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Vivre à Alep et mourir
Publié dans Les ECO le 16 - 12 - 2016

Alep est devenue malgré elle, le symbole du martyr d'une population, et aussi de résistance. Cette ville, qui a longtemps échappé aux troubles qu'a connus la Syrie depuis 2011, est entrée en insurrection pour se diviser au fil du temps en Alep-Est, des quartiers pauvres aux mains des rebelles, et Alep-Ouest des quartiers résidentiels aux mains du régime de Damas. Quand j'y suis allé il y a un an par la seule voie qui pouvait la pénétrer, la voie dite du Castello (du nom d'un célèbre restaurant situé à l'ouest de la ville et où les Alépins avaient l'habitude d'aller en famille le week-end), il y avait une accalmie relative. J'ai pu travailler dans l'hôpital Omar Bin AbdelAziz, manger dans un restaurant et même assister au mariage d'un infirmier dans la vieille ville. C'est que la vie continue malgré la guerre, surtout si cette dernière dure. Alep-Est est sous administration de plusieurs factions armées, de l'armée libre au Front Al Nosra devenu Front du Sham depuis que ses dirigeants ont déclaré avoir coupé toute relation avec Al Qaïda. Bien évidemment, personne ne souhaite les croire. Pire, les factions ne sont pas aidées de peur que les armes tombent entre des mains indésirables. La route du Castello n'est plus praticable depuis des mois et Alep-Est est devenue assiégée avec ses 250 000 habitants et ses maigres ressources et moyens de défense. Des combattants de la province d'Idlib ont essayé de lever le siège par deux fois mais ce fut un échec avec bien évidemment une perte importante d'hommes.
Un drame humanitaire qui dépasse l'entendement...
J'étais en Turquie le mois dernier pour un premier congrès pour l'enseignement de la santé et la formation continue où j'y ai rencontré quelques chirurgiens d'Alep. Ils étaient dépités. Ils étaient à l'intérieur et sont sortis lors de la brève levée du siège pour voir leurs familles en Turquie, mais ils n'ont pas pu revenir puisque la route du Castello a été reprise par les combattants kurdes du PYD, un cousin du PKK. Dans le jeu d'échecs syrien, les combattants kurdes se sont alliés au régime afin d'obtenir l'indépendance de leur territoire au nord du pays. Et on peut voir dans leurs villes libérées comme Kobané ou Qamichli les portraits gigantesques aussi bien d'Assad que d'Öcalan. A Alep-Est, les habitants qui restent sont soumis à un déluge de feu par épisode afin de faire céder les résistants assiégés. Comme au Moyen-âge, les missiles en plus ! Le régime se fait aider par les milices chiites venues aussi bien d'Iran, que d'Afghanistan et du Hezbollah libanais, ce qui canalise le conflit vers une guerre confessionnelle intra-musulmane entre chiites et sunnites.
D'ailleurs, les mêmes combattent aux côtés de l'armée irakienne principalement composée de chiites à Mousoul. Ce scénario ne présage rien de bon, non pas pour les années, mais pour les décennies à venir. Quand on vit quelque temps avec les Syriens, on comprend pourquoi ils se battent et résistent avec cette acuité : ils ne peuvent plus vivre sous un régime dont ils connaissent que trop bien la brutalité et les moyens de torture. Ce que décrivent les rescapés des prisons dépasse l'entendement... Au téléphone, mon amie, collègue et élève, Farida, a la voix tremblante mais ferme. C'est la seule gynécologue dans cette partie de la ville et ce, depuis longtemps. Elle n'a pas pu quitter ses patientes ni son hôpital jusqu'à sa destruction complète. Elle me dit que les bombes pleuvent autour de sa maison, qu'elle a encore un peu de nourriture dans sa taverne (riz, lentilles, fruits secs ...) mais les prix se sont envolés. Parce que la guerre n'engendre pas que des combattants de la liberté et des résistants mais également des profiteurs et des marchands véreux. Quant à la question «comment fait-on pour tenir ?», elle répond seulement qu'il faut de la foi en Dieu, beaucoup de foi pour ne pas tomber dans la dépression. Certains de ses collègues commencent à perdre la raison ; elle a été obligée de prescrire des antidépresseurs à ses patientes enceintes, mais elle ne le fait plus, parce qu'il n'y en a plus dans Alep-Est étranglée...
