Droits de l'Homme au Sahara : Le Royaume-Uni exprime sa position    Violences racistes à Murcie : la FEERI dénonce une vague d'islamophobie et appelle au calme    Casablanca : Un nouveau tronçon routier pour désengorger l'axe Hay Hassani - Dar Bouazza    Morocco advances to Women's Africa Cup of Nations quarter-finals with victory over Senegal    Casablanca: Un nuevo tramo vial para descongestionar el eje Hay Hassani - Dar Bouazza    Jazzablanca 2025 : Une édition qui fête le jazz avec les habitants, au-delà de la scène    Macklemore clôt le festival Jazzablanca avec un puissant message de solidarité pour la Palestine    Blessés dans un accident à Marrakech, Fidji Ruiz et Anas donnent des nouvelles    EHTP : Un Pôle d'excellence et d'ingénierie technologique    Ce Maroc qui ingénie...    Diplomatie : Rabat entre le poids de l'Occident et l'infortune des BRICS    Renforcement du partenariat stratégique entre Moscou et Pékin : Lavrov rencontre Wang Yi à Pékin    Finale. CDMC : dispositif sécuritaire exceptionnel pour la venue de Donald Trump    Mondial des clubs : Achraf Hakimi sacré meilleur défenseur avant la finale contre Chelsea    Sofiane Kiyine impliqué dans un nouvel accident de la route    Manchester United : André Onana forfait pour la tournée américaine de pré-saison    Fès, la spiritualité Tidjane au cœur du lien entre le Maroc et l'Afrique de l'Ouest    Sit-in à Ouled Youssef : la réaction du CNDH    Prévisions météorologiques pour le lundi 14 juillet 2025    Démantèlement d'un sillage de ténèbres près d'El Jadida    Trottinettes électriques : l'ombre des incendies de batteries lithium-ion    Arafat Najib, le gardien d'Al-Aqsa... des années de résistance face à l'exil et à l'arrestation    Dubaï : Trois fugitifs recherchés par Interpol et Europol, dont El Ballouti, arrêtés et extradés vers la Belgique    Rissani : Lancement des travaux de sauvegarde et de valorisation du site archéologique de Sijilmassa pour 245,5 MDH    El Jadida en transe : le come-back triomphal de Saad Lamjarred !    Jazzablanca 2025 : Clôture en apothéose aux rythmes de gnawa et d'un show explosif de Macklemore    Alerte météo. Vague de chaleur extrême de mardi à vendredi dans plusieurs provinces    Marruecos: El Comité de Liberación de Ceuta y Melilla renace de sus cenizas    Corruption au Maroc : Un frein à l'export, mais un "coup de pouce" aux ventes locales    Fouad Akhrif explore avec les responsables jordaniens de nouveaux horizons municipaux entre Amman et Rabat    Clap de fin haut en couleur pour Jazzablanca    Le Nigeria et l'UE s'allient pour la promotion des musées et des industries créatives    Trump menace d'imposer des tarifs douaniers de 30% à l'UE et au Mexique    Le Maroc atteint les quarts de finale de la CAN féminine en battant le Sénégal    Plus de 311.600 candidats scolarisés décrochent leur baccalauréat en 2025    Un objet céleste mystérieux venu de l'extérieur du système solaire s'approche du Soleil à une vitesse fulgurante, suscitant la perplexité des scientifiques    Ballon d'Or 2025 : Un front africain se forme pour soutenir Hakimi    Copa América Féminine 2025 : Le Chili démarre fort ; cette nuit le Brésil entre en lice    Les cavaliers de la DGSN brillent au championnat national équestre    Bitcoin: le portefeuille du Salvador dépasse 700 millions de dollars    Maroc : Le Comité de libération de Ceuta et Melilla renait de ses cendres    Stagiaires.ma: Plus de 400.000 candidats inscrits et 12 millions de candidatures générées sur six mois    Coopération Sud-Sud: le Maroc a fait de la solidarité et du codéveloppement un pilier de sa politique étrangère    Polisario invité au Congrès du PP espagnol: Nizar Baraka recadre Feijóo sur la marocanité du Sahara    Rencontre sino-américaine à Kuala Lumpur : ouvre-t-elle la voie à une désescalade entre Pékin et Washington ?    Gazoduc Africain Atlantique : Réunions à Rabat du Comité technique et du Comité de pilotage    Droits de douane: Trump revient à la charge contre l'UE, Bruxelles souhaite un accord    L'ICESCO renforce le dialogue civilisationnel lors d'une rencontre de haut niveau avec des responsables chinois    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Interview Asmae Diani : L'ESS attend toujours sa loi-cadre
Publié dans L'opinion le 11 - 04 - 2022

Avec plus de 27.262 coopératives, un tissu associatif constitué de près de 50.000 associations et une cinquantaine de mutuelles, l'Economie Sociale et Solidaire (ESS) est un secteur porteur et prometteur. Toutefois, il manque toujours un cadre législatif approprié. Entretien.
