TGR : Les recettes douanières en hausse de 8% à fin juin    En Couv'. Nouveau modèle de l'enseignement : Les contours de l'école publique de demain    Dessalement : OCP lance le pipeline Jorf-Khouribga    Sa Majesté le Roi félicite le Président français à l'occasion de la fête nationale de son pays    Agadir : Le wali Amzazi recadre la gestion des plages    Championnat féminin de la CAF : face aux provocations puériles, le Maroc digne et droit dans ses bottes    Benguérir : éclaircissements après l'arrestation de deux frères pour ivresse, outrage et vandalisme devant un commissariat    Le Maroc accorde soixante bourses d'études à des étudiants équatoriens dans le sillage du rapprochement diplomatique    Un séisme ressenti au Maroc après une secousse de magnitude 5,5 au large de Cabo de Palos    José Manuel Albares : «Madrid et Rabat s'étaient entendus sur un dispositif pour suspendre temporairement le transit de marchandises lorsque la fluidité du passage des voyageurs l'exige»    Le souverain chérifien se félicite du «partenariat d'exception renforcé» entre Rabat et Paris dans un message adressé au président Emmanuel Macron    Le Maroc engage des négociations avec trois groupes émiratis pour édifier des parcs éoliens dans la région du Sahara    Maroc Telecom célèbre la 21e édition de son festival estival autour de la musique et du lien social    Les prévision du lundi 14 juillet    Violences racistes à Murcie : la FEERI dénonce une vague d'islamophobie et appelle au calme    Casablanca : Un nouveau tronçon routier pour désengorger l'axe Hay Hassani - Dar Bouazza    Morocco advances to Women's Africa Cup of Nations quarter-finals with victory over Senegal    Casablanca: Un nuevo tramo vial para descongestionar el eje Hay Hassani - Dar Bouazza    Droits de l'Homme au Sahara : Le Royaume-Uni exprime sa position    Jazzablanca 2025 : Une édition qui fête le jazz avec les habitants, au-delà de la scène    Macklemore clôt le festival Jazzablanca avec un puissant message de solidarité pour la Palestine    Blessés dans un accident à Marrakech, Fidji Ruiz et Anas donnent des nouvelles    Ce Maroc qui ingénie...    Diplomatie : Rabat entre le poids de l'Occident et l'infortune des BRICS    Sofiane Kiyine impliqué dans un nouvel accident de la route    Manchester United : André Onana forfait pour la tournée américaine de pré-saison    Fès, la spiritualité Tidjane au cœur du lien entre le Maroc et l'Afrique de l'Ouest    Arafat Najib, le gardien d'Al-Aqsa... des années de résistance face à l'exil et à l'arrestation    Dubaï : Trois fugitifs recherchés par Interpol et Europol, dont El Ballouti, arrêtés et extradés vers la Belgique    Renforcement du partenariat stratégique entre Moscou et Pékin : Lavrov rencontre Wang Yi à Pékin    Trottinettes électriques : l'ombre des incendies de batteries lithium-ion    Sit-in à Ouled Youssef : la réaction du CNDH    Finale. CDMC : dispositif sécuritaire exceptionnel pour la venue de Donald Trump    Mondial des clubs : Achraf Hakimi sacré meilleur défenseur avant la finale contre Chelsea    Rissani : Lancement des travaux de sauvegarde et de valorisation du site archéologique de Sijilmassa pour 245,5 MDH    El Jadida en transe : le come-back triomphal de Saad Lamjarred !    Jazzablanca 2025 : Clôture en apothéose aux rythmes de gnawa et d'un show explosif de Macklemore    Marruecos: El Comité de Liberación de Ceuta y Melilla renace de sus cenizas    Alerte météo. Vague de chaleur extrême de mardi à vendredi dans plusieurs provinces    Clap de fin haut en couleur pour Jazzablanca    Le Nigeria et l'UE s'allient pour la promotion des musées et des industries créatives    Bitcoin: le portefeuille du Salvador dépasse 700 millions de dollars    Le Maroc atteint les quarts de finale de la CAN féminine en battant le Sénégal    Ballon d'Or 2025 : Un front africain se forme pour soutenir Hakimi    Coopération Sud-Sud: le Maroc a fait de la solidarité et du codéveloppement un pilier de sa politique étrangère    Plus de 311.600 candidats scolarisés décrochent leur baccalauréat en 2025    Un objet céleste mystérieux venu de l'extérieur du système solaire s'approche du Soleil à une vitesse fulgurante, suscitant la perplexité des scientifiques    Trump menace d'imposer des tarifs douaniers de 30% à l'UE et au Mexique    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Des films et des mots
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 23 - 01 - 2004

Abdellah Taia est un écrivain marocain amoureux du cinéma. Son rêve était de devenir metteur en scène. Avec cette écriture tendre qui caractérise sa littérature, il nous rapproche de sa double passion.
