Vol d'armes à la caserne militaire de Taza Il s'appelle Youssef Amani, du haut de ses 22 printemps, le soldat serait au cur d'une affaire de vols d'armes sur fond d'islamisme radical. L'affaire a démarré le mercredi, premier jour de l'an. L'interrogatoire du soldat a levé le voile sur des complicités au sein de la caserne, une dizaine de militaires seraient impliqués dans l'organisation de ce vol. Ce jour-là, un contrôle de routine à la caserne militaire de Taza faisait état de la disparition de sept kalachnikov et de 15 boîtes de cartouches. L'alerte donnée, la gendarmerie, qui a placé des barrages sur tous les points d'accès de la région a réussi à arrêter le jeune soldat le lendemain du vol chez lui, à Meknès, et par la même occasion a mis la main sur le lot de sept pistolets-mitrailleurs. L'interrogatoire du soldat a levé le voile sur des complicités au sein de la caserne, une dizaine de militaires seraient impliqués dans l'organisation de ce vol. Pour ce qui est des véritables commanditaires de l'opération, selon les premières déclarations du militaire arrêté, ces armes étaient destinées à être vendues à un repris de justice, recherché pour meurtre, qui projetait le braquage d'une banque. Mais les arrestations opérées dans le cadre de l'enquête montrent bien que la police soupçonne les milieux extrémistes islamistes. L'arrestation de Abdelwahab Rabiï et de trois autres activistes islamistes le dimanche dernier à Meknès a mis les enquêteurs sur la piste islamiste. Selon les dires du soldat incarcéré, qui lui-même flirtait avec la mouvance islamiste d'après les enquêteurs, Rabiï devait récupérer les armes dans un premier temps et les cacher avant de les acheminer vers Casablanca. Mouvance Alors qu'à ce stade de l'enquête, menée parallèlement par la DST et les services spéciaux de l'armée, on ne sait pas vraiment si les motivations de la bande relèvent vraiment de l'activisme extrémiste ou du simple banditisme, il est clair que la piste terroriste n'est pas à écarter. D'autant plus que l'expérience algérienne a clairement montré que les groupes extrémistes sont souvent impliqués dans des affaires de droit commun: trafic de drogue ou d'armes. Il est très difficile de séparer l'activité criminelle de l'engagement au sein de ces groupuscules. On se rappelle aussi que l'attentat de l'hôtel Asni de Marrakech en 1994 garde toujours son mystère. A Marrakech, le 24 août 1994, deux hommes armés cagoulés avaient tiré des coups de feu en l'air avant de prendre pour cible un petit groupe de touristes présent dans le hall de l'hôtel Atlas-Asni. Deux Espagnols avaient été tués et une Française grièvement blessée. Le commando, composé de Stéphane Aït Idir, Redouane Hammadi, Tarek Felah, trois beurs de la cité des 4000 à La Courneuve avait été arrêté. Avant d'être appréhendés, les terroristes avaient un programme bien chargé, ils devaient perpétrer au moins quatre actes terroristes au Maroc. A Marrakech, puis à Casablanca, Tanger et Fès. Chaque commando avait une mission bien précise, à Tanger, un groupe de terroristes devait se rendre sur la plage et tirer sur la foule des baigneurs. À Casablanca, deux Marocains, Mohamed Azil et Abderrazak Mountassir, aujourd'hui détenus en France, et un Algérien, Hamel Merzoug, condamné à mort à la prison de Kenitra, devaient s'attaquer à une synagogue. Et sur Fès, Abderrahmane Boujedli avait pour mission, avec deux de ses complices d'assassiner un agent de police. Implication On avait découvert par la suite que le groupe d'Asni avait subi un entraînement intensif dans les camps de la Qaïda en Afghanistan. C'est Rachid, un Marocain né en 1958, de son vrai nom Abdelilah Ziyad, qui avait recruté les jeunes beurs à la Courneuve, avant de les embarquer en Afghanistan via Peshawar. C'est dans les mosquées de banlieue que des "rabatteurs" cherchent à recruter des militants prêts à l'action armée. Plus récemment, le quotidien belge Le Soir, citant une source arabe «digne de foi» rapportait que l'activiste islamiste se trouverait en Belgique. Ziyad fréquenterait «plusieurs personnes originaires du Maghreb et ne dissimulerait pas son implication» dans l'action terroriste qui coûta la vie à deux touristes espagnols. Le journal faisait remarquer que «personne ne voulait croire qu'à l'époque, le royaume du Maroc pouvait héberger un quelconque réseau islamiste». Le quotidien belge a souligné que ce n'est que plusieurs années plus tard que des «indices concrets confirmeront l'enracinement de l'islamisme au Maroc, avec base arrière en Europe de l'Ouest». Commentant cette affaire, les analystes, qui tentent de faire porter le chapeau au mouvement du Cheikh Yassine, n'hésitant pas à mettre dans le même sac les islamistes du PJD, ont opté pour la facilité parce qu'un ennemi identifié vaut mieux qu'une nébuleuse de groupuscules sans visage. Abdessalam Yassine est peut-être particulièrement vieux, mais il n'est pas complètement sénile. Le personnage a choisi depuis longtemps de bannir la violence de son programme politique, ayant bien retenu la leçon algérienne. Ce n'est pas aujourd'hui, face à la répression tous azimuts que connaissent les mouvements islamistes partout dans le monde que le vieux routier de l'islamisme va se fourvoyer dans cette voie. Al Adl Wal Ihsane attendra que «le fruit soit assez pourri pour le cueillir», comme se plait à le répéter sa fille Nadia. Quant aux islamistes du PJD, ils sont trop occupés à gérer leur future victoire aux communales pour se fourvoyer dans une voie aux destinées incertaines. Mission Le journal algérien La nouvelle république résume bien cette attitude et rapporte dans son édition du mercredi dernier que «les islamistes, peut-être plus que les autres, sont si passionnés par ce retour sur la scène politique, et sans doute aussi frustrés de voir leurs "frères" triompher aux élections dans nombre de pays, notamment en Turquie, où, cette fois, le raz-de-marée réalisé par un parti modéré n'avait pas soulevé le veto de l'armée, et aussi au Maroc avec l'expérience entamée par un autre mouvement modéré, qui a révélé la puissance du courant fondamentaliste dans ce pays voisin». «Salafia Jihadia, Takfir Wal Hijra, Ahl Sunna, At-Tabligh », les appellations foisonnent, certaines expriment une réalité palpable, d'autres une pure invention pour mettre une identité derrière une nébuleuse sans nom. Mais au-delà de ces titres, l'islamisme radical est, aujourd'hui plus que jamais, disposé à rejoindre le maquis. Pour l'instant, ce radicalisme coïncide avec une période caractérisée par la difficulté à lire l'avenir, mais l'approche sécuritaire préconisée par les Américains et adoptée par le Maroc, à l'instar de nombreux pays arabes, a décrété la naissance certaine du terrorisme.