- Quel regard portez-vous sur l'état des lieux des entreprises sociales au Maroc aujourd'hui ?
- L'entreprise sociale au Maroc souffre d'un défaut de caractérisation. Elle est souvent assimilée à certains statuts juridiques de l'économie sociale et solidaire comme les coopératives et les associations. Ce qu'il faut retenir avant tout, c'est que l'entrepreneuriat social est une forme organisationnelle hybride.
Cette hybridité se traduit au niveau de son modèle d'affaires (business model) qui véhicule une double mission économique et sociale. Dès lors, la forme juridique n'est qu'un « habillage » qu'on choisit parmi les statuts existants en fonction de sa capacité à « protéger » et à encadrer la singularité de ce modèle d'affaires.
Malheureusement, dans le contexte marocain, les choix en matière de cadres juridiques de l'entrepreneuriat, notamment social, sont limités. Nous avons, ainsi, les formes SARLAU et autoentrepreneur pour l'entrepreneuriat social de type individuel et les formes SARL et coopérative pour l'entrepreneuriat social de type collectif.
- L'Economie Sociale et Solidaire (ESS) connaît un développement remarquable au Maroc, est-ce qu'il y a un cadre législatif pour l'encadrer ?
- L'Economie Sociale et Solidaire est classiquement identifiée par ses composantes organisationnelles : coopératives, associations et mutuelles, ainsi que par ses principes et valeurs prônant la participation et la solidarité. De nombreuses pratiques et initiatives pouvant être assimilées à l'ESS sont ancrées dans la culture marocaine. Néanmoins, c'est avec l'Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) que l'ESS a pris vraiment de l'élan.
En effet, l'INDH voyait dans les coopératives un espace prometteur d'insertion socio-économique des populations défavorisées. Certes, cela a contribué à la visibilité de l'ESS, mais en même temps a contribué à faire valoir une représentation de l'ESS comme une « Economie de la misère ».
Si, aujourd'hui, le Maroc dispose de cadres juridiques spécifiques encadrant le fonctionnement de chacune des organisations traditionnelles de l'ESS, il existe un grand besoin pour une loi-cadre spéciale pour l'ESS. Un premier projet de loi a vu le jour en 2016, à l'initiative du ministère de l'Artisanat et de l'ESS de l'époque. Ce projet de loi est en cours d'actualisation avec le concours de l'Agence Française de Développement. Nous espérons que, cette fois-ci, il suivra le processus de validation jusqu'au bout.
- Quelle est la responsabilité sociale des entreprises marocaines ?
- Pour toutes les entreprises, aussi bien privées que publiques, il est important aujourd'hui d'afficher un engagement sociétal, vis-à-vis de leurs collaborateurs, de leur communauté, et/ou de leur environnement de manière plus large. Cela relève en quelque sorte du « politiquement correct », et ce, depuis le début des années 2000. Les entreprises marocaines, particulièrement celles de grande taille, ont développé des pratiques variées dans ce sens. La Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) a créé un « label RSE ».
Ce label, dont la validité est de trois ans, est octroyé à la suite d'une évaluation des pratiques des entreprises dans les neuf domaines d'action constituant la Charte de responsabilité sociétale de la CGEM : les droits de l'Homme ; les relations et conditions de travail ; l'environnement ; la prévention de la corruption ; la saine concurrence ; la gouvernance de l'entreprise; les intérêts des clients et des consommateurs ; les questions relatives aux fournisseurs et sous-traitants ; l'engagement envers la communauté en conformité avec les objectifs universels RSE.
Globalement, dans le contexte marocain, on note une vraie conscientisation des entreprises par rapport aux responsabilités qu'elles ont vis-à-vis de la société, en général, et des salariés, en particulier.
