La sortie du patron de l'UMT, Miloudi Moukharik, dans l'émission de débat « Hiwar » sur Al Oula, n'est pas un événement anodin. Une sortie qui intervient dans une conjoncture marquée par le piétinement du mécanisme du dialogue social. L'autre conjoncture plus structurante au plan politique est le lancement du débat national pour la réforme de la Constitution, auquel prennent part toutes les forces vives de la nation. Miloudi Moukharik a donné de lui l'image de l'éternel dauphin passé aux commandes du plus ancien syndicat ouvrier au Maroc. L'itinéraire de l'UMT est singulier dans la mesure où, depuis sa création, cette centrale a levé haut et fort le principe de l'indépendance par rapport au politique ou tout autre groupe de pression. Un choix qui a donné à ce syndicat, avec le charisme de son fondateur Mahjoub Benseddik, l'image d'un creuset au sein duquel des sensibilités plurielles se sont exprimées sans déroger aux principes d'indépendance et de l'unité de l'action du syndicat. Ainsi, l'UMT a de tout temps fonctionné conformément à une définition générique du syndicat : une association de personnes qui a pour but de défendre les intérêts professionnels et économiques de ses membres. Le syndicat cherche, ainsi, à faire aboutir des revendications en matière de salaires, de conditions de travail, de prestations sociales... Durant tout son itinéraire militant, cette centrale s'est fait un point d'honneur de préserver son indépendance vis-à-vis de tout groupe politique, religieux, patronal ou gouvernemental. Cette indépendance étant la garantie de l'élaboration des revendications par les travailleurs eux-mêmes. Cela dit, l'UMT a connu une courte parenthèse où le politique a pu, moyennant un exercice d'équilibrisme, avoir une présence affirmée dans certaines instances dirigeantes. Durant les années glorieuses, cette centrale a pu fonctionner selon le principe du syndicalisme de lutte comme outil d'expression et d'action permettant aux salariés de se réapproprier leurs revendications et modalités d'action sans les opposer à la nécessaire construction de l'outil syndical garant de la permanence et de la mémoire pour les luttes prolongées. Depuis lors, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. La diversité voulue par l'UMT était plus ou moins facile à manager sachant que les appartenances politiques de ses membres s'identifiaient à un référentiel socialiste commun. Or, aujourd'hui, dans les rangs de l'UMT cohabitent des expressions politiques aussi diverses qu'antagoniques au plan doctrinal. Ces sensibilités politiques sont bien évidemment mues par des agendas d'action politique et de vision du projet de société qui portent en leur sein les graines de la discorde. C'est là une partie de la réalité à laquelle devra faire face le tout nouveau leader de l'UMT. Les militants syndicalistes s'interrogent jusqu'à quel point la cohérence et le fondement même du principe de l'indépendance syndicales pourront être préservés. Une interrogation à laquelle Miloudi Moukharik n'a pas pu, lors de cet exercice cathodique, apporter de réponses aussi tranchées que son attachement au principe d'indépendance.