Le Roi ordonne au CSO d'émettre une fatwa exhaustive sur la Zakat    USA : Trump va renommer le département de la Défense en "ministère de la Guerre"    Lionel Messi fait ses adieux à l'Argentine, l'incertitude demeure pour le Mondial 2026    PSG : tensions internes entre Zabarni et Safonov sur fond de guerre en Ukraine    Sous leadership royal, le Maroc affirme sa voix à la Ligue arabe    Qualifications africaines: Le match contre le Niger, décisif pour se qualifier au Mondial 2026 (Joueurs de l'équipe nationale)    Le Mali défie l'Algérie devant la Cour internationale de Justice : un procès historique pour "agression armée"    Sahara : Le Royaume-Uni réaffirme son soutien au plan marocain d'autonomie    Législatives 2026 : Le PSU contre la participation des MRE d'Israël    Sahel : Le Mali saisit la Cour internationale de justice contre l'Algérie    S.M. le Roi préside à la mosquée Hassan à Rabat une veillée religieuse en commémoration de l'Aïd Al-Mawlid Annabaoui Acharif    Aïd Al Mawlid Annabawi : Grâce Royale au profit de 681 personnes    La victoire de la Chine sur le fascisme en images à Rabat    Gaza-Cisjordanie : le Maroc appelle au retour à la table des négociations    Benslimane: Lancement de l'opération de sélection et d'incorporation des nouveaux appelés au Service Militaire au sein du 40è contingent    Aïd Al Mawlid : Le Roi préside une veillée religieuse à la mosquée Hassan    Conseil de gouvernement : Adoption d'un projet de décret fixant la liste des établissements ne relevant pas des universités    Le Maroc lance un programme historique de 5,6 milliards de dollars pour faire face à la crise de l'eau et renforcer son partenariat avec la Chine    Complexe Moulay Abdellah : Les Lions de l'Atlas ont découvert leur nouveau joyau    Hommage : La FRMF honore les anciennes gloires de la Région Rabat-Salé-Kénitra    Maroc-Niger : Tout est réuni pour que la fête soit belle !    Prépa CDM U17 Qatar 2025 / Espagne : Les Lionceaux démarrent fort face au Canada    Aïd Al Maoulid Annabaoui : La NARSA appelle à la vigilance sur les routes    Accidents de la route : les indemnisations atteignent près de 7,9 milliards de dirhams en 2024    Rétro - Verso : Bab Maâlka, suspendue aux confins de l'Atlantique et de l'exil    Gad Elmaleh revient à Casablanca avec son spectacle « Lui-même »    Flux net des IDE : Les Emirats arabes unis, premier pays investisseur au Maroc en 2024    DP World launches Atlas maritime service linking Morocco to UK and Europe    PPS leader Mohamed Nabil Benabdallah to visit Eastern Libya for diplomatic talks    Ecuador's National Assembly forms interparliamentary friendship group with Morocco    Sothema confirme sa dynamique au Maroc mais marque le pas à l'international    Le Caire: Nasser Bourita s'entretient avec son homologue égyptien    The Jazz au Chellah festival relocates and becomes Jazz à Rabat    La montée et la chute de la Maurétanie, un royaume amazigh oublié    Biennale de Venise : L'animation marocaine sous les projecteurs internationaux    L'Office national marocain du tourisme engage une vaste consultation pour affiner sa stratégie de promotion qui concerne «le transport aérien, la distribution, l'image et la numérisation»    Maroc–Turquie : un nouvel élan pour les échanges commerciaux    OMPIC : 56.611 entreprises créées en six mois    Ecosse : un chef de gang arrêté au Maroc condamné à six ans de prison pour trafic de drogue    Taxe carbone et filières stratégiques : comment le Maroc se positionne sur le marché euro-méditerranéen des énergies propres    Le PL sur les indemnisations des victimes d'accidents de la route approuvé en Conseil de Gouvernement    Portugal : deuil national après le déraillement meurtrier d'un funiculaire à Lisbonne    Le Maroc importe 89 700 tonnes de blé russe en août pour 211 millions de dirhams, un volume accru de moitié par rapport à l'an passé    Les températures attendues ce jeudi 4 septembre 2025    Le Maroc et l'Azerbaïdjan approfondissent leurs relations culturelles lors d'un entretien à Rabat en vue du 11e Salon international du livre de Bakou    Buraïda, capitale saoudienne des dattes, célèbre le patrimoine et la créativité lors d'un carnaval mondial    Belgium Moving Toward Recognizing Morocco's Sovereignty Over the Sahara by the End of 2025    Œuvres d'art : Tanger accueille une vente aux enchères publique de Monsieur C    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le déficit communicationnel
