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«Le métier d'intellectuel, dialogue avec quinze penseurs du Maroc» : Un ouvrage conçu comme une histoire des idées du Maroc contemporain
Publié dans L'opinion le 15 - 04 - 2014

La question du rôle de l'intellectuel dans la société a toujours été posée du fait que sa contribution peut être essentielle dans l'évolution politique et sociale. Au cours des crises et à chaque fois que des événements importants se passent, une question revient comme une antienne :
«Mais où sont les intellectuels ?».
La question est d'autant plus exacerbée que les médias de grande audience comme les chaînes paraboliques, au cours des années 90 et pendant la première décennie 2000, avaient rendu célèbres un genre d'intellectuels particuliers. C'étaient les «spécialistes» de religion, de l'islamisme et du terrorisme, commentateurs à chaud des actualités, consultants bien rémunérés des chaînes des pays du Golfe. Ce furent les «nouveaux penseurs» pour reprendre une étiquette ironique. Leur présence pléthorique faisait curieusement écran aux penseurs proprement dits, souvent discrets et trop rigoureux pour se laisser prendre au jeu de lutte d'audience des chaînes. Depuis beaucoup d'eau a coulé sous les ponts grâce à la lame d'Internet qui semble mettre fin peu à peu à l'hégémonie le petit écran.
Au cours du «printemps arabe» et du mouvement de contestation du 20 février 2011, des voix se sont élevées aussi pour déplorer le silence, voire l'absence des intellectuels. Mais en même temps, grâce aux nouvelles technologies, la prise de parole était devenue tellement générale et simultanée. En quelque sorte tout le monde, grâce à Internet, devient intellectuel pour analyser, donner son avis sur ce qui va et ce qui ne va pas, dénoncer la corruption et le despotisme, pointer du doigt les raisons et origines des maux qui rongent la société comme la pauvreté, la misère, les inégalités, l'opportunisme des élites et des classes aisées etc. Une démocratisation sans précédent dans la prise de parole via les nouvelles technologies et les réseaux sociaux voit le jour. Ni censeur ni modérateur à bord pour brider la liberté de dire.
Dans leur ouvrage «Le Métier d'intellectuel» (éditions En Toutes Lettres, Casablanca) regroupant des entretiens avec quinze penseurs marocains, Fadma Aït Mous et Driss Ksikès rappellent cette situation de quête de l'intellectuel rendue complexe, paradoxale, suite à la révolution technologique au cours des dernières années. L'ouvrage, sans prétendre à l'exhaustivité, permet de redécouvrir quinze intellectuels marocains dans diverses disciplines de sciences humaines littérature, philosophie, histoire, économie, sociologie, anthropologie au travers d'entretiens réalisés au cours de cinq ans. Il d'agit d'intellectuels marocains au parcours riche et original s'exprimant dans des dialogues qui prennent l'allure d'une intéressante histoire des idées du Maroc contemporain vu sous des facettes multiples et différentes. Sont débattus des thèmes autour de l'Islam, du pouvoir politique, la modernité, la tradition, la culture, l'économie, l'histoire, la société. Les penseurs choisis pour ces dialogues sont Mohamed Chafik, Abdellah Laroui, Fatima Mernissi, Halima Ferhat, Rahma Bourquia, Abdelahad Sebti, Abdelfattah Kilito, Mohamed Tozy, Hassan Rachik, Mohamed Ennaji, Abdelhay Moudden, Abdellah Saaf, Abdessalam Benabdelali, Ali Benmakhlouf, Driss Khrouz.
L'accent est mis sur la rigueur d'une pensée ouverte qui a beaucoup plus d'interrogations que de certitudes, qui est inscrite dans l'humain régi par le mouvement et le dépassement continus.
