La coopération israélo-américaine a toujours été plus que complémentaire dans la région du Moyen-Orient. De ce fait, les positions vis-à-vis de chaque dossier sont les mêmes avec des petites nuances certes. Dans ce contexte, le centre israélien « Jaffee », joue un rôle incontournable dans la mise en place de la politique américaine dans cette région riche et explosive. Alors que l'administration américaine accentue ses pressions sur l'Egypte et l'Arabie Saoudite, les experts de Jaffee Center for Stratgic Studies pour les études stratégiques en Israël, mettent en garde contre la chute d'un de ces régimes ; et, par là, ses répercussions néfastes sur l'avenir de la région. Ces mêmes experts appellent, en même temps, les décideurs au Pentagone de renforcer le pouvoir en Jordanie qui reste le maillon faible dans la stratégie américaine. De plus, ils considèrent que le soutien américain au royaume hachémite demeure insuffisant pour permettre à cet allié traditionnel de faire face à la montée en puissance du courant islamique, d'une part; et de l'autre, éviter une explosion sociale qui se profile à l'horizon. Une synthèse provisoire, établie récemment par cet institut, montre que les risques ont augmenté de plus de 20 % par rapport à l'année précédente pour ce qui est de ces trois pays alliés des Etats-Unis. Le dernier rapport publié par Jaffee a regroupé les grandes lignes de la politique israélienne dans la prochaine étape. Il est le fuit d'une collaboration entre les chercheurs issus des deux institutions, politique et militaire en Israël. D'où sa grande importance puisqu'il reflète le plus souvent les orientations de l'institut militaire qui constitue la colonne vertébrale de l'Etat hébreu. Cela dit, en dépit de l'aspect démocratique qu'on donne au système israélien, l'armée et ses dérives, notamment les différents services de renseignements restent le «pouvoir réel» qu'aucun gouvernement ne pourra contourner. A cet égard, certains observateurs israéliens estiment que le dernier Premier ministre qui a tenté de contourner l'institution militaire a fini par être tué par un extrémiste juif. Rapport clair et direct Ce document, le dernier en date, coïncidant avec la formation du gouvernement dirigé par Ehud Olmert, consolide les bases de la politique officielle tracée par Ariel Sharon. Une politique annoncée qui n'a pas besoin d'être commentée ni analysée. Le rapport réaffirme l'intention d'Israël de se retirer de la bande de Gaza. Car, selon les experts aussi bien politique qu'économique, il n'y a aucun intérêt stratégique de contrôler plus d'un million de Palestiniens dans la région la plus dense démographiquement dans le monde. Cependant, l'Etat hébreu insistera sur le fait que le retrait devra s'effectuer d'une position de force, et non d'une contrainte montrant qu'il s'est retiré par la force de la résistance palestinienne. Tout simplement que l'institution militaire a appris la leçon de son retrait «catastrophique et humiliant» du Sud-Liban sous les pressions de Hezbollah qui a résisté pendant plus de 17 ans. En tout état de cause, les stratèges israéliens sont pour la politique de la terre brûlée à Gaza. C'est pour cette raison que leur armée poursuivra les attaques et la destruction dans l'avenir prochain profitant ainsi de la préoccupation internationale par les événements en Irak et les élections aux Etats-Unis. Le rapport évoque avec grand étonnement le soutien officiel arabe du plan Sharon. En effet, les pays voisins d'Israël craignent que le retrait israélien laissera un vide significatif qui sera rempli par des mouvements qui pourraient menacer l'existence de ces régimes : la manière avec laquelle ces pays voisins réagissent envers le mouvement Hamas en est la preuve tangible. Allusion faite en premier lieu à la Jordanie qui a anticipé en sortant le complot des attentats déjoués à la dernière minute. Sur un autre plan, le rapport estime qu'Israël n'arrivera pas à mettre fin à l'Intifada par les moyens militaires. Car, il est impossible d'assurer la sécurité à chaque citoyen israélien dans les territoires occupés. Ce, en dépit des vastes opérations de «nettoyage» menées par l'armée, malgré le mur de séparation. L'objectif de l'institution militaire israélienne consiste à minimiser le volume des risques sécuritaires et contrôler les foyers de tension au lieu de se prétendre capable de rayer définitivement le terrorisme. Parallèlement, l'institut Jaffee, pense que les Palestiniens de Cisjordanie ne sont pas encore prêts pour accepter une solution selon les conditions israéliennes. C'est pour cette raison que ses experts conseillent