Publié dans Les ECO le 23 - 02 - 2010

C'est la triste histoire d'un enfant de onze ans fauché par un chauffard. Cet accident a fait l'objet d'une couverture médiatique particulière dans le journal télévisé de 2M. Ce fut un pur moment d'émotion où on a manifestement cherché à nous arracher une larme. L'information passait au second plan. Nous n'avions que de maigres éléments sur l'accident lui-même ou sur le chauffard. On s'est attardé par contre sur le malheur des petits camarades de classe. Les enfants étaient invités à s'exprimer sur la mort de leur camarade. Que peut dire un enfant de dix ans sur la mort d'un ami ? Il pleure et fait pleurer avec lui les téléspectateurs. Dans une mise en scène un peu grotesque, parce qu'on devine aisément les conseils du cameraman, la mère s'est assise sur la chaise exiguë qu'occupait son enfant. Enlaçant son cartable, elle se dandinait comme si elle tenait encore dans ses bras son fils. Ils devaient être plusieurs spectateurs à vivre ce jour-là le drame de cette famille. Il s'agit maintenant de savoir si c'est bien le rôle d'un journal télévisé que d'émouvoir les gens au lieu de les informer. Qu'avons-nous retenu de cette histoire ? Que les accidents de la route peuvent frapper les familles dans ce qu'elles ont de plus cher. Est-il sain d'instrumentaliser la douleur réelle d'une famille pour cela ? Le respect de cette douleur aurait commandé d'être un peu moins voyeur. N'a-t-on pas cherché à s'adresser à l'affect du téléspectateur au lieu de son intellect ? Il est très difficile de ne pas associer cette histoire au fameux code de la route qui ne réussit toujours pas à faire l'unanimité. Les soupçons sur cette mise en scène sont légitimes. Cela porte un nom : la manipulation d'opinion.
Le respect de l'opinion publique
Ceci nous amène à reposer la question des médias et de l'opinion publique. On ne comprend pas comment une télévision comme la nôtre continue à fonctionner comme si elle était encore l'unique choix qui s'offrait aux spectateurs. Il y a dans cette attitude beaucoup d'ignorance mais aussi beaucoup de mépris pour une opinion publique qu'on pense manipulable à loisir. Le code de la route est une question importante pour tous les citoyens. Elle devrait en principe donner lieu à un débat national, citoyen et responsable. Nous ne disposons malheureusement pas encore d'une telle culture de débat. Nous qui sommes prompts à copier les institutions qui marchent de l'autre côté de la Méditerranée, nous devrions installer l'équivalent de la CNDP française (Commission nationale du débat public). Cette instance est un exemple du respect de l'expression publique pour des questions primordiales touchant à la vie quotidienne. Imaginez qu'on puisse avoir notre avis à donner sur l'aménagement de l'espace dégagé par l'ex-aéroport de Casa-Anfa. Cela paraît encore comme une chimère qui prêterait à sourire, mais sait-on jamais? Le déficit du débat public émane d'une conception particulière de la communication. Il n'y a pas chez nous d'opinion publique que celle qu'on façonne à coup d'informations biaisées. On ne nous demande pas d'avoir une opinion, il suffit qu'on ait une émotion. Ceci explique probablement ce paradoxe permanent dans notre télévision : on n'y trouve que des solutions à des problèmes dont on ne nous a jamais parlé. C'est quand un pont est construit qu'on apprend que la population a passé des années à souffrir de son manque. Les actions de nos hommes politiques sont des affaires personnelles qu'ils ne communiquent que pour dire qu'ils les ont réussies. Le politique ne parle qu'en sa faveur, il ne communique pas. Parler des difficultés c'est avouer une impuissance. Il faudrait ajouter à cette peur de communiquer une autre qui est son corollaire, la peur des sondages. Des personnes qu'on juge incapables de comprendre sont-elles dignes de s'exprimer? Un projet de loi a été même mis en discussion pour limiter l'usage des sondages.
