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Les paysages de la mémoire
Publié dans Le Soir Echos le 05 - 01 - 2011

Fatima Hassan a souvent été classée dans la catégorie de l'art «naïf». Or, l'ambiguïté de cette appellation ne saurait embrasser l'essence et la quintessence de son art et la sensibilité artistique qu'il laisse dégager dès l'abord.
Depuis les années soixante, Fatima Hassan n'a eu de cesse d'élaborer une œuvre singulière, tant par son style que ses thématiques. Fascinée par le travail des peintres qu'elle découvre avec son mari Hassan El Farrouj, connu à l'époque, elle ne tarde pas à explorer cette nouvelle matière d'expression si différente des matériaux qu'elle utilisait auparavant : broderie, couture, etc. «Affranchie de la servitude» des modèles qu'impose l'artisanat, elle va à la rencontre de son imaginaire propre, le conjugue inlassablement dans l'espace de la toile et y livre une expérience plastique des plus créatives, où sa sensibilité féminine se déploie prodigieusement pour atteindre sa maturité plénière quelques années après. Figure incontournable dans l'espace pictural marocain, Fatima Hassan a souvent été classée dans la catégorie de l'art «naïf». Or, l'ambiguïté de cette appellation ne saurait embrasser l'essence et la quintessence de son art et la sensibilité artistique qu'il laisse dégager dès l'abord. Il s'agit plutôt d'un art singulier, qui tout en référant à un rapport immédiat avec le visible, n'en manque pas pour autant d'en présenter une interprétation personnelle, émanant d'un regard particulier sur soi et sur le monde.
Dans cet univers féerique qu'elle ne cesse d'inventer et de réinventer, qu'elle modèle et remodèle au gré des réminiscences, des souvenances et des rêveries, des traces et des signes de la mémoire, Fatima Hassan a su nous révéler une personnalité artistique d'une créativité débordante de dynamisme et de générosité. Elle, née à Tétouan, ville de l'art et du raffinement andalou, et qui, brodeuse, savait manier l'art des arrangements des fils et des couleurs, des formes et des signes, s'est appropriée l'art savant de la peinture pour s'y installer en conteuse. Appropriation on ne peut plus salvatrice, puisque ses mains allaient libérer leur énergie, traduire l'imaginaire débordant de sa mémoire et permettre à son corps de s'adonner librement à l'irrésistible appel du visible.
Tisserande des mot(if)s qui défient l'imminence de la mort, Fatima Hassan finit par s'ériger en image réelle de Chahrazade, cette femme qui au rythme des contes créait un monde séduisant qui allait libérer la femme de l'anéantissement mythique pour la transformer en source intarissable de l'imaginaire vital. C'est que tout conte est une offrande à soi et à l'autre, un désir de recréer l'univers selon les gestes simples d'un itinéraire vécu, d'un parcours où les humains vivent leur destinée et se l'approprient en même temps. Néanmoins, si ce désir quasi obsessionnel de conter est si prégnant qu'il semble transformer la toile en tapisserie picturale, il n'en est pas moins régi par une volonté palpable de se livrer à l'oubli, de se délivrer de la pesanteur de la mémoire et de la nostalgie. Double mouvement qui se traduit au niveau de la toile par un travail de palimpseste sur la scène peinte. Car il s'agit généralement de scènes, brossées dans leur visibilité contée : scènes d'un monde presque révolu, festif, se logeant dans les fins fonds du corps et de la mémoire, remontant à la surface du geste pour se révéler dans une intensité imparable. Scènes d'un vécu que la mémoire transporte viscéralement, où le féminin et ses parures sont célébrés dans une instantanéité différée, où l'instant mnémonique est capté dans sa fluidité fuyante, où le mouvement est sacrifié au profit de postures magnifiées inlassablement par un travail minutieux sur le détail et le tracé, les signes et les symboles.
Chaque toile de Fatima Hassan nous transporte dans l'émerveillement du regard. Elle nous happe par ses superpositions calculées, ses stratifications abondantes. On dirait qu'elle partage avec nous cet émerveillement et nous permet de l'accompagner dans la genèse de chaque œuvre. Impression qui se transforme en évidence, car il s'agit bien de compositions qui se muent en constructions, personnage par personnage, motif par motif, couleur par couleur. Un univers qui inlassablement réfère à des moments placentaires qui ne cessent de se régénérer sans néanmoins se ressembler. Une interprétation continue, à l'œuvre d'un travail à l'autre, qui réinterroge les traces d'une mémoire active et pourtant sélective. Cet univers si réel et pourtant si merveilleux est un monde personnalisé. Regorgeant de couleurs et de formes, il se laisse décrire jusqu'à l'essoufflement. Le tracé fluide et en courbe, la «saturation» de l'espace offrent à la scène un souffle musical dû à la répétition des motifs, à l'efflorescence de signes. Harmonie où le détail est travaillé pour conférer au tableau une allure et un mouvement que l'absence de perspective atténue visiblement. Et le recours au noir et blanc ? Il est technique et distanciation. Car la rêverie et la mémoire sont parfois reconduits à leur étrangeté primaire, à leur pureté contrastée.
Et ces personnages qui de «profil» nous scrutent avec un seul œil ? Trouvaille qui semble être la signature de l'artiste. L'autre œil demeure caché. Il est organe de vision intérieure qu'elle nous offre, amateurs de sa peinture, afin qu'on puisse regarder avec un œil nouveau, celui par lequel elle a si bien su ouvrir notre intériorité à la magnificence de son univers à elle!


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