À l'heure où le Royaume fait de l'investissement productif un pilier central de son modèle économique, une campagne nationale de sensibilisation et d'accompagnement à destination des Marocains du Monde (MDM) est lancée du 11 au 15 août. Cette opération, déployée à travers les douze Centres régionaux d'investissement (CRI), traduit une vision d'ensemble : renforcer l'ancrage de la diaspora dans la stratégie de souveraineté économique du pays. S'il est encore courant de considérer les transferts financiers des Marocains du Monde à l'aune de leur seul impact monétaire — avec plus de 114 milliards de dirhams de transferts enregistrés en 2023, selon Bank Al-Maghrib —, l'initiative portée par le ministère de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des Politiques Publiques (MICEPP) élargit la focale. Elle entend repositionner les MDM non seulement comme contributeurs financiers, mais comme acteurs économiques de premier plan, porteurs de projets structurants et vecteurs de savoir-faire internationalisés. L'organisation de ces journées d'appui à l'investissement dans les douze CRI, du 11 au 15 août, en marge de l'opération Marhaba 2025, intervient dans un contexte d'intensification des politiques d'attractivité territoriale. Il ne s'agit plus simplement de capter l'épargne de la diaspora, mais de structurer des relais d'influence économique durable, en particulier dans les secteurs à haute valeur ajoutée, en cohérence avec la nouvelle Charte de l'investissement. Entrée en vigueur début 2023, la nouvelle Charte de l'investissement offre un éventail d'incitations fiscales et financières, avec pour objectif affiché de porter le taux d'investissement privé à deux tiers du total national à l'horizon 2035, contre seulement un tiers actuellement. À cette fin, l'Etat prévoit de mobiliser près de 550 milliards de dirhams d'investissements cumulés sur dix ans, selon les prévisions du MICEPP. Lire aussi : Capital-Investissement : Quel Impact sur les entreprises investies ? Les Marocains résidant à l'étranger représentent un vivier sous-exploité dans cette dynamique. Or, selon le Haut-Commissariat au Plan, plus de 5 millions de Marocains vivent hors du Royaume, dont une part significative dispose de capitaux et de compétences transférables. L'objectif de cette opération nationale est donc clair : transformer l'attachement symbolique au pays d'origine en engagements économiques tangibles. Dans cette perspective, les CRI ne se contenteront pas de fournir de l'information : ils proposeront des rencontres personnalisées, des sessions interactives et un accès direct aux banques de projets territorialisés, avec une cartographie précise des opportunités par province et par secteur. Un maillage territorial renforcé et une logique de souveraineté économique L'approche régionale retenue témoigne d'un tournant stratégique dans la manière dont l'investissement est conçu au Maroc. La centralité des CRI dans le dispositif reflète une volonté de désenclaver les territoires et d'en faire les nouveaux moteurs de croissance, à rebours d'un modèle historiquement polarisé par les grands pôles urbains. Cette orientation répond aux Hautes Instructions Royales prononcées à plusieurs reprises, notamment lors des discours de la Fête du Trône, qui appellent à mettre fin à un "Maroc à deux vitesses" et à corriger les déséquilibres territoriaux. À travers l'implication des MDM, cette stratégie entend aussi renforcer la résilience économique du pays, dans un contexte international marqué par l'instabilité des chaînes de valeur et la reconfiguration des alliances productives. La mobilisation de la diaspora dans l'investissement ne peut être dissociée de la politique étrangère marocaine, dans laquelle le soft power économique occupe une place croissante. L'intégration des MDM dans les chaînes de production nationales, notamment dans les secteurs industriels, agricoles, touristiques ou digitaux, renforce la compétitivité globale du Maroc dans les zones d'influence qu'il cherche à consolider : Afrique de l'Ouest, Méditerranée, Europe. Vers une "stratégie diasporique" structurée Nombreux sont les Marocains du Monde à disposer de réseaux d'affaires bien établis dans des pays cibles du Plan d'accélération industrielle ou de la stratégie Génération Green. Leur mobilisation est donc aussi un outil de rayonnement économique du Maroc à l'international, à un moment où le Royaume renforce ses alliances bilatérales avec des puissances émergentes et accélère son intégration dans les chaînes globales de valeur. L'opération lancée en août 2025 pourrait préfigurer une politique nationale de mobilisation de la diaspora à vocation économique, avec des dispositifs permanents d'accompagnement, de financement et de formation. À terme, cela supposerait de structurer un cadre institutionnel plus robuste, intégrant les MDM dans les Conseils régionaux, les agences de développement et les chambres professionnelles. Le Maroc ne fait ici que rejoindre une tendance internationale. Des pays comme l'Inde, la Chine ou encore le Vietnam ont déjà fait de leur diaspora un pilier de leur stratégie de développement. Reste désormais à transformer cette fenêtre d'opportunité estivale en levier stratégique pérenne, inscrit dans les priorités macroéconomiques du Royaume.