de garder un rythme assez bas de la lutte en cours au lieu de perdre le temps et les énergies dans la recherche de solutions ne répondant pas aux besoins sécuritaires de l'Etat juif. Cet institut se base, enfin de compte, sur les études effectuées par les services de renseignements ainsi que sur celles établies par des dizaines d'experts dans les affaires arabes et non seulement palestiniennes. L'institut adopte une position bâtie sur l' «adversité éternelle entre Israël et les Arabes». Il répète depuis des années que les peuples arabes n'ont jamais accepté l'existence de l'Etat hébreu comme étant un pays souverain dans la région ; ce, malgré les traités de paix signés avec l'Egypte et la Jordanie ni les normalisations, nuancées certes, avec le Qatar, le Maroc et la Tunisie. Les experts israéliens sont parfaitement conscients que les régimes dans ces pays ne reflètent pas les volontés de leurs populations quant aux accords de paix avec Israël. Ces derniers qui avaient été concrétisés suite aux pressions de la part des Etats-Unis. La préoccupation par l'environnement arabe est fortement remarqué dans ce rapport qui a consacré une partie ciblée pour parler des capacités de l'armée égyptienne. Néanmoins, il indique le fossé technique et technologique existant entre les deux armées, soulignant qu'il demeure, assez vaste malgré l'équipement de l'armée égyptienne par du matériel militaire américain sophistiqué. Le rapport conclut que cette dernière ne représente aucunement un danger car Israël est à tout moment capable de gagner la guerre au cas où la région s'enlise dans une guerre totale. Une évaluation considérée comme étant exagérée par d'anciens généraux qui rappellent la guerre du Ramadan 1973. D'où la nécessité de faire très attention au changement du régime en place au Caire. Malgré ce constat, la majorité des partis politiques israéliens appellent à la réduction du budget de la Défense pour l'année 2007. Au cœur de la Maison-Blanche Mais le volet le plus important de ce rapport est la focalisation sur les capacités militaires de l'Iran, notamment nucléaires. Ce qui laisse conclure qu'Israël considère la République islamique d'Iran comme étant le principal ennemi après la destitution du régime de Saddam Hussein. Ce, malgré le fait que ce dernier n'a jamais constitué un véritable danger pour l'Etat hébreu. L'Irak, l'Egypte et la Syrie ont été, cependant, les trois centres de puissance dans le monde arabe du fait qu'ils possèdent les moyens démographique et matériel pour diriger le monde arabe à travers le développement économique et la libéralisation politique. Ce qui explique les raisons pour lesquels Israël et les Etats-Unis ont concentré leurs efforts sur la neutralisation de l'Egypte à travers les accords de Camp-David qui lui ont lié les mains contre des aides économiques américaines annuelles s'élevant à 2,5 milliards de $. Par la suite, il a fallu détruire les infrastructures de l'Irak prenant pour alibi la destitution de son régime de dictature ainsi que la recherche des armes de destruction massive dont l'existence n'a jamais été prouvée. A cela s'ajoutent aujourd'hui les signaux et les pressions visant la Syrie dans le but de la neutraliser à son tour. Cela, soit en menaçant de changer son régime, soit en exportant la démocratie made in USA vers le monde arabe. Ce n'est pas si étrange si ce rapport de Jeffee coïncide avec la concentration américaine actuelle sur l'Iran. Pays que Tel-Aviv et Washington voient comme la plus grande menace. Une thèse cautionnée à la fois par les stratèges militaires des deux Etats. A cet égard, force est de souligner que l'administration Bush poursuit ses efforts pour créer un axe israélo-arabe contre Téhéran qui constitue un danger pour la stabilité de la région du Moyen-Orient. Pourtant, Washington oublie l'arsenal nucléaire israélien, souligne le rapport. Une lecture approfondie de ce rapport stratégique attire l'attention sur les actions politiques en cours dans la capitale américaine. Les Etats-Unis sont déjà entrés dans la logique des élections présidentielles fixées en novembre prochain. Dans ce contexte force est de noter le croisement des intérêts entre les néoconservateurs et la stratégie militaire israélienne. Ce qui est plus qu'évident lorsqu'on suit de près les détails dans les coulisses de la Maison-Blanche que les positions ne tardent jamais à se manifester. En conséquence des faits sur le terrain, il est clair qu'Israël est présente en force au centre des décisions aux Etats-Unis, plus particulièrement pendant l'ère Bush qui a été considérée comme étant l'époque israélienne.