CAN 2025. Le Bénin impressionné par l'organisation et les infrastructures    Abdoulaye Ouzerou: « Cette CAN montre au monde ce que l'Afrique peut faire de mieux »    Casablanca-Settat renforce son leadership industriel avec l'implantation du groupe sud-coréen SEOUL à LOGINTEK    Emploi et métiers : Cap sur les filières d'avenir à l'horizon 2030 au Maroc    Banques : un besoin en liquidité de 128,9 milliards de DH en novembre    Un léger tremblement de terre signalé à Rabat sans dégâts ni victimes    Energie électrique : la production augmente de 6,1% à fin octobre 2025    Excédent de 80,5 milliards de dollars pour le commerce chinois en novembre    Un nul sans âme met à nu les failles des Lions de l'Atlas et les limites de Regragui face au Mali    Regragui: Le nul face au Mali est « frustrant, mais va nous servir pour la suite de la compétition »    Perturbations météorologiques : Suspension des cours à Taroudant    Fortes averses orageuses, chutes de neige, fortes rafales de vent et temps froid, de samedi à lundi dans plusieurs provinces    Transparence économique : le Conseil de la concurrence et l'INPPLC unissent leurs efforts    Pluies et inondations : Tanger anticipe les risques climatiques avec un vaste programme préventif    Casablanca-Rabat : Début des travaux de l'autoroute continentale reliant les deux métropoles    Zone industrielle Logintek : L'usine Seoul illustre la confiance internationale dans la compétence marocaine    Les parquets ont liquidé plus de 497.000 plaintes en 2024 (rapport)    2025: Une dynamique de percées inédites du Maroc dans les responsabilités de gouvernance des Organisations Internationales    Israël reconnaît le "Somaliland", Trump se dit "opposé", l'UA condamne    Les Etats unis mènent des frappes contre l'Etat islamique au Nigéria    L'argent dépasse les 75 dollars l'once pour la première fois    Messe de Noël : le pape dénonce les "blessures ouvertes" laissées par les guerres    Maroc : Un séisme de magnitude 3,3 ressenti près de Meknès    Législatives 2026: Un arsenal juridique renforcé pour moraliser l'opération électorale    Sahara: l'ONU appelle les parties à un engagement politique constructif    Renforcer la moralisation des opérations électorales, principal enjeu des législatives de 2026    Révision annuelle des listes électorales générales: Le dépôt des demandes d'inscription prend fin le 31 décembre    CAN 2025 : programme de ce samedi 27 décembre    CAN-2025: Le Maroc fait match nul face au Mali (1-1), conserve la tête du classement    CAN 2025 / J2 : Nigeria vs Tunisie et Sénégal vs RDC, deux chocs décisifs pour la qualification ce samedi    La FIFA distingue l'arbitrage marocain en attribuant les badges internationaux 2026    Sahara : L'AG de l'ONU met l'Algérie et le polisario face à leurs responsabilités    Révision des listes électorales: Le 31 décembre, dernier délai pour l'inscription    Le temps qu'il fera ce samedi 27 décembre 2025    Vague de froid : Face aux nuits glaciales des « lyalis »... [INTEGRAL]    Les températures attendues ce samedi 27 décembre 2025    Marruecos: Hasta -7°, lluvias, nieve y ráfagas de viento de viernes a domingo    Agadir : Arrestation d'un individu pour spéculation sur les billets de la CAN 2025    CAN 2025: Algunos aficionados se quejan del aumento de precios en ciertos cafés    CAN 2025. Le Kenzi Menara Palace célèbre le Nouvel An 2025, avec une soirée événement : L'Afrique en Fête    Le Tifinagh sur la monnaie marocaine : un acte de souveraineté culturelle et de réconciliation historique    Comediablanca entame sa tournée internationale à Paris    Fela Kuti honoré aux Grammy Awards 2026    « Time for Africa », l'hymne de Saad Lamjarred, Inkonnu et Zinachi qui fait danser les stades    WeCasablanca Festival : quand Soukaina Fahsi et Duke font vibrer le cœur de Casablanca    Kabylie indépendante : mise au point d'Aksel Bellabbaci après les déclarations d'Abdelilah Benkirane    "Bollywood roadshow de dancing Dj Naz" signé Tendansia : Un grand spectacle 100% bollywood investit le maroc les 28 et 29 janvier    De Casablanca à l'Olympia: Comediablanca entame la 1ère étape de sa tournée internationale    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La mémoire aux aloès
Publié dans La Vie éco le 12 - 11 - 2004

La suite du livre de Jocelyne Laâbi nous introduit dans la deuxième partie de la vie de femme de détenu politique, une espèce de contre-champ de ce que Abdellatif Laâbi avait si bien évoqué dans «Le Chemin des ordalies», il y a plus de vingt ans.
