De l'avis de beaucoup de critiques, le chanteur-compositeur Nouâmane Lahlou est l'une des valeurs sûres de la chanson marocaine. Reste qu'il ne compte pas que des amis dans le domaine ! Sa spontanéité, son refus de l'injustice et son franc-parler dérangent plus d'un. Et c'est peut-être pourquoi ses apparitions sur le petit écran ou dans les soirées publiques deviennent de plus en plus rares. La Gazette du Maroc : Votre arrivée sur la scène artistique est-elle dûe au hasard, ou bien avez-vous tenu à devenir chanteur dès le départ ? Nouâmane Lahlou : En réalité, mon arrivée sur la scène artistique n'est que le côté visible de l'iceberg, comme on dit. Tout a commencé à l'âge de 5 ans, quand j'ai fabriqué ma propre guitare à base d'un bidon d'huile de voiture ! A 10 ans, je me suis inscrit au Conservatoire. A 14 ans, j'ai fais partie de l'association “Nassaym el andalous”. A 20 ans, je suis à Disney World en Floride. Et à 26 ans, j'entre à l'Opéra du Caire. Et si vous n'aviez pas été artiste, quels autres métiers, à citer par ordre de préférence, aurez-vous choisis ? Je crois que j'aurai été mathématicien, car il y a beaucoup de logique dans cette branche, ou bien j'aurai fait carrière dans le social. De ce côté-là, il y a tout à donner, avec une grande générosité. Puisque vous venez de vous mettrela corde au cou (avec toutes nos félicitations), en période de célibat, quelle conception aviez-vous du mariage? Excusez-moi de revenir encore à la musique : dans un accord de “Do” majeur, si on place un “Do” et un “Re”, on a un faux accord. Tandis que si on place un “Do” et un “Mi”, on a une jolie Tierce. Conclusion, l'harmonie est la base de toute union réussie. N'est-ce pas ? Toujours à propos de mariage, l'union d'un couple d'artistes a-t-elle, à votre avis, moins de chance de réussir qu'une union, disons “normale” si le terme convient ? “Beaucoup de lumière, cela rend aveugle”, dit le proverbe. A mon avis, les artistes qui exercent ont moins de chance de réussir leur vie en ménage qu'un couple “normal”, comme vous dites. A travers votre chanson “El Kaouarib” (les barques), vous avez été le seul à aborder le thème de l'immigration clandestine des jeunes marocains qui cherchent, au péril de leur vie, à gagner ce qu'ils croient être l'Eldorado européen. Y a-t-il un mystère, selon vous, à ce que cette chanson ne soit pas diffusée suffisamment à travers les ondes ? D'abord, je ne suis pas le seul à avoir abordé ce sujet. Ensuite, le jugement, ou plutot le préjugé de la personne influence beaucoup chez nous, au Maroc, sur la diffusion de ses oeuvres artistiques. Ce qui fait que la qualité et le message véhiculés à travers ses oeuvres comptent peu, malheureusment ! Jusqu'à présent, vous avez composé vous-même la presque totalité de vos chansons. Est-ce par manque de confiance en le talent des autres compositeurs, c'est-à-dire que vous craignez que le message à véhiculer à travers le rythme ne passerait pas tel que vous le souhaiteriez ? Non ! Tout simplment parce que je suis d'abord compositeur et, par conséquent, je suis le seul à bien connaître ma propre voix. Loin du domaine artistique, si un ami vous trompe une fois et récidive encore par la suite, vous est-il facile à ce moment-là de “passer l'éponge” et renouer avec lui comme si de rien n'était ? Franchement, je pardonne tout, sauf la mauvaise intention d'un individu. Néanmoins, l'erreur est humaine... C'est la vie. On sait de Nouâmane Lahlou qu'il a un langage franc et direct en toutes circonstance. Votre carrière artistique n'a-t-elle pas un peu souffert de ce comportement loyal ? Vous savez, je suis en train de perdre les deux-tiers de ma réussite médiatique à cause de celà ! Dans le domaine artistique aussi bien que dans la vie courante, disposez-vous de beaucoup d'amis ? Pour ne rien vous cacher, sachez que j'ai beaucoup de connaissances... mais très peu d'amis. Cela vous gêne-t-il qu'une personne du public vous aborde maladroitement dans la rue en vue de demander un autographe ou prendre une photo à vos côtés ? Je vis cela assez souvent. Reste que j'arrive à gérer la situation, tout en comprenant et en respectant les gens. Lorsque vous subissez une petite injustice quelconque, êtes-vous du genre à réclamer fortement vos droits ou bien vous encaissez le coup intérieurement et vous laissez passer l'orage de votre colère ? Si c'est personnel, j'encaisse ! Si cela concerne ma mission dans la vie, celle de défendre l'art et les artistes, alors là, je proteste haut et fort et je réclame sans hésitaion des feed-back. Vous êtes un artiste très romantique. Ce qui revient à dire que, question sentiments, vous êtes fragile. La critique négative et sans fondement, parvient-elle à détruire votre moral et votre ambition ? C'est du travail et de l'effort que j'ai fait sur moi-même pour pouvoir tout accepter. Au début, c'était difficile. Maintenant, je suis convaincu que quand un artiste prend la défense et se fait l'écho du public, il doit tout accepter, aussi bien les “T'bark allah âalik !” que les “Malek Aâjbek rassek ?”. L'on sait que vous voyagez beaucoup à travers le monde, êtes-vous suffisamment riche pour vous permettre un tel luxe ? Non ! Tout simplement, ma femme est agent de voyages ! Tant que l'on parle argent, si un ami peu solvable vous demande un jour de lui prêter une certaine somme d'argent, pour sortir d'un embarras quelconque, hésiteriez-vous à donner une suite favorable à sa demande ? Je la lui donnerai sans aucune hésitation pour le faire sortir de ses problèmes ! De toutes les façons, moi l'argent je l'ai toujours dans la poche et non dans le coeur. Un petit mot à l'adresse de ceux qui n'aiment pas le genre de chant de Nouâmane Lahlou ? Eh oui ! Il en faut de tout pour faire un monde et pour monter une scène... A partir de quel âge compterez-vous déposer les armes et quitter la scène artistique? Bien avant que vous ne le pensez ! Non pas parce que je dépose les armes mais pour les 4 raisons suivantes : 1• Le Maroc (les responsables) favorise et donne aux étrangers mais oublie ses enfants (je parle art ici). 2• Je n'ai plus la force (la santé) ni le temps pour tenir encore contre un ministère ou contre des chaînes de télévision. 3• Je voudrais penser un peu à moi pour ne pas crever à l'automne de ma vie. 4• Pour quitter en toute dignité, la tête haute. Pour terminer, avez-vous une question embarrassante à poser à... Nouâmane Lahlou ? Oui. La suivante : “ De combien d'argent, disposez-vous, Nouâmane, dans votre compte bancaire ?” (Rires).