À peine nommé Premier ministre, Sébastien Lecornu a affiché mercredi sa volonté d'apporter des « ruptures » afin de sortir la France de la crise politique qui paralyse le pays depuis plus d'un an. Sa passation de pouvoir avec François Bayrou, renversé lundi à l'Assemblée nationale, s'est tenue alors que la France connaissait une journée de mobilisation sociale aux allures de test. Dans un bref discours prononcé à Matignon, Lecornu a promis de « changer la méthode » et d'engager des transformations « sur le fond ». « Il n'y a pas de chemin impossible, on va y arriver », a assuré ce proche d'Emmanuel Macron, annonçant une série de consultations avec les partis politiques dans les jours à venir. Âgé de 39 ans et ministre depuis 2017, Lecornu devient le cinquième chef de gouvernement d'Emmanuel Macron depuis 2022, et le troisième en moins d'un an. Il succède à François Bayrou, fragilisé par le rejet de son projet de budget d'austérité prévoyant 44 milliards d'euros d'économies pour tenter d'enrayer une dette publique désormais à 114 % du PIB. Le nouveau Premier ministre doit rapidement former une coalition capable de durer plus longtemps que ses prédécesseurs – Michel Barnier n'était resté que 91 jours, Bayrou moins de neuf mois – et faire adopter un budget avant la fin de l'année. La France demeure plongée dans une impasse depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, qui a fait émerger trois blocs puissants mais sans majorité : l'alliance de gauche, le centre-droit et l'extrême droite. La désignation de Lecornu, inconnu d'une grande partie du public, a immédiatement suscité des critiques. La France Insoumise a annoncé une motion de censure dès la présentation de son gouvernement, tandis que le Parti socialiste a dénoncé le choix d'un Premier ministre issu de la droite, estimant que le président « prend le risque d'attiser la colère sociale et le blocage institutionnel ». Mercredi, en parallèle de la passation de pouvoir, le pays a connu une série d'actions dans le cadre de la journée baptisée « Bloquons tout », lancée sur les réseaux sociaux. Malgré des revendications multiples – retrait du projet de budget, critique des dépenses militaires, retour de la retraite à 60 ans –, la mobilisation est restée limitée et n'a pas paralysé le pays. Selon le ministère de l'Intérieur, 80.000 policiers et gendarmes étaient mobilisés, dont 6.000 à Paris. Au total, 200 personnes ont été interpellées, dont 132 en région parisienne. Quelques blocages ont perturbé une centaine de lycées, notamment à Paris, Montpellier, Rennes et Lille. Les raffineries et sites stratégiques restaient sous surveillance rapprochée. Une nouvelle journée de mobilisation, cette fois à l'appel des organisations syndicales, est prévue le 18 septembre. Cette instabilité politique et sociale coïncide avec un moment délicat sur le plan économique. L'agence de notation Fitch doit rendre vendredi son évaluation de la dette française, avec le risque d'une dégradation. Déjà, mardi, la France a dû emprunter à dix ans au même taux que l'Italie, souvent considérée comme l'un des maillons faibles de la zone euro.