Cette complémentarité dans la vision est assez rare dans tout ce qui a été écrit sur ces années dites de plomb : une double lecture d'une même douleur, qui plus est, rédigée par des conjoints qui ont du talent.
«Awdah, tu es là. Ton cœur bat dans ma paume. Nous avons battu tant d'années. Bûcherons patients et méthodiques, nous avons avancé dans la jungle du temps…». Ceux qui ont lu le récit de Abdellatif Laâbi, Le Chemin des ordalies, savent que Awdah est le surnom que le poète incarcéré avait donné à son épouse Jocelyne. Ceux qui connaissent Jocelyne savent que c'est une femme de courage et ceux qui le savaient déjà sauront désormais que c'est une femme de plume. Son premier ouvrage est un excellent récit autobiographique comme il est très rare d'en lire chez nous.
La Liqueur d'aloès(*), c'est un titre curieux pour un récit qui est fait de souvenirs et de tranches de mémoire d'une Française dont la vie a été transplantée en terre marocaine dès l'âge de sept ans. Mais peut-être est-ce le titre idoine pour un destin pluriel et peu banal qui ressemble à cette plante mythique, l'aloès, dont les vertus médicinales sont reconnues et remontent loin dans l'histoire de l'humanité et que les prêtres d'Egypte appelaient la «plante de l'immortalité». Mais au-delà du titre qui intrigue, il faut signaler que le récit de Jocelyne Laâbi tranche avec la plupart des écrits autobiographiques d'auteurs marocains publiés jusqu'ici. D'abord, il s'inscrit dans la tradition littéraire de la confession, même si l'auteur joue, dans une première partie, sur une narration à la troisième personne. Cette distanciation par rapport à l'enfance et l'adolescence passées à Meknès dans les années 50 est rompue par une belle et très touchante lettre au père, qui va brutalement jeter le récit dans le «je», mettre un nom et donner un visage au narrateur. Il faut dire que cette lettre revient sur un lourd secret de famille relatif au comportement du père en France pendant l'occupation allemande, que le narrateur révèle déjà au début du récit. C'est aussi une belle confession tardive et complexe sur l'amour et le pardon envers un père qui est à la fois une idole et une croix. «Avoir un père milicien alors que je me sentais si profondément et si sincèrement antifasciste, c'était dur à avaler.»
Plus dure encore sera la suite puisque le livre nous introduit derechef dans la deuxième partie de la vie de femme de détenu politique. Ici, on a une espèce de contre-champ de ce que le mari avait si bien évoqué dans Le Chemin des ordalies, il y a plus de vingt ans. Cette complémentarité dans la vision est assez rare dans tout ce qui a été écrit sur ces années dites de plomb : une double lecture d'une même douleur, qui plus est, rédigée par des conjoints qui ont du talent. Le témoignage de Jocelyne Laâbi révèle ce que toutes les épouses des prisonniers politiques avaient enduré au cours de ces années. Elle le fait avec un art consommé du menu détail, celui-là même que la mémoire retient entre tant d'autres événements. Il y a aussi la vie au quotidien, les enfants qui grandissent entre les visites au parloir, leurs peurs et leurs espérances portées dans ces lettres touchantes envoyées au père. Tout cela est raconté directement ou par le biais de la correspondance échangée avec le mari. Il est vrai que ce livre n'est pas une autobiographie ordinaire tant il mêle les genres. Cependant, il arrive à capter l'attention du lecteur à la fois par un style dépouillé, une grande maîtrise de la narration et surtout une absence de pathos qui est souvent le lot des témoignages sur ces années de silence et de fureur.
Il faut signaler enfin que l'intégration de cette correspondance familiale et carcérale dans cette autobiographie n'apparaît nullement comme un exercice de nombrilisme ou d'exhibitionnisme littéraire. Bien au contraire, il est des lettres où l'auteur témoigne de la lassitude que pouvaient vivre ces «femmes-mères-courage», obligées d'assumer toutes les responsabilités du foyer. Dans une de ces belles lettres, on peut lire ce passage : «…Je suis fatiguée de donner. Et où puiser de continuelles réserves d'énergie ? Ma prison vaut la tienne, tu sais.»
Mais le livre n'est pas seulement une évocation des années noires par une femme de détenu. C'est aussi un hymne d'amour à un pays, le Maroc, qui est devenu le sien, qui a toujours été le sien par la force et la douleur des choses de la vie. Si, comme disait Rivarol, «la mémoire est aux ordres du cœur», celle de Jocelyne Laâbi est au service des gens qui ont su mettre poésie, sincérité et vérité sur les douleurs du passé.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.