Enfin des nouvelles d'Ali Azahaf ! Le recueil «Nakhab Al Bahr», édité par L'Association des Œuvres Sociales de la SNRT et Buokili Impression, est sorti récemment. Lecture. Sur la couverture, dessinée par l'artiste Mohamed Sabil, on découvre un être nu. Il porte une liasse de feuilles, des manuscrits peut-être, et marche, tel l'homme de Giacometti, vers un horizon obscur. Le ciel est gris, la terre ingrate. Un oiseau maléfique, perché sur un arbre squelettique, reste le seul élément évoquant une quelconque vie. Cette peinture illustre, à merveille, l'univers de ces nouvelles. Un monde tragique de solitude, de désespoir, d'absurde et en fin de compte du néant. Tout en bas de la couverture, on découvre le sigle de l'association des Œuvres Sociales de la Société Nationale de la Radio Télévision, deux mains qui protégent une étoile. C'est grâce à cette protection que le premier livre de Ali Azahaf a fini par voir le jour. D'une «tasse de café» (1989) à «mort dans une journée de pluie» (1996) , les douze nouvelles que contient le livre se passent dans des espaces bien définis avec des personnages typés. La mer, «Tous les chemins mènent à la mer, allons à la mer», les cafés, des bars, des logis de bohème et deux villes, Nador la cité de naissance et d'enfance et Rabat, celle de «l'exil». Des êtres marginaux, bien que cultivés et conscients de leur existence, en quête du plaisir de l'instant. Une fuite dans la drogue, l'alcool et le sexe. Le triptyque interdit vole en éclats. Le politiquement correct aussi. Les personnages, à l'instar du corps arabo-musulman, suspendu entre la prière et le désir, sont d'une misogynie innouie. Mais le réel reprend le dessus, celui du Maroc des années de plomb, des disparitions et des pateras. L'auteur, avec un œil aiguisé et un grand sens de l'observation, capte les petites choses de la vie, le temps qui passe.