Arrivée à Casablanca d'enfants maqdessis pour participer à la 16e édition des colonies de vacances    Le Maroc mène une médiation discrète pour la libération de l'ancien président nigérien Mohamed Bazoum... Les efforts vont-ils aboutir ?    Mali... Des signes de coup d'Etat révèlent le visage caché des manigances du régime algérien au Sahel    Ballon d'or 2025. Achraf Hakimi y croit    La 16ème édition du Salon du Cheval d'El Jadida accueille le prestigieux "Title Show" des chevaux Pur-Sang Arabes    Ibtissam Lachgar placée en garde à vue pour offense à l'Islam    L'été dans le Nord. Maroc Telecom électrise les plages    Panama. Le Maroc invité d'honneur du Salon international du livre    "Dbibina" : Jerando, c'est fini, à qui le tour ?    CHAN 2024 : victoire de l'Afrique du Sud face à la Guinée    Espagne : Le gouvernement somme la ville de Jumilla de retirer une mesure islamophobe    Le Maroc à la Foire du livre de Panama : En Algérie, la désinformation bat son plein [Désintox]    Les taux d'intérêt enregistrent de nouvelles baisses au deuxième trimestre    Après le Maroc, Société Générale se retire de la Mauritanie    Interview avec Diallo Mamadou Bhoye : Tous, ensemble pour la nouvelle Constitution    Données génétiques : Le Maroc est-il prêt à reprendre le contrôle ? [INTEGRAL]    Les piscines et la canicule    Moroccan women's tennis team qualifies for Europe Africa Group II after Billie Jean King Cup triumph    Tanger : Un Néerlandais arrêté pour l'enlèvement d'un nourrisson    Sahara marocain : Scénarii pour le dénouement du conflit    Migration : Le Maroc, eldorado des retraités en Afrique    Moussem Moulay Abdallah Amghar : Quand l'art de la photo et la scène électrisent 130 000 spectateurs    Fauconnerie / Reportage : La fauconnerie Lekouassem écrit l'histoire    Le festival «Iminig» Migration et Valeurs célèbre l'âme nomade entre racines et horizons    Pollution marine : la méthode gagnante de Surfrider Maroc à Agadir    Nouveau corridor d'Amgala : un pas de géant dans le transport régional    Conjoncture : reprise en vue pour l'investissement industriel    Trump ordonne le déploiement de la Garde nationale à Washington    Hakim Ziyech pressenti pour un retour en Eredivisie    Leicester : Newcastle prêt à foncer sur Bilal El Khannouss    Ceuta : Des Palestiniens traversent à la nage pour demander l'asile    Palestine: entre victoires diplomatiques et guerre génocidaire    Recettes fiscales: une croissance exceptionnelle au 1er semestre 2025    Tennis : Qualitifation inédite de l'équipe féminine du Maroc au Groupe II Europe/Afrique    Maroc : Les détenus du Hirak du Rif en grève de la faim en solidarité avec Gaza et le Soudan    Cinéma: Une partie du film bollywoodien « Captain India » tournée au Maroc en 2026    Justice sociale et territoriale : l'exécutif place l'équité au cœur de sa stratégie de développement    Gaza: Cinq journalistes d'Al Jazeera tués lors d'une frappe israélienne    Incendies en Espagne : Plus de 1.000 évacués dans le nord-ouest    Le temps qu'il fera ce lundi 11 août 2025    Settat : arrestation d'un élément imprégné de l'idéologie extrémiste de Daech    Revue de presse de ce lundi 11 août 2025    La Bourse de Casablanca ouvre en hausse    Le journal chinois "Global Times" : Le Maroc sous la conduite du Roi Mohammed VI, un modèle africain exemplaire en développement et innovation    MAS de Fès : Mohamed Bouzoubaâ élu nouveau président du club    Royal Air Maroc renforce la connectivité « point-à-point » au départ de Marrakech vers la France et la Belgique    La SNRT tient ses quatrièmes Journées portes ouvertes pour les MRE    Cinéma, artisanat et terroir    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« L'art de se taire »
Publié dans L'observateur du Maroc le 20 - 01 - 2014

L'abbé Dinouart écrivit cet essai en 1771, qui sera plusieurs fois réédité. L'auteur avait été adversaire acharné de la philosophie des lumières. L'intérêt de son opuscule ne réside pas dans cet acharnement, quoique cette dimension pourrait éclairer le lecteur sur l'ampleur des résistances de la société française du XVIIIème siècle aux idées nouvelles et émancipatrices, mais dans on démontage de l'art de se taire et dans on éloge du silence. Le titre complet de ce petit livre de moins d'une centaine de pages est : « L'art de se taire, principalement en matière de religion » et ce titre est d'une actualité surprenante.
