Netflix va racheter Warner Bros Discovery pour près de 83 milliards de dollars    Maroc : Une charte pour le financement et l'accompagnement des TPE    FAO: Baisse des prix mondiaux des produits alimentaires en novembre    Afrique du Nord et Proche-Orient : une plongée inquiétante dans la fournaise    Coupe du monde 2026 : Le Maroc possède tous les atouts pour aller loin dans la compétition    CAN 2025 : Hakimi « bosse dur » pour être présent lors du premier match (Regragui)    Echecs : À 3 ans, un Indien devient le plus jeune joueur classé    Coupe Arabe 2025 : Le succès saoudien redistribue les cartes dans le groupe B    Basket – DEX (H) / J8 : FUS-CODM et ASS-FAR en ouverture cet après-midi    Coupe Arabe 2025 : Ce samedi, bataille animée dès midi dans les groupes C et D    Prévisions météorologiques pour samedi 06 décembre 2025    Riaya 2025-2026 : Une caravane médicale à Azilal pour renforcer l'accès aux soins dans les zones montagneuses    Tokyo : Ouverture du Forum de haut niveau sur la Couverture sanitaire universelle avec la participation du Maroc    Les frais de l'Université Paris 1 augmentent pour des étudiants hors-UE, dont le Maroc    Académie française : Zineb Mekouar reçoit le prix Henri de Régnier de soutien à la création littéraire    Bourse et marchés de capitaux: l'avis d'expert de Youssef Rouissi (VIDEO)    Loisirs : le zoo d'Aïn Sebaâ rouvre le 22 décembre    La Chambre des représentants adopte le PLF 2026 en deuxième lecture    Coupe arabe de football : Le Maroc fait match nul blanc avec le sultanat d'Oman    Amin Guerss : "Le Maroc dispose d'un potentiel sportif immense, mais encore insuffisamment structuré"    Ifrane. Inauguration de l'Institut Supérieur des Sciences de la Sécurité    Projet d'acquisition de 2M : la SNRT saisit le Conseil de la concurrence    Sécurité sociale : Rabat plaide pour une convention avec Rome    Les Pays-Bas ont salué, vendredi, les réformes entreprises par le Maroc sous la conduite de SM le Roi Mohammed VI ainsi que les Initiatives Royales régionales.    Réunion de haut-niveau Maroc–Espagne : quatorze accords pour structurer une coopération d'impact    Guillermo del Toro : « J'aimerais être un monstre »    Le comédien et metteur en scène marocain Wahid Chakib fait chevalier de l'ordre français des arts et des lettres    FIFM 2025 : Fatna El Bouih, la résilience et la transmission après la détention politique [Interview]    Vente aux enchères : Soufiane Idrissi propulse l'art marocain dans une nouvelle ère chez Christie's Paris    Cybersécurité : Crédit agricole et Mastercard en quête de solutions innovantes    Poutine en Inde : une visite d'Etat stratégique au cœur du sommet annuel Inde-Russie    UNESCO : Casablanca et Oujda rejoignent le Réseau mondial des villes apprenantes    Quand le public s'essouffle, l'éducation se pantoufle    Importations : Le gouvernement réduit drastiquement le droit de douane sur les smartphones    CAN 2025 : Rabat forme ses professionnels de l'hôtellerie-restauration pour un accueil exemplaire    Revue de presse de ce vendredi 5 décembre 2025    GenZ Maroc : Un total de 55 années de prison pour les participants aux émeutes d'Aït Ourir    Secousse tellurique de magnitude 4,9 ressentie dans le sud de l'Espagne    L'Humeur : Manal, madame l'ambassadrice    