- Le Centre Marocain des Etudes et des Recherches sur l'Entreprise Sociale (CMERES) a plusieurs axes d'intervention allant de la recherche jusqu'à l'incubation, quels effets sont escomptés ?
- Le CMERES véhicule une vision assez singulière sur le changement. Pour nous, le changement s'entreprend pro-activement. L'entrepreneuriat peut offrir des solutions à de nombreuses problématiques sociales. Notre logique d'intervention est holistique et systémique. La recherche- action nous permet d'appréhender les phénomènes dans leur milieu naturel, nous permettant à la fois de qualifier l'existant et d'en faire la restitution.
Ce type de recherche est nécessaire pour mener des plaidoyers construits sur des bases scientifiques et pour bien comprendre les besoins de nos différentes cibles, que nous accompagnons tout au long de leur processus entrepreneurial dans les phases de pré-création et de post-création en déployant une approche centrée sur les capabilités.
- Comment renforcer l'autonomisation des jeunes en matière économique grâce à l'entrepreneuriat social ?
- Quand on parle d'entrepreneuriat social, on est d'abord en présence d'entrepreneuriat, donc de création de valeur ajoutée économique. Certes, la logique de lucrativité limitée prévaut à la place de la profitabilité outrancière, pour permettre à l'entreprise de servir durablement la mission sociale. Pour un (une) jeune, se lancer dans une aventure entrepreneuriale de ce type permettra à la fois d'assurer sa propre insertion économique et celles des autres jeunes qu'il (elle) sera amené (e) à embaucher.
- Concernant les programmes de soutien à l'entrepreneuriat des jeunes comme Intelaka, est-ce qu'il faut les orienter également vers les entreprises sociales ?
- Aujourd'hui, dans l'écosystème entrepreneurial, il existe de nombreux programmes dédiés à l'accompagnement et au financement des jeunes entrepreneurs et porteurs de projet (Intelaka, INDH 3...). Il n'existe pas de traitement de faveur, ni de discrimination visà- vis de l'entreprise sociale. Il suffit pour un jeune de prouver que son entreprise (ou projet) est viable. L'innovation est aussi une dimension qui est bien recherchée dans ces programmes. Cependant, le financement offert dans le cadre de ces programmes est souvent plafonné. Il peut suffire à lancer un projet mais pas en changer l'échelle.
- Quelles sont les mesures à prendre pour encourager l'entreprise sociale ?
- Il y a encore beaucoup de contraintes à lever afin de permettre le développement de l'entreprise sociale. Une première mesure importante serait de créer un (ou des) statut (s) juridique (s) adapté (s) à la singularité de la mission de ce type d'entreprise. Une autre mesure consisterait à développer, tout en l'encadrant bien comme il faut, un écosystème d'accompagnement et de financement propre à l'entrepreneuriat social.
En considérant, bien entendu, toutes les phases de développement de l'entreprise ; de l'amorçage au changement d'échelle. Enfin, une mesure non moins importante consiste à corriger (via la sensibilisation et l'éducation) les représentations dominantes que les gens ont de ce type d'entrepreneuriat, le considérant comme un entrepreneuriat de nécessité dont la viabilité n'est pas acquise.
Recueillis par Hiba CHAKER
Portrait
Diani, une professeur-chercheur plaidant pour l'ESS

Asmae Diani est professeure de management et d'entrepreneuriat à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès et chercheure associée à l'Institut de Recherche en Gestion (Université Paris Est). Elle est présidente co-fondatrice du Centre Marocain des Etudes et des Recherches sur l'Entreprise Sociale (www.cmeres.org).
Le CMERES s'intéresse à toutes les problématiques permettant de faire avancer les débats sur la caractérisation du champ de l'entrepreneuriat social au Maroc, d'examiner dans quelle mesure on peut l'étendre à d'autres structures que celles de l'Economie Sociale et Solidaire (ESS) dont il porte la marque de naissance, de s'interroger sur sa capacité à conserver sa spécificité tout en s'insérant dans l'économie de marché et d'étudier dans quelle mesure la logique de maximisation de profit est compatible avec la dimension sociale de l'entreprise.
Désirant de faire évoluer autant les pratiques des acteurs sur le terrain que les réflexions théoriques animant le champ de l'entrepreneuriat social, le centre de Diani opte pour la recherche-action afin de conduire ses projets de recherche.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.