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« Nos villes ont besoin de managers-stratèges capables de les transformer en îlots de prospérité » Gouvernance financière des villes: L'impératif du management par la performance
Financement de la ville, élément crucial de la gouvernance métropolitaine
Au fur et à mesures que les villes s'agrandissent et s'étalent du fait de la croissance démographique et des migrations des populations, leurs problèmes se complexifient et s'accroissent ajoutant aux déficits de toutes sortes, dont en premier lieu ceux d'offre d'emplois, de moyens de subsistance et de revenus, les phénomènes d'exclusion sociales et urbaines se manifestant par les bidonvilles et la précarité. Apparaissent dès lors les problématiques de financement et de gouvernance qui grèvent le potentiel des villes à créer des richesses, aggravent la dégradation de leurs équipements et services. Le sujet du financement des villes n'est pas nouveau, mais se pose, aujourd'hui, à l'heure de la régionalisation, avec acuité. Dans son rapport introductif au « Colloque International sur les Finances Publiques, tenu à Rabat, le 11 septembre 2015, sous le thème : « La gouvernance financière des villes au Maroc et en France », M. Noureddine Bensouda, Trésorier Général du Royaume, précise que lles villes se livrent à une concurrence acharnée entre elles pour attirer le plus d'investissements, de cadres innovateurs et bénéficier du maximum de transferts de technologies et de savoir-faire. Cependant, cette concurrence ne se limite pas aux « infrastructures, mais aussi en exploitant des atouts immatériels tels que la connaissance, les hommes et les femmes, la qualité de vie et le leadership ». Dans ce contexte et eu égard à l'expansion de l'urbanisation, « les besoins en investissements nouveaux qu'implique l'accueil des urbains supplémentaires vont s'ajouter aux montants nécessaires pour rattraper les déficits accumulés dans la plupart des villes en matière d'infrastructures, d'équipements et de services essentiels ». Pour faire face à tous ces besoins, les villes bénéficient en plus de leurs budgets propres, de l'apport des budgets des autres composantes du secteur public en l'occurrence, l'Etat et les établissements et entreprises publics à compétence nationale ou locale. Pour une analyse globale de la gouvernance financière des villes, il est nécessaire de disposer d'une vision consolidée de toutes les recettes et les dépenses destinées à la production de biens et services publics urbains par l'ensemble des entités du secteur public. Il ressort de cette approche de consolidation que la gouvernance financière des villes dépend fortement de la situation des finances de l'Etat, compte tenu des transferts financiers. Dès lors, la gouvernance financière des villes impose une coordination entre les différents acteurs : ministères, collectivités, établissements et entreprises publics qui doivent prendre en considération les objectifs, les réalisations et les contraintes de chacun d'eux. Les gestionnaires de l'espace urbain doivent dépasser les problèmes sectoriels, pour tenir compte de l'interdépendance de tous les aspects de la vie quotidienne de la population citadine. Par conséquent, pour réussir une bonne politique de la ville, un chef d'orchestre doit assurer la mise en cohérence au niveau local des politiques publiques en recherchant la performance. Les gestionnaires enclins à réduire les prestations rendues aux citoyens Le financement de la ville est considéré comme « un élément crucial dans la problématique de la gouvernance métropolitaine. En effet, l'étalement urbain, la dispersion spatiale, la concentration des lieux d'emploi et les déplacements pendulaires des résidents d'une région posent souvent le problème du financement des services et des infrastructures ». Face à l'insuffisance des moyens de financement, les gestionnaires de la ville sont souvent enclins à réduire d'autant les prestations rendues aux citoyens. Globalement, les ressources financières dont disposent les gestionnaires des villes pour satisfaire les besoins des citoyens sont constituées des ressources propres ou locales, des recettes d'emprunt, des recettes de la privatisation locale (constituée de cessions d'actifs, de contrats de partenariat public-privé ou de concessions de services publics), des concours financiers de l'Etat par le biais des différents ministères ainsi que par les établissements et entreprises publics. L'appréciation du financement des villes à travers les seuls budgets locaux, ou uniquement par le biais des dépenses réalisées au niveau local par les ministères ou encore par les seuls établissements et entreprises publics ne peut être que partielle. Elle ne peut refléter la réalité et l'importance des ressources financières mobilisées par les différentes entités du secteur public pour garantir la