Andrew Dominik : « La femme comme sujet au cinéma m'a toujours inspiré »    Les présidents du Rwanda et de la RDC signent un accord de paix à Washington    Le Maroc souligne « un moment inédit » dans ses relations avec l'Espagne    Autodétermination, autonomie et nouveau cap diplomatique : ce que révèle la parole de Nasser Bourita    ONDA : quatre nouveaux directeurs nommés à la tête des aéroports de Marrakech, Tanger, Fès et Agadir    Le Maroc réélu au Conseil d'administration du Programme alimentaire mondial    Salé: Clausura del campeonato de mini-fútbol El camino hacia la CAN Marruecos 2025    As Morocco and Spain meet in Madrid, Sumar MP renews criticism of Spain's Sahara stance    «Mira» de Lakhmari : La rupture qui n'en est pas une ?    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le processus de la création et le pouvoir des mots
Publié dans Albayane le 25 - 11 - 2021


Entretien avec l'écrivain Jean-Michel Devésa
Par Noureddine Mhakkak
Jean-Michel Devésa. Ecrivain-professeur. Docteur d'Etat, agrégé des lettres, spécialiste de la littérature française et des littératures en français du XXe et du XXIe siècles. Admirateur du surréalisme, du Nouveau Roman, de la revue Tel Quel et de Jean-Luc Godard. Réside à Bordeaux depuis 1997. Elu professeur des universités en 2015 à l'université de Limoges (France). Parmi ses œuvres on peut citer : « Le Regard figé de l'Histoire, Journal de Hambourg 2 avril-11 juillet 2012 », Le Fidelaire, Editions Monplaisir, « Bordeaux la mémoire des pierres », [roman], Bordeaux, Editions Mollat. « L'Empreinte du souvenir », [nouvelle], Bruxelles, Editions Maelström, Coll. « Bruxelles se conte », et bien d'autre. Etretien.
Que représentent les arts et les lettres pour vous ?
Tout au long de mes études, lorsque j'étais lycéen puis étudiant, je n'ai jamais intensément réfléchi au métier que j'allais exercer. J'ai ainsi en septembre 1980 rejoint un lycée, en Algérie, avec un contrat local en poche. J'avais vingt-quatre ans. J'ai vu dans les arts et la littérature un puissant ressort de sublimation. Ayant eu accès à Freud par Althusser, j'ai considéré que si la littérature était bien l'Autre de la Théorie c'était précisément parce qu'elle opérait un transfert. Et peut-être à différents niveaux. Dans l'ordre du symbolique et dans celui de l'imaginaire. Voilà pourquoi les arts et la littérature allaient m'aider à panser mes blessures, à tempérer ma mélancolie, à assumer les échecs et les défaites, à métaboliser la douleur de n'être que de passage sur cette terre. C'était en 1980, j'avais vingt-quatre ans. Près de trois décennies plus tard, en 2005-2008, j'ai pu enfin mettre des mots sur certains de ces maux. Je n'étais plus uniquement un lecteur assidu, un spectateur attentif de la création contemporaine ; à mon tour, selon mon rythme, en puisant le matériau que je me proposais de ciseler dans la somme des expériences que j'avais vécues ou dont j'avais été le témoin, j'embarquais pour cette aventure. Ma relation existentielle à l'écriture et aux arts gagnait brusquement en plénitude, j'avais franchi une étape décisive, il ne me suffisait plus de lire des textes, je m'agrégeais à la compagnie de celles et de ceux qui patiemment, et passionnément, en élaborent.
Que représente l'écriture/la lecture pour vous ?
