C'est à quelques kilomètres de Tanger, dans la localité de Larache plus précisément, que Rimal a choisi de lever le voile sur son business de prédilection : l'extraction et la commercialisation de sable de dragage. Le produit se veut une alternative au sable des dunes – dont les répercussions environnementales négatives d'une exploitation abusive sont connues – en termes de matériau de construction, d'où d'ailleurs le slogan de sable «vert» destiné à souligner cet aspect. Ce effet de transparence est l'une des premières actions du nouveau directoire de l'enseigne, filiale du groupe Drapor World. Hassan Ayad n'est désormais au guidon de la société que depuis quelques semaines et semble déjà convaincu du fait de jouer sur le levier de la communication pour rapprocher l'opinion publique de certaines réalités au cœur du métier de Rimal. Une politique louable, si il s'agit réellement du but de cette ouverture, mais qui semble également porter un autre message, beaucoup moins naïf. L'Etat est en effet en train de finaliser deux nouveaux appels d'offres pour l'ouverture de nouvelles carrières d'exploitation de sable de dragage. L'offre existante est encore loin de pouvoir satisfaire une demande exponentielle – 20 millions de m3 de sable par an – et qui croît au rythme des projets immobiliers et d'infrastructures du royaume. Ces appels d'offres étaient attendus pour le mois d'octobre 2011, mais le contexte politique de la transition gouvernementale d'alors, avait retardé le processus de lancement, qui a été reporté sur de nouvelles échéances. Rimal, semble ainsi résolument décidé à prouver à la nouvelle tutelle, les dispositions d'investissement et d'extension de ses activités (lire entretien). «Les capacités actuelles d'approvisionnement en sable par le concassage, le sable des oueds et les opérations limitées de dragage, s'avèrent insuffisantes», explique Abdelkébir Hmimou, directeur d'exploitation de l'enseigne et membre du directoire. Depuis mai 2008, les pouvoirs publics préconisent un scénario d'approvisionnement mixte. Ce plan est composé par le sable de concassage, celui de dragage, le sable des oueds et le sable de dunes de Laâyoune. Cela devrait, en principe, se réaliser avec en toile de fond, l'arrêt des carrières de dunes. Pour le moment, la filiale de Drapor n'opère que sur trois plateformes, celle de Mehdia, d'Azemmour et de Larache, pour une production totale effective qui ne dépasse le million de m3 annuel. Sur ce dernier site, en tout cas, le processus industriel et de commercialisation va bon train. À l'entrée de la plateforme, une file d'une dizaine de remorques et semi-remorques attendent tour à tour leur chargement en sable. En temps normal, ils ne sont pas moins d'une moyenne de 150 à transiter sur cette plateforme, en une journée. «Le pic de trafic que nous avons atteint est de 350 chargements», nous informe Zouhair Bekkali, le responsable de la plateforme, en poste depuis une année déjà. Du haut de sa trentaine, l'homme gère ainsi une capacité annuelle de 1,2 million de m3 de sable marin, commercialisé pour une majeure partie sur le marché local de la région du Nord. «Attaques» Bekkali doit aussi souvent s'improviser médiateur, puisque les «attaques» venant de lobbies d'exploitants de sable de la région, qui voient la présence de Rimal comme une menace pour leurs affaires, sont monnaie courante. La plateforme est sur une superficie de 5 ha et est aménagée de manière à englober tous les aspects du processus de la production à la commercialisation du sable. D'un investissement total estimé entre 25 et 35 MDH, cette plateforme est effectivement composée de deux «zones de refoulement», une de traitement du sable refoulé à l'état brut, ainsi qu'une troisième destinée à la commercialisation. Le site est également doté d'un laboratoire, de locaux administratifs, ainsi que d'une série d'équipements tels qu'une station de traitement/lavage, deux ponts basculants pour les flux de véhicules à l'entrée (vides) et à la sortie (chargés) de la plateforme, un bureau de vente informatisé, ainsi que des locaux administratifs. Une quinzaine d'opérateurs, toutes fonctions confondues, font tourner tout cela 24h/24, en équipes de service. «60% de ce personnel est recruté dans la région». À ce dispositif, installé sur la terre ferme, s'ajoute bien sûr les dragues aspiratrices. Ces navires d'un genre très particulier sont spécialement destinés à aspirer le sable des fonds marins, avant de le refouler sur une aire destinée à cet usage à travers une conduite. Le sable ainsi refoulé subit un traitement qui consiste, successivement, en une phase de criblage, une deuxième de lavage et des tests de contrôles qui permettent d'obtenir un produit conforme aux normes marocaines de construction et de béton. En chiffres, le coût moyen de production de ce type de sable s'élève à près de 100 dirhams, pour un prix moyen de vente fixé à 106,5 DH/m3. Selon la qualité et le niveau de traitement du sable marin, ce prix de vente peut varier jusqu'à 150 DH/m3. Dans le détail, les charges salariales ne pèsent pas plus de 8% de ce montant. C'est plutôt les opérations de dragage en mer et de refoulement du sable, qui sont les plus coûteuse en termes de charges. Elles s'accaparent 45% des charges moyennes de l'activité. Il faut savoir qu'une drague aspiratrice peut coûter plus de 150 MDH. L'importance de ces charges serait peut-être la cause de la faiblesse des investissements réalisés dans ce secteur, qui peuvent être très onéreux et dont Rimal est pour le moment, le seul opérateur sur le marché local. Le «green» n'est jamais gratuit, contrairement aux apparences. Hassan Ayad, président du directoire Rimal «Ma stratégie vise le développement du segment industriel et du positionnement de l'enseigne» Les Echos quotidien : Vous venez de prendre les rênes de Rimal. Quelles vont être vos priorités ? Hassan Ayad : Ma stratégie va s'inscrire dans la continuité. Mon objectif est d'accélérer le développement des activités de la société. Nous avons une feuille de route claire dans ce sens que je suis en train de partager avec les responsables de nos différentes plateformes. Cette stratégie repose ainsi sur le développement du segment industriel, plus précisément, et sur le renforcement de la part de marché de l'enseigne. De toute façon, nous sommes dans de très bons équilibres financiers qui devraient nous permettre de réaliser cette montée en performance. Rien que pour le premier trimestre de cette année, par exemple, le chiffre d'affaires de la plateforme de Larache est en progression de 100%. C'est de loin la plateforme la plus dynamique. Celle de Mehdia est sur une variation de 25%, et de 50% pour le site d'Azemmour. Ce qui fait, en moyenne, une progression de 25% de nos réalisations financières globales. De nouveaux appels d'offre sont attendus pour l'ouverture de nouvelles exploitations de sable de dragage. De bonnes perspectives pour Rimal ? Nous attendons en effet beaucoup de ces prochaines échéances. Au-delà même des opportunités d'investissement qui seront ouvertes, le lancement de ces nouveaux appels d'offres prouve au moins que l'Etat a fini par croire à la viabilité de l'utilisation du sable de dragage comme alternative à celui provenant des dunes. C'est donc une activité à développer, que ce soit à travers notre expérience, où à travers l'apport de nouveaux opérateurs qui pourraient se positionner sur ce créneau. Vous sentez-vous prêts à la concurrence ? Par rapport au secteur en lui-même, il est certain qu'il y aura de nouveaux opérateurs qui s'y intéresseront de très près, ce qui pourrait favoriser une certaine concurrence positive dont le marché serait le seul gagnant. Nous sommes donc prêts à investir davantage, dès que l'opportunité nous sera donnée.