L'été bat son plein dans ce paradis (désert) sur terre, et les habitants des quartiers pauvres de Zagora, souffrent en silence de la chaleur accablante, de la raréfaction de plus en plus chronique des ressources en eau, et attendent d'avoir « vraiment » soif pour boire. Zagora. Une petite ville située aux portes du désert, dans la région de Drâa-Tafilalet dans le Sud marocain. Soleil de plomb, chaleur torride et coupures intempestives des quelques réserves d'eau qui s'amenuisent. Les habitants vivent au bord de la panne sèche alors que les responsables, eux, ferment les yeux. Les habitants de cette région vivent un calvaire et n'en peuvent plus de la pénurie d'eau insupportable qui, depuis une décennie, transforme leur quotidien en véritable enfer. Les familles des quartiers pauvres, principalement « Hay El Atchane » (Quartier de l'Assoiffé), restent plusieurs jours sans eau du robinet. En centre-ville, la situation n'est pas aussi gaie qu'il y paraisse. La soif guette sans discrimination, grands comme petits, qui n'ont droit à l'eau que quelques heures par jour. La seule source d'eau dans le quartier « Hay El Atchane » Tandis que le simple geste de tourner un robinet est si évident, si habituel, sous d'autres cieux, la pénurie d'eau indispose fortement les habitants de « Hay El Atchane », qui cherchent au moins à se désaltérer, car ils ne pourront pas se payer le luxe de faire le linge, ou de se laver tout le temps. Le problème de la soif dans ce quartier est soulevé avec acuité. Une situation critique et une souffrance quotidienne des habitants pour qui l'eau est devenue un « liquide précieux, introuvable ! ». Oumhani, habitante du quartier « Hay El Atchane » Un ennemi méprisé, la soif, vient se saisir d'Oumhani et ses 5 enfants. Cette sexagénaire crie au scandale, face au silence radio des responsables, en mettant ainsi plusieurs sur le banc des accusés, déplorant le fait qu'ils ont été alertés plusieurs fois sans suite. « Je ne peux plus supporter ce calvaire, il faut que les autorités trouvent une solution urgente », s'insurge-t-elle. Chez Oumhani, la vie quotidienne est rude, la nourriture est frugale et l'eau est rare toute l'année. En période estivale, le thermomètre continue de grimper et la situation d'empirer. « Nous achetons de l'eau potable pour boire et donc pour vivre »,déplore-t-elle, en nous montrant la rangée des divers bidons regroupés. « Il n'y a pas d'eau ici dans ce quartier. Nous sommes toujours obligés de creuser une sorte de petits puits sur terre devant les portes des maisons, pour essayer de trouver de l'eau qui ne vient pas chaque jour ni chaque semaine. Certes nous ne la buvons pas, parce qu'elle est salée, mais l'utilisons surtout pour faire le ménage, laver le linge, et prendre nos douches occasionnelles », explique la dame avec amertume. La vente de l'eau potable dans le quartier Alors que la moyenne mondiale de consommation d'eau par jour est de 137 litres (UNICEF), Oumhani et ses 5 enfants se contentent de 80 L pour couvrir leurs besoins quotidiens. Une quantité dérisoire qui en dit long sur l'âpre réalité que vivent des milliers de ménages à Zagora. Evidemment, cette situation critique pousse Oumhani, ainsi que le reste de familles de ce quartier, à acheter de l'eau potable de chez un grossiste, qui vient la distribuer quotidiennement. « Nous achetons quotidiennement à peu près 80L d'eau potable par jour. C'est le stock quotidien pour notre famille. Chaque 5L nous coûte 1DHS, soit 16DHS pour les 80L chaque jour ». Tous les jours, le suspense est interminable, tous attendent patiemment le grossiste qui viendra fournir -ou pas- leur provision en eau. Et ce n'est pas gratuit, Oumhani devrait payer 1dh pour chaque 5 litres, une autre bataille qu'elle devra mener en silence au moment où « cette petite réserve en eau douce est toujours insuffisante », explique-t-elle. La vielle nous a ouvert les portes de sa maison, pour découvrir leurs conditions de vie inhumaines. À perte de vue, un amas de bidons envahit les 4 coins de sa maison précaire, invivable en été. Pour faire le linge ou se laver, les habitants creusent le sol devant leurs maisons, et forent manuellement des puits. Oumhani se déclare plus chanceuse qu'une grande majorité qui ne peut nullement se procurer une gorgée d'eau douce. Pour cette grande majorité des habitants pauvres de « Hay El Atchane », l'eau salée est ce qu'ils peuvent espérer de mieux pour survivre et couvrir leurs besoins. Divers bidons rangés aux quatre coins de la maison d'Oumhani En effet, selon Brahim Rizkou, vice-président de l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) à Zagora, « Le problème est structurel, et le Conseil Municipal de Zagora, en assume toute la responsabilité ». L'état critique du quartier « Hay El Atchan » est dû, selon Rizkou, à la marginalisation pratiquée par les hauts responsables de la ville. Et pour se faire entendre, une grande majorité des habitants de ce quartier, ont participé depuis Septembre 2017, à plusieurs manifestations pacifiques, appelées « Manifestations de la soif », dans un premier temps tolérées par les autorités. Mais, le 24 septembre, les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser une marche et ont interpellé sept personnes, dont des habitants de « Hay El Atchane ». Elles ont été poursuivies pour « participation à une manifestation non autorisée », indique le responsable local de l'AMDH. C'est à partir du 8 Octobre, que la police, lors d'une nouvelle marche, a « quadrillé la ville et utilisé la force », interpellant 21 personnes, poursuivies pour les mêmes chefs d'accusation, alors que « des heurts ont opposé des jeunes manifestants aux policiers », affirme Rizkou. Être privé d'eau potable est un cauchemar et une torture pour les familles soumises à cette rude épreuve. Décrété comme droit humain fondamental par l'ONU, l'accès l'eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires est indispensable à la pleine jouissance du droit à la vie. À Zagora, joyau du patrimoine touristique au Royaume, beaucoup ne bénéficient pas de ce droit, en particulier, le quartier « Hay El Atchane ». Face à cette soif de l'or bleu, les autorités ont opté pour le silence ou presque. Néanmoins, Les ripostes sporadiques pour contrer la sécheresse ne suffisent plus. Les populations vulnérables ont besoin de solutions pérennes pour remédier efficacement à la pénurie de l'eau.