disponibilité et la pérennité des services publics au niveau des villes. Seule une situation consolidée des recettes et des dépenses de la ville permet de connaître le rôle joué par chacun des principaux acteurs publics, à savoir l'Etat, les établissements et entreprises publics et les collectivités territoriales. La consolidation, qui a d'ailleurs fait ses preuves au niveau de l'entreprise privée en tant qu'instrument de gestion rénovée, comporte une dimension décisionnelle liée à la convergence entre les différents acteurs du secteur public intervenant au niveau de la ville. Le développement urbain engendre une augmentation des besoins en investissements pour faire face aux demandes d'une population urbaine de plus en plus exigeante. Cependant, il se trouve limité par les contraintes budgétaires. Aussi est-il devenu impératif de revoir en profondeur la gouvernance financière des villes et les modalités de mobilisation de tout leur potentiel en ressources. La gestion des affaires urbaines doit à ce titre, s'appuyer sur les méthodes de management qui ont fait leur preuve au niveau de l'entreprise privée. La gouvernance des centres urbains doit passer d'une simple logique de gestion physique et administrative, à une gestion stratégique fondée sur une vision globale et concertée de la ville. Car nos villes ont davantage besoin aujourd'hui « de managers-stratèges, compétents et qualifiés, capables de transformer nos villes en îlots de prospérité, de savoir-faire et d'innovation ». La gouvernance financière des espaces urbains ne doit donc plus être appréhendée de manière isolée des autres déterminants de l'urbanisation ayant un impact sur les finances de la ville, en termes de programmation budgétaire, de degré de mobilisation des ressources, d'efficacité et d'efficience de leur utilisation, d'autant plus que « toute politique publique ne peut réussir que si elle s'appuie sur un mécanisme de financement clair et pérenne ». A ce titre, l'OCDE préconise douze principes pouvant servir de références aux systèmes de gouvernance des territoires urbains au XXIe siècle, à savoir: 1- la cohérence : le mode de gouvernance doit être compris des citoyens, car un système qui repose sur une multitude d'accords, des formules complexes et des compromis est inefficace. Ce que l'on reproche souvent aux gestionnaires de la ville, c'est que personne ne comprend qui fait quoi. 2- la compétitivité : il s'agit d'investir dans les infrastructures et dans le capital immatériel pour attirer les investisseurs, plutôt que de compter seulement sur la baisse des impôts pour atteindre cet objectif. En effet, « les politiques fiscales visant à attirer les investissements ont de grandes chances d'être onéreuses en termes de coût d'opportunité »22. 3- la coordination : face à la multiplicité des intervenants dans la ville, la priorité doit être donnée à la coordination entre les différents acteurs. 4- l'équité : garantir un degré d'équité et d'égalité des chances entre les communes de la ville et entre ses différents groupes sociaux. 5- la probité budgétaire : les ressources de la ville doivent être gérées de manière intègre et transparente. 6- la flexibilité : les institutions doivent s'adapter aux changements, tels que la croissance urbaine et la conjoncture économique. 7- l'holisme : chaque élément de la ville a une incidence sur les autres, et par conséquent, la planification de la ville doit prendre en compte tous les aspects du système urbain. 8- la particularité : les politiques et les institutions locales doivent s'adapter à la spécificité des diverses parties de la ville. 9- la participation : le mode de gouvernance doit prendre en compte la participation des citoyens, des entreprises, des partenaires sociaux et des administrations locales, pour instaurer un climat décisionnel interactif, propre à rapprocher l'autorité publique des citoyens. 10- la démarche sociale et non sectorielle : la gouvernance de la ville doit répondre aux besoins de la population grâce à une démarche intersectorielle, au lieu d'une logique fondée sur une division en secteurs qui tend à perpétuer une approche bureaucratique et fonctionnaliste. 11- la subsidiarité : la prestation des services doit être assurée par le niveau territorial le plus bas mais qui est le plus apte à les assurer avec une efficacité raisonnable, afin d'éviter les doublons et les interférences. 12- la durabilité : la politique de la ville doit concilier les objectifs économiques, sociaux et environnementaux. La politique de la ville doit enfin s'accompagner d'un système d'évaluation et de reddition des comptes, car « l'évaluation d'une politique publique [...] a pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés ». Pour ce qui est plus particulièrement du Maroc, une bonne gouvernance financière des villes exige la mise en place d'une stratégie globale et cohérente.