En tant que professeur, j'ai passé ma vie à pratiquer la lecture et la critique, en enseignant la littérature, en écrivant à propos des livres que je lisais. Ce qui m'a conduit, après d'autres, à me qualifier de lecteur professionnel. Dans le même temps, en réalité avant même mes vingt ans, j'ai eu le désir d'écrire mais mes différents essais, presque tous les dix ans, n'étaient pas à même de me convaincre, je noircissais du papier et huit ou dix jours plus tard je détruisais tout, consterné par la qualité médiocre de ma production. C'est un chagrin d'amour qui a réuni les conditions pour que ma voix prenne un peu de consistance et que je me sente autorisé à montrer mes pages. C'est la romancière Judith Brouste qui m'a incité à une nouvelle tentative, elle a été perspicace, elle a probablement enclenché en moi le processus de création. Et puis quand j'ai été en possession d'un manuscrit conçu en 2005, aux Etats-Unis, des amis écrivains m'ont énormément encouragé à le publier : je salue ici Nelly Arcan et Pierre Bourgeade qui ont, par certains côtés, et chacun à leur manière, accompagné mes premiers pas, tous les deux me manquent terriblement ; je n'oublie pas Jacques Henric et Georges Sebbag, leur fidélité est exemplaire. D'un ouvrage à l'autre ma voix s'est affermie. Celle que désormais je profère, je l'ai forgée en 2015 avec Bordeaux la mémoire des pierres. J'ignore ce qu'il lui adviendra. Voilà donc presqu'une dizaine d'années qu'à ma manière, et selon mes modestes moyens, je vérifie la thèse de Roland Barthes : la critique, la lecture critique, menée à son terme verse celui qui la pratique de l'autre côté, elle en fait un auteur, voire un écrivain.
Parlez-nous des villes que vous avez visitées et qui ont laissé une remarquable trace dans votre parcours artistique.
Il y en a beaucoup. Il m'est impossible de les citer toutes. Je dois procéder à des choix et me montrer ingrat. Je cite ainsi : Alger ; Madrid et Tolède ; Saint-Pétersbourg Pékin et Tirana ; McAllen au Texas, dans la Rio Grande Valley ; Bruxelles ; et Bordeaux.
Que représente la beauté pour vous ?
J'associe la beauté à l'étincelle et à l'incandescence qui jaillissent du rapport que j'entretiens avec une personne, un être, un lieu, un objet, une production de l'esprit, une situation et dans lequel je suis pris de sorte que je perçoive, sente et comprenne, même fugacement, le caractère extraordinairement tangent, fragile et contingent de ma présence au monde. Elle implique par conséquent don, bonté et gratuité ; elle exclut tout utilité sociale, a fortiori toute marchandisation. Je suis allé à sa rencontre en parcourant notamment le Cardo Maximus à Tipaza, en arpentant la médina d'Essaouira ou en savourant la tranquille clarté des plages de Kerkennah ; elle m'a submergé chaque fois que je l'ai entrevue dans le regard, le rire, la joie, le geste sûr et apaisant, l'entraide et les chants des gens simples et pauvres, des travailleurs des villes et des campagnes ; je la contemple dans la palette d'El Greco ou dans celle de Pablo Picasso ; elle me touche en variations continues quand j'écoute une composition de Bach pour le violoncelle, la trompette de Miles Davis et les voix sublimes d'Oum Khaltoum et de Maria Callas ; je la reconnais bien sûr dans le partage et la camaraderie.
Parlez-nous des livres/films que vous avez déjà lus/vus et qui ont marqué vos pensées.
Je me limiterai à un roman et à un film. Ce qui en soi est une gageure. Le livre, c'est le roman que René Crevel publie en 1927, Babylone, l'histoire d'une petite fille qui devient femme, et qui dans sa quête d'autonomie croise au bord du Léman la figure du Nègre peint au XVIIIe siècle par Maurice-Quentin de La Tour. Quant au film, je songe à Alphaville de Godard, dans lequel retentit le timbre de Paul Eluard (à travers les vers de Capitale de la douleur) et où resplendit comme un diamant noir le visage éperdu d'Anna Karina… Je cesse là. Et m'interdis donc de poursuivre avec Nadja d'André Breton et La Chinoise de Godard, et une centaine d'autres titres...
Parlez-nous de vos projets culturels/artistiques à venir.
Cet automne, je viens de publier Garonne in absentia. Ce n'est pas à moi de le signaler, j'espère que des lecteurs remarqueront combien il est en résonnance avec les livres qui l'ont précédé. L'écriture de Garonne in absentia m'a permis de souligner comment la guerre des sexes, laquelle précipite parfois ses protagonistes dans la folie, est tributaire de l'Histoire, de ses tragédies et de ses vilenies.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.