Une récente étude internationale, publiée dans la revue Nature Communications, révèle l'existence d'une fracture croissante entre générations en matière de pratiques religieuses au Maroc. Selon les résultats de cette enquête, les jeunes marocains seraient moins attachés aux rituels religieux et considèrent la religion comme moins centrale dans leur vie quotidienne... comparés à leurs aînés. Intitulée « The Three Stages of Religious Decline Worldwide » (Les trois étapes du déclin religieux à travers le monde), l'étude classe le Maroc parmi les pays affichant historiquement un haut niveau de religiosité, mais qui amorcent aujourd'hui ce que les chercheurs appellent une phase de « transition séculière ». Fracture générationnelle Selon les auteurs, ce processus suit un schéma bien défini : il débute par une baisse de la « participation » aux rites collectifs, se poursuit par un recul de la « centralité du religieux » dans la vie des individus, tandis que « l'appartenance » à une religion donnée reste, dans un premier temps, stable et largement préservée. Appuyé sur les données du Pew Research Center couvrant 111 pays, le rapport souligne que le cas marocain s'inscrit dans une tendance plus large observée dans plusieurs sociétés à majorité musulmane. Les chercheurs ont comparé deux grands groupes d'âge : les moins de 40 ans et les 40 ans et plus, en croisant trois indicateurs précis du comportement religieux. Indicateurs Le premier qui est la participation aux pratiques religieuses (notamment l'assiduité hebdomadaire), révèle une différence nette : les jeunes Marocains y prennent part beaucoup moins que les générations plus âgées, affirme le dit rapport. Le deuxième indicateur axé sur l'importance accordée au religieux, mesurée par la proportion de personnes déclarant que la religion est « très importante » dans leur vie, enregistre également une fracture entre les deux générations. En revanche, le troisième indicateur, celui de l'appartenance religieuse, c'est-à-dire le fait de s'identifier à une religion, ne montre quasiment aucune différence entre jeunes et aînés. Ce maintien du sentiment d'appartenance, malgré le recul des pratiques, est présenté comme une caractéristique de la première étape du changement, expliquent les auteurs de l'étude. Attachement sans engagement Cette dernière insiste par ailleurs sur le fait que cette évolution ne survient pas brutalement mais suit une logique progressive : les individus abandonnent d'abord les pratiques les plus contraignantes en temps et en effort, tout en conservant l'identité religieuse comme repère. Ce modèle contraste avec les pays européens marqués par une sécularisation avancée, où la rupture entre générations se manifeste surtout dans la perte du sentiment même d'appartenance, les niveaux de participation et d'importance ayant déjà chuté depuis longtemps. En conclusion, les chercheurs estiment que les données placent désormais le Maroc sur la carte mondiale des transformations religieuses. Si le changement reste subtil, il marque néanmoins un tournant : les jeunes générations tendent à maintenir une identité religieuse affirmée, mais avec un engagement beaucoup plus limité dans les pratiques rituelles quotidiennes.