Ce sont pour ainsi dire les véritables victimes collatérales du retard de la formation de la majorité gouvernementale. Deux mois après leur élection, les nouveaux députés n'ont pas encore reçu les indemnités inhérentes à leur nouveau mandat. Si la situation financière de certains leur permet de supporter cet imprévu, il n'en est pas de même pour d'autres. Les fonctionnaires élus le 7 octobre dernier font partie de cette dernière catégorie. Au moins trois députés sur dix sont concernés. Ce sont pour ainsi dire les véritables victimes collatérales du retard de la formation de la majorité gouvernementale. C'est le cas également des salariés et cadres des entreprises publiques ou des sociétés dont l'Etat détient au moins 30% du capital qui sont contraints de démissionner de leurs postes après leur élection. Les fonctionnaires, eux, et de par leur statut, sont automatiquement placés en situation de détachement par leurs administrations respectives au lendemain de leur élection. Dans ce cas, ces nouveaux élus qui représentent près de 30% de l'ensemble des députés, soit 115 élus entre fonctionnaires et enseignants, sont privés de leurs salaires que l'administration a cessé de leur verser. Et en l'absence du président de la Chambre, ils ne peuvent pas non plus, en tout cas pas encore, percevoir leurs indemnités de parlementaires. Nous sommes devant un cas inédit et le Trésorier général du Royaume, l'institution censée leur verser leurs indemnités, n'a eu d'autre recours que d'appliquer la loi. Une situation bien particulière Or, selon le règlement intérieur de la première Chambre, en cas de vacance de la présidence et pendant la période d'entre deux législatures, c'est le secrétaire général de la Chambre qui s'occupe de la gestion financière de l'institution (article 13). Il assure par conséquent le paiement des salaires des fonctionnaires, mais seulement du staff administratif de la Chambre. Pour les indemnités des parlementaires, il faut obligatoirement le visa du président de la Chambre. Et tant qu'il n'y a pas encore de majorité, le sort de la présidence de la première Chambre ne sera pas fixé. Le poste fait, en effet, partie du package de négociations entre le chef de gouvernement désigné et ses éventuels futurs alliés. Et du moment que le président n'a pas encore été désigné, les autres structures de la Chambre (le bureau, les commissions permanentes et les groupes parlementaires) attendront elles aussi. Bref, c'est toute l'instance qui est à l'arrêt. Et en attendant, les nouveaux députés, ainsi mis en congé forcé, ne peuvent par conséquent pas être payés. Ce qui plus est, les députés, anciens fonctionnaires, sont néanmoins tenus de continuer à verser leurs cotisations aux régimes de retraite et à la mutuelle associées à leur ancien poste. C'est que le statut de la fonction publique, dont ils continuent de dépendre à ce niveau, est clair sur ce point. En effet, et selon l'article 47 du dahir 1-58-008 portant statut général de la fonction publique, les fonctionnaires détachés, ce qui est le cas de cette catégorie des députés, «supportent la retenue prévue par le régime des retraites auquel ils sont affiliés sur le traitement d'activité afférent à leur grade et à leur échelon dans le service dont ils sont détachés». Ce qui les met d'ailleurs dans une situation bien particulière, pour ne pas dire aberrante, puisqu'ils sont tenus de cotiser dans deux régimes de retraite différents, celui de la fonction publique dont ils sont issus et celui du Parlement et adhérer, en même temps, à deux régimes d'assurance-maladie. De cette situation découle le fait qu'une fois leur mandat accompli, ils peuvent prétendre, comme l'ensemble des parlementaires en fin de mandat, à leur retraite qu'ils peuvent cumuler allègrement avec leur salaire. C'est ainsi qu'une fois ayant terminé leur mandat, et donc mis fin à leur détachement, ils sont réintégrés automatiquement dans leurs anciens postes, même en surnombre, comme le précise l'article 52 du statut de la fonction publique. Ils recommencent donc à percevoir leurs salaires majorés de leur retraite parlementaire qui est de 5.000 DH (en cas d'un seul mandat) exempte d'impôt et non soumise à déclaration. Cependant, dans l'attente de la nomination d'un président de la Chambre et l'encaissement d'un «rappel», ils doivent se débrouiller comme ils peuvent pour boucler leur fin de mois et payer leurs traites et, éventuellement, les frais de scolarité de leurs enfants.