décorés de donuts de différentes tailles, ses pieds ont la forme de bottes. Si la royauté n'avait pas inspiré le nom du commerce et qu'une couronne n'avait pas été placée au-dessus de la lettre « O » de donuts, sans doute que ce qui s'apparente à un trône serait passé inaperçu.
Mais il est difficile de ne pas voir dans ce siège quelque chose d'inspiration royale.
Nul besoin de mots ici pour retracer cette autre histoire racontée par les Azaitar. Les images suffisent très bien et un court exercice de sémiologie nous indique dans quel récit les anciens délinquants germano-marocains veulent nous embarquer.
Ce schéma de communication factice est un alignement de messages « privés »
Tous les signes qu'ils émettent sont des « private jokes » ou des messages compréhensibles uniquement par certaines parties. Ainsi, en caricaturant de cette façon le siège royal, le message perçu est qu'ils peuvent tout se permettre, y compris cette métaphore insupportable d'un trône friable qu'on pourrait manger ou de l'autorité qu'il symbolise et dans laquelle on pourrait croquer à pleines dents.
L'utilisation de la couronne ou du mot « royal » relève du même raisonnement : « nous pouvons nous le permettre, nous sommes au-dessus du commun des mortels, nous faisons ce que nous voulons », peu importe les conséquences.
Lorsque les frères Azaitar se relaient pour des poses régulières devant le Mausolée Mohammed V, cela signifie-t-il qu'ils rendent un simple hommage aux Rois et Prince qui y sont inhumés ou doit-on y voir une sorte de « prétention » ?
A qui s'adressent ainsi les Azaitar ?
Que sont-ils en train de dire ? Qu'ils sont plus royalistes que le roi lui-même ? Quelles que soient les réponses à ces questions, nous ne sommes pas dans un simple « pousse-toi d'là que je m'y mette » d'individus qui font dans la gloriole. Dans le Maroc des Azaitar, si tu ne fais peur à personne, tu n'intéresses personne. Aussi, lorsque Ottman ou Abu Bakr font la promotion des armes à feu régulièrement sur leurs réseaux sociaux, ils lancent des avertissements à ceux qui oseraient les contrecarrer. Lorsque Abu Bakr se présente à un automobiliste lambda comme étant « ness dial Malik » (les gens du Roi), comme en a fait état la presse récemment, nous sommes toujours dans la volonté de faire peur, en parlant comme s'il était un représentant du palais qu'il n'est évidemment pas.
Les errements auxquels nous assistons alimentent le discours des adversaires du pouvoir.
La tentation d'ignorer le sens des agissements des frères Azaitar est très forte en arguant que leur imposture s'est construite sur de lourds artifices auxquels il leur faudra bien renoncer un jour, avant qu'ils ne puissent plus en avoir le contrôle. Mais le préjudice est tel, qu'il devient gênant et délicat, pour la presse nationale, de faire comme s'ils n'existaient pas.
La réalité est qu'ils contribuent à banaliser les emblèmes de la monarchie et donc à rendre le « mythe » moins fort, moins présent et moins ancré dans la réalité. De là à conclure que l'autorité royale en sort affaiblie, il n'y a qu'un pas que les détracteurs du régime n'auront aucun mal à franchir pour désacraliser la figure du monarque.


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