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14,15 et 16 décembre 1990, un mot d'ordre de grève générale est lancé, émeutes populaires, avec un "pic" à Fès, l'armée tire dans le tas. 25 ans après, identification et épitaphes sur les tombes.
Une révolte exhumée Des familles des victimes des années de plomb. L'instance Equité et Réconciliation, (IER), n'est pas au bout de ses peine. Elle fait un travail de fouille archéologique dans la mémoire douloureuse des années de plomb. Chaque découverte macabre des victimes d'une répression aveugle est comme un couteau que l'on remue dans la plaie. Si c'est une vivisection que la collectivité s'inflige consciemment pour exorciser à jamais ce genre d'événements dramatiques, c'est de bonne thérapie. C'est précisément le rôle et la raison d'être de l'IER. Le dernier acte en date de cet organisme a été d'identifier et de rendre publics les lieux d'enterrement de citoyens tombés sous les balles de différents corps para-militaires ou militaires, lors des émeutes de Fès et de sa région, en décembre 1990. Cent six tombes ont ainsi reçu des épitaphes de miséricorde pour leurs âmes et en leurs mémoires ; dont sept non identifiables. C'est Abdelaziz Bennani ex-président de l'OMDH (Organisation marocaine des droits de l'homme) et chargé d'investigation au sein de l'IER, qui a supervisé cette cérémonie funèbre entre les cimetières de Bab El Gissa et de Boubker Ben Larbi, à Fès le mardi 29 novembre 2005. Quinze années se sont écoulées, il est bon de rappeler l'origine de ces événements et pourquoi Fès en particulier. Il s'agissait d'un mot d'ordre de grève générale lancé par la CDT (Confédération démocratique du travail) qui a réussi à rallier à son appel l'UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc), mais pas l'UMT (Union marocaine du travail). La date fixée pour cet arrêt national de travail, était le vendredi 14 décembre 1990. Pourquoi cette grève ? En 1990, nous sommes toujours dans "les années de plomb". L'amnistie générale pour les détenus et les exilés d'opinion n'arrivera qu'une année plus tard. En attendant, la crispation entre pouvoir central et opposition est toujours de mise. Entre la vie chère, la collusion patronat-autorités publiques locales et le musellement des libertés publiques, il n'y avait que l'embarras du choix pour faire grève ou même proclamer une dissidence politique plus ou moins avouée. Encore fallait-il ne pas basculer dans la confusion entre la vocation des syndicats et celle des partis. Or, en 1990, la CDT, sous la houlette d'un Noubir Amaoui quelque peu impulsif, se voulait toujours "le bras séculier" de toutes les oppositions politiques ; souvent contre l'avis du bureau politique de l'USFP, dont il était membre. Le même cas de figure est encore plus adaptable pour les grèves générales du 20 juin 1981 et du 11 janvier 1984, pour lesquels il y aurait d'autres tombes à localiser. De même que pour les émeutes du 23 mars 1965, sans Amaoui cette fois-ci ; enfin, pas encore. À chacune de ces manifestations de foule, sous les généraux Oufkir et Dlimi, puis sous Driss Basri, ordre a été donné de tirer dans le tas, avec artillerie lourde et troupes héliportées. Des dizaines de morts et des centaines de blessés. Pourquoi Fès en 1990 ? Tout simplement parce qu'à chacun de ces ras-le-bol populaire, il y avait un "pic" de confrontation quelque part. À Casablanca en 1965 et 1981, à Marrakech et Tétouan en 1984 et à Fès en 1990. Le Premier ministre de l'époque, Azeddine Laraki, avait annoncé, au Parlement, la constitution d'une commission d'enquête, confiée à feu Maâti Bouabid. Quant au wali de la région, Moulay Alaoui Lamrani, il a été, quelque temps après, limogé. C'était la dernière révolte du genre. Une lente décrispation se dessinait, sans être amorcée. Elle mettra du temps.