Des milliers de Palestiniens ont profité de l'accalmie dans les affrontements entre l'armée libanaise et des miliciens islamistes pour fuir le camp de réfugiés de Nahr al Bared, dans le nord du Liban. Une longue file de voitures s'est formée sur la principale route permettant de sortir du camp, soumis depuis dimanche à un pilonnage systématique de l'armée libanaise souhaitant déloger les activistes du Fatah al Islam. Ces affrontements à Nahr al Bared et dans la ville voisine de Tripoli, les pires depuis la guerre civile de 1975-1990, auraient coûté la vie à 32 militaires et 27 civils. De source autorisée au ministère libanais de la Défense, on fait état de plus de 50 miliciens islamistes tués. Le Comité international de la Croix-Rouge juge toutefois impossible d'établir un bilan fiable en raison des difficultés à pénétrer dans le camp où, d'après les témoignages des réfugiés, des cadavres jonchent les rues au milieu des décombres des bâtiments touchés par les bombardements. "C'est une destruction totale à l'intérieur. Les cadavres jonchent les rues, personne ne les ramasse", rapporte Aouad Saïd Aouad en montant à bord d'un autocar à destination d'un camp de réfugiés voisin, Beddaoui. "Nous n'avons pas vu les membres du Fatah al Islam. Ils se cachent probablement dans les ruelles", ajoute-t-il. A Beddaoui, des centaines de réfugiés s'entassent dans les couloirs et les salles de classe d'une école, dormant sur des matelas posés à même le sol. "On ne pouvait même pas enterrer les morts", raconte Mona Diab. "Cela me donne des frissons. Nous n'avons emporté que ce que nous avions sur le dos." "LE PROBLÈME N'EST PAS RÉGLÉ" Des travailleurs humanitaires affirment que de nombreux habitants n'ont toujours pas fui Nahr al Bared, où vivaient 40.000 réfugiés. "C'est très dangereux et très risqué de se rendre dans le camp en raison des tireurs isolés", a dit Hoda Elturk, porte-parole de l'agence de l'Onu chargée des réfugiés palestiniens (UNRWA). La situation s'est apaisée mardi après-midi en raison d'une trêve informelle. De source militaire, on a déclaré que le calme régnait mais que "le problème n'est pas réglé". "Il ne sera réglé qu'avec la fin définitive de cette bande", a-t-on ajouté de même source. Le Fatah al Islam est une organisation sunnite dirigée par un Palestinien. Elle est née en 2006 d'une scission du Fatah al Intifada, groupe palestinien au Liban soutenu par la Syrie. Au sein de la coalition au pouvoir à Beyrouth, on présente le Fatah al Islam comme un paravent pour les services de renseignement syriens, ce que Damas dément. Ce groupe sunnite a fait de Nahr al Bared sa base opérationnelle. Même si la faction est commandée par un Palestinien, les autorités libanaises ont dit avoir arrêté des membres saoudiens, algériens, tunisiens et libanais. Aux termes d'un accord conclu en 1969, l'armée libanaise n'est pas autorisée à pénétrer dans les 12 camps de réfugiés palestiniens du Liban, où vivent 400.000 personnes. Si le Fatah al Islam ne bénéficie quasiment d'aucun soutien de la population de Nahr al Bared, les réfugiés palestiniens ne comprennent pas l'intensité des bombardements libanais. "Les Palestiniens ont toujours été le maillon faible au Liban, le bouc émissaire des problèmes du pays", affirme Hassan Abdel Ghani, du camp de Mar Elias, qui se souvient des attaques des diverses milices libanaises sur les camps palestiniens à l'époque de la guerre civile. Pour certains, ces affrontements autour du camp de Nahr al Bared doivent être interprétés dans le cadre de la crise politique au Liban, entre la majorité essentiellement sunnite et la minorité jugée proche de Damas. "L'Etat a besoin de prouver qu'il est fort et comme toujours ce sont les Palestiniens qui payent", dit un autre réfugié de Mar Elias, Ali Iskandar. Les gouvernements arabes ont proposé leur aide militaire au gouvernement libanais, qui a lui-même sollicité les Etats-Unis. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, se rendra jeudi et vendredi au Liban. Pour sa part, le Quartet de médiateurs pour le Proche-Orient (Nations unies, Etats-Unis, Union européenne et Russie) se réunira à Berlin le 30 mai pour évoquer les violences dans la bande de Gaza et au Liban, a annoncé le ministère allemand des Affaires étrangères.