Dans une introduction tout est dit sur la question de l'intellectuel, professionnel de la pensée, sa présence, son absence, les diverses représentations qu'on s'en fait du désuet «penseur berger» au penseur qui fait flèche de tout bois pour «donner aux gens les moyens de penser par eux-mêmes». Aussi l'implication et les attentes du public surtout des jeunes comme ce fut le cas au cours de 2011 : «Or qu'attendent réellement aujourd'hui ces masses hyperconnectées et en colère ? Deux choses : avoir des grilles de lecture des réalités où elles évoluent et une appréciation juste des contextes culturels mouvants et complexes qui les entourent. Bref des repères fiables».
Ce qui est paradoxal c'est qu'en même temps qu'on contestait l'absence de l'intellectuel dont la représentation très manichéiste en faisait soit «un dissident soit un conseiller du Prince», on tenait la posture de l'incrédule et du sceptique irréductible face à l'image traditionnelle de l'intellectuel vite assimilé à une autorité paternaliste dont les jeunes indignés tiennent à se libérer en l'entourant de toutes les suspicions.
Pourtant l'attente de l'intellectuel n'en reste pas moins réelle. Celui-ci peut être reconnu par les jeunes comme une icône comme le cas de Mehdi Manjra du fait qu'il avait vu juste et avait maintenu une attitude morale irréprochable avec une histoire d'opposition et de non compromission sans failles. D'autres intellectuels peuvent être reconnus par les jeunes grâce à leur expérience, leur érudition etc.
Les auteurs de l'ouvrage notent que les intellectuels marocains ont pu évoluer et s'exprimer dans deux champs à savoir l'université et les revues. Pour l'université la désormais célèbre enquête du sociologue Mohamed Cherkaoui parue en 2009 sur 3.600 enseignants universitaires avait révélé entre autre que 55% d'entre eux n'ont jamais produit le moindre texte de leur vie d'enseignants. Pour ce qui concerne les revues, l'enquête de Mohamed Sghir Janjar avait montré que sur une période d'un demi siècle d'indépendance du Maroc soit de 1955 à 2003 pas moins de 379 revues ont été recensées mais avec une très faible longévité ne dépassant pas deux ans et demi. La crise de l'université et celle de l'édition de revues n'ont pas empêché sur le plan qualitatif l'éclosion d'intellectuels d'envergure comme Mohamed Guessous, Abed Jabri, Abdelkebir Khatibi. Peut-être cela revient-il en partie au fait que l'Etat marocain n'a pas touché à l'autonomie des intellectuels en essayant de les intégrer comme ce fut le cas pour le Tunisie se demande-t-on.
Les auteurs du livre peuvent conclure sur leur propre attente vis-à-vis des intellectuels interviewés :
«Le dialogue avec nos interlocuteurs nous a permis de découvrir comment des travaux aussi différents du point de vue disciplinaire (histoire, sociologie, économie, anthropologie, sciences politiques) peuvent rendre le réel intelligible »
Autrement dit approcher la «diversité culturelle» (Mohamed Chafik) « la rationalité et le rapport à l'histoire» (Abdallah Laroui), «la place du savoir historique dans la cité» (Halima Ferhat) « les origines du clientélisme» (Abdelahad Sebti) « la servitude et de l'autoritarisme» (Mohamed Ennaji) «le faible ancrage des sciences sociales» (Mohamed Tozy et Rahma Bourquia)...»
On lit avec plaisir certains textes de dialogues pour leur vivacité comme celui de Halima Ferhat, Mohamed Chafik ou Fatima Mernissi, leur profondeur d'analyse comme Abdallah Laroui, Abdelhay Mouden, pour leur grande finesse comme Ali Benmakhlouf etc. L'ensemble ne dévie pas d'une facture humaniste propre à répondre au souhait le plus cher de nos intellectuels : donner au lecteur la possibilité de penser par soi-même.
«Le métier d'intellectuel, dialogue avec quinze penseurs du Maroc» par Fadma Aït Mous et Driss Ksikès, éditions En Toutes Lettres, Casablanca.


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