Ne lisons-nous pas de nos jours tellement de dissertations en matière de religion que cette invasion de commentaires obscurcit toute compréhension du texte fondateur ? Cette inflation envahit aussi bien le religieux, que le politique, l'économique que l'artistique et que le culturel. Il y a comme une « démangeaison » (l'expression est de cet auteur) du dire et de l'écrire. Alors que « le premier degré de la sagesse est de savoir se taire, le second est de savoir parler peu, et de se modérer dans le discours, le troisième est de savoir beaucoup parler, sans parler mal et sans trop parler, alors que le silence est une composante fondamentale de l'éloquence ».
Invite-t-il à une pédagogie du silence, à « une discipline de la réserve », à « un art de la réticence ». Sans doute, quand il écrit : « On ne sait jamais parler qu'on ait appris auparavant à se taire ». Le pouvoir des mots et leur puissance sont tels qu'ils peuvent provoquer ravage, désolation et anarchie. Si les souvenirs de mes lectures sont encore vivaces c'est bien Victor Hugo qui a intitulé un de ses poèmes « Le mot » et que, porté par la rumeur qui s'enflait au fur et à mesure qu'il était répété, ce mot là ira jusqu'à blesser mortellement à la fin du poème celui auquel il était destiné. On ne mesure pas assez cette force des expressions et les manieurs de mots le savent bien qui n'oublient pas que le « J'accuse » d'Emile Zola a fait pencher l'opinion publique en faveur du capitaine Dreyfus condamné injustement par le tribunal et cette même opinion publique. C'est pourquoi « il faut ainsi faire taire le langage. Mais à l'inverse il faut faire parler le silence ». Exercice particulièrement difficile quand de nos jours aucune éthique du silence ne vient dépassionner les débats sur les questions de société, et « qu'une étrange maladie » de parler et d'écrire s'empare de beaucoup qui n'ont rien à dire. Une phrase illustrerait l'analyse de Dinouart : « on ne doit cesser de se taire que quand on a quelque chose à dire qui vaut mieux que le silence ».
Dans le domaine de la littérature par exemple il y a « une passion de devenir auteur, un emportement à écrire » et comme l'affirme Dinouart « Etre lisible, c'est désormais être visible ». Et c'est Narcisse écrivain ou poète qui chante sa contemplation de lui-même. Le « Je » amoureux du « Je » en quelque sorte. Il m'est arrivé d'assister à une lecture de poèmes, les vers étaient d'une platitude déprimante mais le poète, je devrai dire poétesse se pâmait seule avec elle-même devant une assistance étonnée par tant d'arrogance et de suffisance. On ne peut s'enorgueillir d'être écrivain, auteur ou poète, car c'est la postérité qui réserve ce statut à ceux qu'elle élit. Il y a un art où le silence semble être de règle, c'est celui de la peinture. L'inflation des expositions révèle plus une impuissance esthétique à se dire par les mots et le langage que l'émergence d'un véritable art de peindre.
Faudrait-il pour autant se taire ? Si les circonstances le recommandent, certes, parce que le silence devient une réponse assourdissante à ceux qui parlent trop, écrivent trop et vite et oublient que la sagesse populaire enseigne que les imprudents en paroles sont aussi imprudents et coupables en actes.
Mais c'est toujours à l'éducation que l'on revient. Si j'étais encore enseignant et que je devais faire un cours à mes étudiants, sur la langue maternelle, je disserterais sur le « Lapsus » de Samuel Beckett, qui de langue maternelle anglaise, s'est mis à un moment particulier de sa vie, à n'écrire qu'en langue française ; il répondait avec impatience à quelqu'un « qui l'interrogeait sur le fait qu'il s'est mis à écrire exclusivement dans cette langue étrangère, que sa langue maternelle était le silence ».
Faisons cette dissertation ensemble, et essayons de comprendre « le lapsus » de ce prix Nobel de littérature pour qui la puissance des mots, s'exerce dans leurs rareté, non dans leur profusion. Le proverbe latin : « Scripta manent » « les écrits restent » ; « verba volant » « les paroles s'envolent » n'est plus vrai. De nos jours, les mots ont leur part d'éternité. Comme, sans doute, le silence aussi.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.