Lors de l'examen détaillé du projet de loi portant réorganisation du Conseil national de la presse, la Commission de l'éducation, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants a connu, mercredi, des échanges particulièrement vifs. Au cœur des débats : l'équilibre entre protection des libertés, responsabilité professionnelle et mécanismes de sanction. Plusieurs députés ont exprimé leur crainte quant aux impacts de certaines dispositions sur l'indépendance de la presse et la viabilité économique des entreprises du secteur. « Il faut trouver un juste milieu entre la protection des droits et des libertés et la reddition des comptes », ont insisté des parlementaires, tout en mettant en garde contre des mesures susceptibles de fragiliser un écosystème déjà sous pression. Le député istiqlalien El Ayachi El Farfar a dénoncé « des abus commis au nom de la liberté de la presse», soulignant que les tribunaux sont saturés d'affaires de diffamation. Il a appelé à un arbitrage clair : « soit le Conseil national de la presse dispose de tous les pouvoirs, soit on les laisse à la justice ». Le parlementaire a également pointé l'usage détourné de la carte de presse, qualifiant cette situation d'«abus manifeste » qui risque de miner la crédibilité du métier. De son côté, Abdessamad Haiker, député du Parti de la Justice et du Développement, a exprimé de fortes réserves sur la possibilité de suspendre, jusqu'à 30 jours, l'édition d'un média national ou international. « Une telle mesure pourrait signifier la faillite pure et simple de l'entreprise de presse », a-t-il averti. Il a aussi dénoncé l'orientation vers des sanctions qui relèveraient du code pénal, alors que le Maroc s'est engagé sur la scène internationale à soustraire la presse aux peines privatives de liberté. Nabila Mounib, députée de la Fédération de la gauche démocratique, a de son côté critiqué « la primauté de la logique répressive » dans le texte. Selon elle, il faudrait plutôt « revaloriser la situation de la presse et des journalistes » et renforcer leur indépendance. Elle a fustigé les poursuites contre certains journalistes « parce qu'un article ne plaît pas », soulignant que « la presse est un domaine de liberté par excellence ». Face à ces critiques, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, a défendu un projet de loi qui s'appuie, selon lui, sur la progressivité des sanctions : avertissement, puis blâme, et seulement ensuite, le cas échéant, des mesures plus lourdes. Il a rappelé que le Conseil national de la presse est conçu comme « un cadre d'autorégulation et non une instance punitive », excluant toute peine privative de liberté. Le ministre a également souligné l'importance de la lutte collective contre les fausses informations, rappelant que ce phénomène touche tous les acteurs, y compris les pouvoirs publics, et que le Conseil national doit renforcer la confiance des citoyens dans les médias. Ce projet de loi, qui entend redéfinir les prérogatives du Conseil national de la presse, suscite donc un large débat entre impératif de responsabilisation et sauvegarde de la liberté d'expression. Les discussions se poursuivront dans les prochaines semaines, sous le regard attentif des professionnels du secteur et des défenseurs des droits et libertés.