Les douze hôpitaux d'Alep-Est ont été détruits
Ensuite, il y a eu l'offensive déséquilibrée avec avions et artillerie russe d'une part et des milices chiites gonflées à bloc d'autre part. Parce que le combat pour la démocratie, la dignité et la liberté est devenu un combat de religion et d'intérêt. Les habitants ont du fuir leurs quartiers devenus des amas de gravats et très dangereux. Certains ont perdu la vie dans leur fuite vers l'inconnu, d'autres sont arrivés dans les zones tenues par le régime pour atterir en prison et se faire interroger et souvent torturer. Les douze hôpitaux qui soignaient les habitants et combattants à Alep-Est ont été détruits méthodiquement, les uns après les autres. Ma collègue gynécologue s'est résolue finalement à quitter la ville, la mort dans l'âme. D'autres confrères sont encore dans les poches restantes et ne savent pas quel sort leur sera réservé.
Tous les mots ont été employés pour expliquer ce Guernica de notre temps, mais rien n'y fait dans ce monde régi par un conseil dit de sécurité mais soumis aux votants de vendeurs de guerre. On attend le sursaut des peuples, ces derniers ont été soumis à la désinformation et paralysés par des concept anti-impérialistes. Pour casser le soutien aux combattants syriens, il a fallu l'apparition du Front Al Nosra et surtout son allégeance à Al Qaïda et pire encore l'ascension fulgurante et menaçante de Daech pour tuer toute autre initiative en faveur de ce peuple. D'autre part, la Syrie est considérée à coup de grande phraséologie et de propagande comme un rempart contre les impérialistes et Israël.
Le soutien devient pour certains légitime face à une horde de sauvages islamistes qui finiront par livrer le pays et le gazoduc à l'oncle Sam.Ceci lui donne-t-il le droit de massacrer son peuple et détruire son propre pays ? Tout ça au nom de la lutte contre le terrorisme. Les Musulmans qui soutiennent Bachar Al Assad n'ont donc rien appris de la leçon des Etats-Unis en Afghanistan et en Iraq ? Quand votre enfant se révolte contre vous, que faîtes-vous ? On lui brise les jambes voire la colonne vertébrale ? Si c'est cela le concept de l'anti-impérialisme et de la résistance, il faudra trouver une autre planète. La guerre est un art, il a ses limites et ses règles. Quand une guerre devient lâche, elle ne s'appelle plus une guerre, mais extermination d'un peuple. Et cette lâcheté devient sans commune mesure quand il s'agit d'une partie de son propre peuple... Le massacre de la Syrie en général et d'Alep en particulier laissera un goût amer et une envie démesurée de vengeance chez les générations à venir. Parce que l'histoire nous a enseigné que les opprimés finissent toujours par gagner, au moins moralement ... Quant aux vainqueurs d'aujourd'hui , il va leur falloir plus de police secrète et de terreur pour maintenir le pays. Ils ont perdu le crédit, le respect et par conséquent la guerre mais ils ne le savent pas encore...
Bio Express
Zouhair Lahna est ancien chef de clinique à Paris VII, responsable de formation auprès de l'ONG, UOSSM (Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux), Zouhair Lahna a effectué plusieurs missions humanitaires en Syrie ces trois dernières dans la région d'Idlib et Alep. Sa dernière mission remonte à octobre 2016. Très récemment, Dr Lahna a mis en place une cagnotte Leetchi afin de soutenir les populations syriennes en détresse.
Zouhair Lahna
Chirurgien obstétricien


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