ALM : Vous avez participé à la troisième édition du Forum Africa-Choiseul. Quelles sont vos impressions par rapport à cet évènement qui se tient cette année dans un contexte mondial particulier ? Hani Salem Sonbol : La tenue de ce forum arrive à un moment opportun. La présence du chef de gouvernement, Aziz Akhannouch, témoigne de l'importance de ce rendez-vous et de l'intérêt que porte le Royaume aux urgences mondiales. Le Royaume a placé au cœur de ses priorités la coopération Sud-Sud. Nous avons tous observé la dynamique qu'il a jouée ces dernières années en Afrique, notamment sur le plan économique. Une orientation qui s'inscrit en droite ligne des priorités de l'ITFC. L'Afrique occupe une place importante dans notre stratégie. Le nombre des pays membres dépasse les deux tiers dans la région. D'autant plus que les besoins du continent dépassent largement ce dont il dispose comme richesse. Je pense que c'est un point déterminant auquel nous devons nous intéresser, notamment en cette période particulière par laquelle passe le monde. Les espoirs de reprise se sont estompés après le déclenchement de la crise géopolitique. Après une reprise confirmée en 2021, la croissance mondiale devrait ralentir cette année. Les prévisions ont été revues à la baisse. Le FMI table sur une croissance de 2,8% contre environ 5% l'année précédente. C'est dans ce sens que nous œuvrerons aux côtés des pays africains pour répondre à leurs besoins, notamment dans les secteurs de l'énergie et de la sécurité alimentaire. Selon vous, quel rôle jouerait l'ITFC dans une sphère économique en profonde mutation, notamment en termes de financement ? Les financements de l'ITFC s'élèvent à ce jour à plus de 65 milliards de dollars américains dans les Etats membres. La moitié de ce chiffre a été réalisée en Afrique. Notre ambition est de continuer à renforcer les capacités des pays dans les domaines liés au développement en leur proposant des solutions intégrées. Nous nous concentrons également sur les secteurs de l'énergie et de la sécurité alimentaire. Ils sont une priorité pour nous après que le secteur de la santé a été d'une grande importance ces deux dernières années. Nous déployons également une stratégie pour soutenir le secteur privé, du fait que je suis également au comité de pilotage de la Société islamique pour le développement du secteur privé en tant qu'«Officer in Charge Chief Executive Officer». Nous aspirons à être au chevet du secteur privé et de renforcer son rôle. Nous finançons également le développement des infrastructures et les énergies renouvelables. Quelles sont vos recommandations pour vos pays membres en vue d'asseoir leur positionnement sur la nouvelle cartographie économique ? Les pays doivent poursuivre leur chantier de réforme, notamment sur le plan financier. La période à venir sera difficile du fait du manque de visibilité et la forte volatilité des prix sur le marché. Nous nous devons davantage nous intéresser à la gestion financière pour renforcer nos capacités à être plus résistants aux facteurs exogènes notamment les pandémies qui pourraient survenir plus tard. Les pays doivent être forts pour résister aux chocs. Jusqu'à présent, les Etats membres du Groupe de la Banque islamique de développement et l'ITFC ont fait montre de résilience. Nous jouons un rôle déterminant dans ces pays pour accroître cette résilience. Comment le Maroc peut-il contribuer à renforcer cette complémentarité et à atteindre l'objectif de l'intégration africaine ? Le Maroc a été précurseur dans la mise en place de réformes stratégiques et des actions de facilitation des procédures. C'est ce qui lui a permis de gagner des places dans les classements internationaux. L'intérêt que porte le Maroc aux questions sociales et économiques est important. Le Royaume a, en effet, engagé de nombreuses initiatives dans ce sens et ce sous l'égide de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ces orientations lui ont permis de faire face aux crises que nous traversons. Il est également à souligner que le Maroc entretient des relation distinguées avec tous les pays du continent. Il est nécessaire d'augmenter le volume des échanges commerciaux avec ces pays, notamment dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Quelle lecture faites-vous de la dynamique commerciale en Afrique ? Les chiffres sont en deçà des attentes. Les échanges commerciaux intra-africains ne dépassent pas les 3%. Ceux entre les pays de l'Afrique du Nord tournent autour du même taux, contre 60 et 70% observé dans les continents voisins. Notre ambition est d'augmenter le volume des échanges intra-africains. Car les pays du continent affichent des complémentarités à plusieurs niveaux sans oublier les ressources humaines dont regorge l'Afrique. Le Maroc dispose à lui seul de très hautes compétences. J'espère qu'il atteindra le leadership dans ce domaine. Y a-t-il des projets ou partenariats dans le pipe entre le Maroc et l'ITFC ? Nous finançons actuellement au Maroc un projet de renforcement d'autonomisation des femmes entrepreneurs «SheTrades-Maroc» . Nous sommes heureux de mettre en œuvre cette initiative au Royaume qui appuie une participation accrue des femmes entrepreneurs contribuant à une croissance économique plus inclusive au Maroc. Nous avons une forte volonté d'être un partenaire stratégique du Maroc. Le Royaume est un pays fondateur de la BID et Etat membre de l'ITFC. Le Maroc est également proactif dans le soutien d'initiatives importantes telles que l'Initiative des nouveaux ponts commerciaux arabo-africains, lancée en 2017 sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il a également un rôle majeur à jouer dans l'appui au commerce entre pays arabes à travers le partage d'information et d'expertise. Nous avons maintenant un programme important au Maroc appelé commerce et femmes.