Vers l'éradication des inégalités sexuelles ? En réponse à l'urgence de faire de l'égalité entre les sexes une réalité dans le système éducatif, l'association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), en partenariat avec l'association médias et culture (AMC), a lancé une nouvelle série d'ateliers interactifs dans plusieurs établissements secondaires et maisons de la culture à Rabat, Kénitra et Casablanca. Intitulée "Pour une école de l'égalité", cette initiative s'inscrit dans une dynamique de longue haleine visant à sensibiliser les jeunes aux stéréotypes de genre et à promouvoir un climat scolaire plus juste, plus inclusif et respectueux des droits humains. Les ateliers, qui s'adressent aux jeunes de 16 à 20 ans, adoptent une méthode participative, à la fois ludique et introspective. L'activité principale, intitulée "Déconstruire les stéréotypes de genre – Un parcours interactif pour réfléchir, se positionner et agir", repose sur l'utilisation d'un outil original : le "stéréomètre", une bâche pédagogique permettant aux participants de se positionner physiquement par rapport à une série d'affirmations sur les rôles genrés. Ce positionnement spatial favorise l'expression personnelle, le débat et la remise en question de normes intériorisées. À travers ce dispositif, les jeunes sont invités à identifier les représentations sexistes qui influencent leur quotidien, à réfléchir à leurs impacts concrets dans le cadre scolaire, familial et social, et à proposer des solutions concrètes pour y remédier. Ces ateliers ne se limitent pas à la sensibilisation : ils visent à créer une dynamique de changement en milieu scolaire, en donnant aux élèves les clés pour devenir eux-mêmes actrices et acteurs de transformation. Les témoignages recueillis sur le terrain montrent l'impact fort de ces rencontres. Ziad, 17 ans, élève en 2e baccalauréat à Rabat, confie : "J'ai participé à l'atelier sur l'égalité au lycée et j'ai beaucoup apprécié le travail collectif, où chacun a pu donner son avis. Le stéréomètre nous a permis de nous positionner sur des idées qu'on n'avait jamais vraiment interrogées. Je pense qu'il faut créer des cellules dans les lycées pour continuer ces discussions. Les garçons doivent aussi prendre conscience des inégalités et changer leur regard". À Kénitra, Fatima Zahra, 20 ans, dénonce une réalité encore trop pesante pour les jeunes filles : "Dans les lycées, la pression est forte. On est souvent jugées sur notre façon de parler ou de nous habiller. On nous enferme dans des rôles stéréotypés. Cet atelier m'a permis de m'exprimer, de proposer des idées pour changer les mentalités. Mais il faut que ces actions se poursuivent toute l'année, et qu'on implique aussi les familles". Hasnaa, 19 ans, évoque les conséquences psychologiques de ces discriminations : "On finit par douter de nous-mêmes. J'ai appris dans cet atelier que nous avons les mêmes droits et les mêmes capacités que les garçons. C'est important de transmettre ce message dès le plus jeune âge". Pour Ilyass, 19 ans, l'expérience a été une révélation : "En débattant avec mes camarades, j'ai compris qu'il faut d'abord écouter, respecter, et ne pas reproduire les stéréotypes. Aujourd'hui, des femmes dirigent des gouvernements. Pourquoi pas mes camarades demain". D'une durée de 2h30 à 3h, chaque atelier constitue un espace d'apprentissage mais aussi un laboratoire pédagogique. Les résultats et enseignements collectés sont destinés à nourrir un recueil sur les stéréotypes sexistes dans les lycées marocains, dont le lancement est prévu le 2 juillet 2025 à Rabat. Ce document visera à dresser un état des lieux de la perception des inégalités de genre dans les établissements scolaires, et à proposer des pistes concrètes d'action. Par ailleurs, les contenus produits seront capitalisables et réutilisables dans les clubs de la citoyenneté des lycées, avec le soutien du Ministère de l'Éducation Nationale, du Préscolaire et des Sports, afin d'élargir leur portée à l'échelle nationale. Ce projet s'inscrit dans la continuité d'un engagement de fond de l'ADFM pour une école égalitaire. Depuis plusieurs années, l'association multiplie les actions en faveur de l'intégration de l'égalité dans les politiques éducatives : présentation d'un mémorandum au ministre de l'Éducation en décembre 2022, rencontres parlementaires, campagnes de sensibilisation, tables rondes thématiques, etc. Avec cette nouvelle série d'ateliers, l'ADFM et l'AMC affirment une conviction forte : l'école est un levier majeur de transformation sociale. Pour que les mentalités évoluent durablement, il faut agir dès l'adolescence, dans les salles de classe, les cours de récréation, les clubs et les activités périscolaires. En lançant ces ateliers, l'ADFM lance également un appel à la mobilisation : institutions, enseignants, parents, élèves, syndicats et associations sont tous invités à œuvrer ensemble pour faire de l'égalité des genres une réalité quotidienne. Il ne s'agit plus seulement d'enseigner l'égalité, mais de la vivre au sein même de l'école. Comme le rappelle l'ADFM, l'égalité n'est pas un luxe, mais un droit fondamental. C'est aussi une condition indispensable pour bâtir une société plus inclusive, plus solidaire, et plus respectueuse de la dignité de toutes et tous.