DNES à Marrakech Mohamed Nait Youssef En ces temps difficiles que traverse la Palestine et son peuple, le film «Bye bye Tibériade» (82 minutes) de la jeune réalisatrice Lina Soualem, projeté, samedi dernier, dans le cadre de la compétition officielle, a créé un émoi. « Ce film raconte ma vie et la vie des autres femmes de ma famille. », a révélé l'actrice Hiam Abbass, les larmes aux yeux, devant les cinéphiles et invités de la 20ème édition du FIFM. Tibériade, un bout de terre au milieu des frontières. C'est dans ce beau village palestinien où Hiam Abbass a ouvert les yeux. Elle y a vécu alors jusqu'au début de la vingtaine en décidant de quitter ce lac pour joindre de nouveaux horizons. « Ici, je m'étouffe. Il faut que je quitte ce village pour me retrouver.», a-t-elle confié à sa fille. Dans ce film puissant, Lina suit les pas de sa mère Hiam qui a tout laissé derrière elle pour se lancer dans une nouvelle aventure, une quête pour embrasser son rêve : devenir comédienne. À Paris, elle entame un nouveau chapitre de sa vie loin de sa mère, de sa grand-mère et de ses sept sœurs. Un exil choisi. « C'est la première fois que ce film soit présenté dans cette région. Mon cœur est lourd en voyant les enfants, les victimes... et ce qui se passet à Gaza. », s'est exprimée Lina Soualem lors de la présentation de son film. «Bye bye Tibériade», dit-elle, reflète l'image d'un peuple auquel on lui a volé son identité. «Nos films demeurent pour nous rappeler notre humanité.», a-t-elle rappelé. Le film met les mots sur les maux et les douleurs du passé de sa mère, fille d'un paysan d'une couturière, qui a quitté sa terre pour devenir comédienne. À vrai dire, les images du passé de son enfance, de sa famille (Nemat, Um Ali) hantent sa mémoire. 1948 la guerre s'éclate. La réalisatrice revient en effet sur l'exil forcé, l'expulsion de la population de Tibériade et la confiscation des terres palestiniennes par l'occupation. Hiam revient sur les traces du passé. Et c'est à travers la poésie et ses lettres et correspondances qu'elle panse non seulement ses déchirures, mais elle nous raconte un récit déchirant et douloureux. « Je suis née de ce départ, de cette rupture, entre deux mondes. », raconte Hiam à sa fille. Mariée à Mikael, un anglais qui l'avait accompagnée à une autre terre pour se retrouver, Hiam était de retour après 30 ans pour retrouver ses siens et nouer les liens familiaux. À travers ses yeux on n'y voit cet attachement à la mère, à la terre, à la patrie. Bref, un legs de génération en génération. L'art est salvateur, mais la douleur, la nostalgie et la profondeur humaine y étaient au cœur du récit. Et malgré toutes ces déchirures, les oiseaux migrateurs finissent par revenir dans leurs nids.