Aziz Akhannouch Histoire d'une réussite Au commencement était évidemment le père fondateur, l'amghar, ou la version tachelhit du patriarche. Haj Ahmed Akhannouch, Ahmed Oulhaj pour les intimes. Un homme de peu, un homme de bien, un homme de caractère et de conviction. Lorsqu'on voit le jour à Tafraout, au début du siècle dernier, on connaît la valeur des choses, parce que rien n'arrive sans effort. On est comme pris en tenaille entre un sol ingrat auquel il faut arracher son pain quotidien, et un Soleil écrasant qui vous nargue à longueur de journée. Tout invite à quitter ce Sud où rien ne pousse hormis des hommes, aussi ascètes que stoïques. Agadir comme étape, Casablanca comme point de chute. C'est en 1932 que Ahmed Oulhaj débarque dans cette future mégapole, d'ores et déjà une ville folle où tout est possible. Il y ouvre sa première épicerie. Dix ans après, il en possède sept. Un réseau dans le contexte d'antan. Du commerce de détail, il passe à la pêche puis à l'exploitation du marbre. Le lancement semble consommé et irréversible. Pas vraiment. Ahmed Oulhaj est nationaliste de la première heure. Son engagement lui vaut cinq années d'incarcération et la ruine. Mais on ne casse pas une détermination aussi inflexible d'un Ahmed Oulhaj, qui se relève, repart de plus belle et se permet même de changer de secteur d'activité. Il se reconvertit dans le pétrole en créant la première société totalement marocaine de distribution. Après les produits pétroliers, le gaz butane tombe dans son escarcelle. Afriquia prend de l'ampleur et Haj Ahmed Akhannouch de l'envergure. Il donne libre cours à son sens d'initiative et à son goût du risque. Des traits de caractère dont héritera son fils et successeur dans la gestion des entreprises familiales. Aziz Akhannouch aura été à bonne école. En haut: Aziz Akhannouch avec SM Mohammed VI. En bas: Haj Ahmed et Hassan II. Il en fournira la preuve en assumant un passage du témoin entre deux générations, deux environnements, presque deux mondes. Tout en sauvegardant l'esprit et le fond comportemental qui ont fait le capital et non l'inverse. Natif de Tafraout en 1961, Aziz Akhannouch y fait ses études primaires et secondaires, avant de partir pour le Canada, où il décroche un Master in Business Administration (MBA) à l'université de Sherbrooke, au Québec, en 1986. Pour donner de la consistance pratique à son diplôme, le jeune lauréat fera un stage à ELF, grande société pétrolière française. Dès son retour au pays, Aziz Akhannouch intègre la société Afriquia à titre de directeur général adjoint. Il y fourbit ses armes de jeune gestionnaire avide d'innovations et de performances. Après une période de latence sous l'il, quelque peu fatigué mais toujours attentif, de son père, il met en application un plan de restructuration articulé autour de quatre pôles d'hydrocarbures: le carburant, les lubrifiants, les fluides et le gaz. Le vieux pionnier, Haj Ahmed Akhannouch, rend son dernier souffle en 1995. Comme de coutume, c'est le fils aîné qui prend en charge les affaires de la famille. Il a été longuement préparé pour cela. Commence alors une nouvelle ère et une nouvelle vision en termes de domaines d'intervention et de dimensionnement des entreprises familiales. Progressivement, Aziz Akhannouch investira des secteurs qu'il juge indispensables au rayonnement et à la diversification de ses activités entrepreneuriales. Il s'agit en gros des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Une volonté qu'il concrétise, dès 1999, par le rachat du groupe de presse Caractères qui édite, entre autres, La Vie économique. En 1999, il élargit ses pérégrinations hors hydrocarbures par une incursion dans les télécommunications, en prenant 10,5% du capital de Méditel, propriétaire, à coup de milliards de dirhams, de la deuxième licence de téléphonie mobile. Actionnaire à part entière, Aziz Akhannouch précise que son groupe ne se contente pas de gérer des participations, mais s'occupe de la distribution des produits GSM pour le compte de ce deuxième opérateur. Grâce à ses deux sociétés spécialisées, il est même devenu leader dans ce segment. Mieux, pour donner de la cohérence à la maîtrise acquise de ce nouveau métier, Aziz Akhannouch a créé un pôle intégré sous l'appellation TMT (Telecoms, médias et technologie). Toujours en 1999, Aziz Akhannouch introduit en bourse deux de ses sociétés, Afriquia et Maroc Oxygène. Chemin faisant, le groupe a changé de nom. Il s'appelle Akwa, "plus fort" en traduction littérale de l'arabe. Sauf que l'étymologie n'explique pas tout. Ce mot a une histoire qui se confond avec celle du groupe. Il est le condensé des patronymes de deux associés d'il y a 47 ans, Haj Ahmed Akhannouch et Haj Ahmed Wakrim. L'adoption de ce vocable composite prouve que l'association tient toujours. Aujourd'hui, Akwa gère un portefeuille d'une quarantaine de sociétés. La grande opération réalisée par Aziz Akhannouch reste, cependant, sa fusion avec le groupe Oismine, de Mustapha Amhal, qui a permis au groupe Akwa d'être le leader national dans le gaz et le carburant, avec 3.400 employés, 300 camions-citernes et un chiffre d'affaires, à fin 2005, de 15 milliards de dirhams. Sous la houlette de Aziz Akhannouch, un empire est né. Son patron a su le moderniser et le diversifier en s'entourant de cadres nationaux compétents et complètement dévoués à l'entreprise. Avec son allure joviale, son sourire avenant et sa grande capacité d'écoute, la nonchalance apparente de Aziz Akhannouch est trompeuse. Elle n'a d'égal et de réel que sa rigueur sans faille en affaires et dans le travail. Aziz Akhannouch n'appartient à aucun parti politique. C'est tout au plus s'il a succombé aux sirènes de la responsabilité régionale. En octobre 2003, il a, en effet, été élu à la présidence du Conseil de la région de Souss-Massa-Drâa. En tant que SAP (Sans appartenance politique). Une tâche qui lui tient à cur et qu'il assume avec un succès indéniable.