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Les khettaras, disparition d'un symbole
Publié dans Yabiladi le 06 - 06 - 2022

Aux environs de Jorf, un grand nombre de khettaras sont abandonnées, à cause de la succession des années de sécheresse et de la cherté des coûts d'entretien. Elles subissent de plein fouet les aléas du climat et l'intensification du pompage solaire.
En amont de Jorf, un grand ksar situé sur les rives d'Oued Ghriss, au milieu d'une gigantesque oasis à une trentaine de kilomètres à l'ouest d'Erfoud, plusieurs alignements de galeries souterraines longent le bitume, visibles à l'œil nu sur plusieurs kilomètres. Connues sous le nom des khettaras de Fezna, nom d'un ksar limitrophe, les habitants des ksour environnants savent les distinguer par des noms que leurs ancêtres ont choisi de leur attribuer en fonction de paramètres tels que la longueur, comme Lkbira (la grande) ou Lgdima (l'ancienne) desservant Ksar Hannabou, entre Erfoud et Jorf. Celle qui attire le plus de touristes, car asséchée et ayant perdu la vocation originale d'irrigation, s'appelle El-Achouria, du nom d'un ksar de Jorf également.
En ce mercredi 18 mai 2022, l'espace autour des oasis au milieu desquelles les ksour sont bâtis arbore les signes d'une sécheresse accablante et une saison estivale qui commence très tôt ici. Au milieu des oasis, l'agriculture vivrière, essentiellement la luzerne, le blé et quelques arbres fruitiers et légumes, tente de s'accrocher, profitant de l'eau souterraine drainée par quelques khettaras antiques qui résistent au temps.
Selon une étude réalisée par Mohamed Ourahou, actuellement Chef de service de l'équipement rural à l'Office régional de mise en valeur agricole de Drâa-Tafilalet (ORMVA-DT), il y avait, en 2012, un nombre total de 570 khettaras à Tafilalet, ce qui équivaut à 2 900 kilomètres, dont 250 étaient opérationnelles en cette année-là. Dans les bassins de Ghriss et de Ziz, elles étaient également en 2012, au nombre de 208, dont seulement 118 sont opérationnelles et profitent à 4 800 agriculteurs.
Tenant en compte la poursuite des années de sécheresse, le nombre des khettaras survivantes a, sans aucun doute, diminué depuis 2012. A lui seul, Ksar Monkara de Jorf a perdu toutes ses sept khettaras, contraignant les paysans à travailler dans le bâtiment, comme nous l'ont rapporté les habitants. En contrepartie, ce nombre ne peut évidemment pas augmenter, car on n'en construit plus depuis belle lurette. Cela étant dit, nous avons essayé d'obtenir le nombre exact de khettaras opérationnelles actuellement auprès de M. Ourahou aux locaux de l'ORMVA-DT, mais sans succès.
De toutes les manières, les chiffres officiels indiquent que les khettaras situées sur le bassin de Ghriss profitaient d'une réserve de la nappe de Ghriss, estimée à 300 millions de m3 (Mm3), avant que la succession des années de sécheresse ne vienne à faire baisser ce niveau drastiquement. Actuellement, cette réserve varie entre 20 et 50 Mm3 seulement. On peut facilement imaginer l'ampleur de la dégradation des eaux souterraines.
Une sécheresse dévastatrice
Cela fait plusieurs décennies que les khettaras de Fezna n'accomplissent plus le rôle d'acheminer, depuis le pied de l'Anti-Atlas oriental, les eaux de la nappe jusqu'aux champs dans les oasis. Pour savoir pourquoi El-Achouria a séché, il ne faut pas chercher très loin. «Ce tarissement s'explique par la succession des années de sécheresse qui ont entrainé une baisse notable de la piézométrie de la nappe», explique Mohamed Ourahou dans la même étude, intitulée «Etude d'aménagement des khettaras dans la zone de Fezna-Jorf-Hannabou». En termes moins ésotériques, les nappes sont devenues de plus en plus profondes, donc inaccessibles aux galeries souterraines des khettaras. En effet, aux années 80 du siècle dernier, le niveau de profondeur de la nappe est passé d'environ 4 mètres, dans certains ksour, à entre 7 et 22 mètres de profondeur il y a une dizaine d'années. Avec l'intensification du pompage, le niveau de piézométrie a plus que doublé.
Toutes les études scientifiques parlent essentiellement de cet assèchement des nappes, comme première raison de la lente disparition de ce système d'irrigation. Les ksour qui en bénéficiaient ont perdu une source considérable d'eau d'irrigation, et ne leur reste que celle provenant des petits ouvrages de dérivation des crues d'Oued Ghriss, le seul au Maroc sur lequel aucun barrage n'a été construit pour le moment, laissant en déperdition environ 120 millions de m3 par an, selon les scénarios les plus optimistes. Pour ce qui est du barrage Hassan Addakhil sur Oued Ziz, d'une capacité de retenue de plus de 310 millions de m3, avec un taux de remplissage actuel de 20% seulement, cette zone n'a jamais bénéficié de ses lâchers.
Plusieurs éléments incriminés
Depuis le lancement du Plan Maroc Vert (PMV) en 2008, une autre misère s'est ajoutée aux lots de calamités citées. Les fermes modernes encerclant les oasis se sont multipliées et leurs moteurs de pompage solaire drainent au-delà du niveau de recharge de la nappe. Cela crée un déséquilibre avec les champs encore irrigués grâce aux khettaras, comme ceux des ksour Hannabou, Lkrayer ou Nouya.
L'impact sur le débit apporté par les khettaras de ces trois ksour se répercute sur la Ferdia, part d'un propriétaire et unité attribuée selon le système de distribution d'eau, appelé localement Nouba. Si la Ferdia se mesure en nombre d'heures - douze précisément - et non évidemment en m3, la surface qu'elle pouvait jadis irriguer a baissé drastiquement. En tout cas, chaque propriétaire doit attendre son tour, en fonction du nombre de Noubas dans chaque khettara.
Autre raison du déclin, le volume de travail, surtout d'entretien et de curage, requis pour le bon fonctionnement des galeries souterraines demeure excessif à une époque où la rémunération a remplacé Touiza, les travaux collectifs. Cet élément, ajouté au rendement moyen dû aux grandes pertes occasionnées au débit, à la disparition du savoir-faire des maitres, sachant franchir les nappes et construire une galerie longue de plusieurs dizaines de kilomètres selon une pente régulière, rend incertain l'avenir des khettaras.
L'apparition d'un nouveau profil d'agriculteurs, ayant accompagné le Plan Maroc Vert, n'arrange pas les choses. Si les khettaras produisaient la majeure partie de l'eau souterraine à Tafilalet, l'intensification du pompage a sûrement changé la donne.
Une technique ancienne mais très sophistiquée
Profitant d'une inclinaison dans le niveau du sol et d'une technique de drainage, ancienne mais écologique, les khettaras produisent un écoulement gravitaire en fonction de la recharge de la nappe et en complémentarité avec les techniques traditionnelles d'irrigation utilisant les séguias et les messrefs, petits et grands canaux d'eau. Ce système d'irrigation, qui aurait vu le jour en Perse il y a 3 millénaires, et qui a été introduit au Maroc durant le règne des Almoravides (XIe siècle), a subi les aléas qui ont anéanti et anéantissent encore l'écosystème oasien depuis la fin du siècle dernier. Les khettaras de la région de Tafilalet sont pour autant moins anciennes, celles de Hannabou et de Ksar Sifa datant, respectivement, des XVIIe et XVIIIe siècles.
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