Bâtir une opinion publique
Nous sommes une société où le débat est banni parce qu'il est suspect. Nous sortons à peine d'une époque où l'expression d'un avis s'assimilait à une impertinence voire à un délit. À force de ne pouvoir exprimer nos opinions, nous avons fini par ne plus en avoir. La désertion des urnes pourrait-être une des manifestations. Les débats sont contenus dans une sphère dont les limites sont définies par une pseudo connaissance légitime. Seuls les spécialistes (ou prétendus tels) ont le droit à la parole. En dehors de cette sphère se déploie la parole illégitime, dangereuse et oiseuse. C'est le silence qui devrait régner. L'opinion publique a d'abord été considérée comme ignorante et peu cohérente. Elle a vite été réhabilitée et reconnue comme un acteur majeur dans les démocraties. Donner la parole aux citoyens n'est pas seulement une question de respect ou de droit, c'est aussi une manière de créer une véritable opinion publique et donc une certaine conscience citoyenne. Ceci n'a pas empêché cette opinion d'être sujette à de nombreuses manipulations, de Timisoara à l'invasion de l'Irak. Il n'en demeure pas moins vrai que la mainmise des «spécialistes» sur les questions politiques et sociales appauvrit le débat et consacre la rupture entre ceux qui savent ou se proclament comme tels et le reste des citoyens. On pourrait penser qu'il est sain de ne pas laisser des questions importantes et délicates dans la tourmente des débats publics, où des personnes non outillées pourraient être manipulées. L'argument a l'apparence d'un raisonnement logique, mais derrière son paternalisme évident, il y a une usurpation du droit à disposer d'un avis. Franchement, même cantonnés dans cette sphère étroite, nos débats publics ne volent pas toujours très haut.
L'officiel
On m'avait invité un jour à animer un débat public sur la politique menée par une administration dans une zone industrielle. Je devais jouer le rôle de modérateur, c'est-à-dire de celui qui parle sans avoir grand-chose à dire. Comme je voulais bien faire les choses, j'ai pris connaissance du sujet et des intervenants. Quelle ne fut pas grande ma surprise quand on m'annonça, comme un événement remarquable, la venue d'une «personnalité» publique que je connaissais bien. Quand cette personne était encore un simple citoyen, nous avions eu une relation d'affaires. Elle avait poussé «l'amitié» par deux fois jusqu'à ne me payer mes prestations qu'au bout d'un an et de quelques appels téléphoniques. Malgré cela, c'était avec fierté que j'avais clamé avec un enthousiasme puéril : «C'est un ami !» Nous avons tous tendance à oublier les petits différents et à confondre «connaissance» et «amitié» quand on pense tirer bénéfice d'une situation. Il paraît que «l'ami» en question ne tenait pas à détruire l'image qu'il s'était façonnée avec beaucoup d'acharnement. Celle d'une «Personnalité publique» avec la hauteur qui ressemble beaucoup à de l'arrogance. Mon «ami», se faisant conduire par un chauffeur, s'attendait à ce qu'on le reçoive à sa descente de la voiture avec beaucoup de déférence. Vous devinez la tête qu'il fit quand il me vit en face de lui avec sur le visage le sourire béat de celui qui voulait montrer à tout le mode qu'il le connaissait. En bon responsable, il me salua d'un geste glacial. J'étais pour lui le cheveu dans la soupe qui venait semer la zizanie dans une orchestration à sa gloire. Je risquais de trahir une sensibilité qu'il cachait derrière son statut d'officiel. Etait-elle encore cachée, cette sensibilité, ou avait-elle disparu ? Je n'ai plus eu l'occasion de vérifier depuis lors.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.