Le cinéma est entré très tôt dans ma vie. Et depuis la vie c'est le cinéma, et le cinéma la vie, pour reprendre la célèbre phrase de François Truffaut. Longtemps je n'ai fait que lire sur le cinéma, j'imaginais les films qui ont marqué l'histoire à travers les mots. Je fabriquais mes propres films, mieux : j'en étais le réalisateur, et parfois même l'acteur/actrice principal(e). J'imaginais «Rio Bravo», « America America», «Les Enfants du paradis», «Cris et chuchotements»… J'imaginais Marlon Brando sur les quais, puis criant après Vivien Leigh qui crève d'envie de se donner à lui… J'imaginais Arletty, Gene Tierney, Marlene Dietrich, Bette Davis, Ava Gardner, Montgomery Clift, Rock Hudson, Liz Taylor…J'imaginais les films de John Huston, Douglas Sirk, Andrei Tarkovski, Taoufiq Saleh… J'imaginais Isabelle Adjani dans la peau d'Adèle H., la fille de Victor Hugo, folle d'amour, et Meryl Streep face à des choix terribles…
Longtemps je ne savais pas où trouver ces films, où les rencontrer réellement, entrer en eux physiquement, ils ne passaient nulle part à Rabat-Salé. Des fois je tombais par hasard à la télévision marocaine sur certains d'entre eux. La télévision, bien sûr, ce n'est pas une salle de cinéma, ce n'est pas la même magie ni la même transmission, mais il paraît que Martin Scorsese a découvert l'essentiel du cinéma mondial à la télévision quand il était petit et qu'il était obligé de garder le lit à cause de son asthme. C'était l'époque où Nourreddine Saïl choisissait les films pour la TVM. Les cinéphiles marocains doivent beaucoup à ce Monsieur. « La Momie » de Chadi Abdessalam (sans doute le plus beau film du cinéma arabe), « Et la Nave va » de Federico Fellini qui se passe dans un paquebot majestueux, «Qui a tué Liberty Valance?», «Little Big Man»…Je tombais sur des images exceptionnelles qui m'attiraient de façon irrésistible et qui s'inscrivaient instantanément, et pour toujours, dans ma mémoire. Souvent je ne comprenais pas ces films, leur histoire, leur rythme, leur montage ; la religion du 7ème art n'a pas besoin d'intelligence mais plutôt, et avant toute chose, de sensibilité, d'ouverture sur le mystère : accepter de ne pas tout comprendre des images qui défilent ( et de la vie ) est l'une des plus grandes leçons que j'ai jamais reçues. Bien sûr, comme tous les enfants du peuple, j'allais aussi voir les films indiens et les films chinois : des mélodrames chantés et dansés qui n'en finissent pas de nous transporter, de nous éblouir , de nous faire pleurer ( et il n'est pas recommandé de lire les sous-titres en arabe ) et la beauté poétique des combats de karaté, de véritables chorégraphies modernes – on s'en rend compte seulement aujourd'hui en Occident. J'aimais profondément les deux. Ils me paraissaient à l'époque antagonistes, maintenant je les perçois comme complémentaires, allant toujours de pair.
D'ailleurs les salles de cinéma populaires à double programme les projettent toujours l'un après l'autre. Hier, je les considérais comme inférieurs à ceux réalisés par John Ford ou bien Marcel Carné, aujourd'hui je vois de façon évidente qu'ils participaient à la même chose, à la même célébration, celle de la vie merveilleusement magique et opaque. Quand il m'arrive de les revoir j'y décèle une grande profondeur, une grande capacité à générer des sentiments et des idées très complexes. Avoir la possibilité, aujourd'hui à Paris, de voir un cinéma d'auteur reconnu par la critique ne m'a pas fait renoncé à cet autre cinéma, celui de mon enfance, celui de la première religion. Ma foi inébranlable dans le cinéma vient peut-être de ces premiers films d'un monde lointain vus sans résistance et en version originale.
Le rêve tend toujours à devenir réalité, il veut se concrétiser, se réaliser matériellement. Un rêve conduit presque toujours à un autre rêve. Mon rêve cinématographique, à l'adolescence, était de devenir metteur en scène, passer de l'autre côté, derrière l'écran. Je m'y suis préparé des années durant : j'ai lu, lu, et relu… Et puis un jour, j'ai compris qu'il fallait renoncer momentanément. Je n'avais pas les moyens d'aller jusqu'au bout, cela ne dépendait pas de moi. Je me suis alors accroché à ce que j'avais, à ce qui me restait : les mots. Ces derniers m'ont conduit à un rêve que je n'avais pas rêvé : l'écriture. Le cinéma me l'avait appris, je l'avais un peu oublié : la vie est un grand mystère, on croit tout connaître sur nous, on se trompe ; on se croit sûr de son unique rêve et, au fond, dans le noir apaisant de nous-même, un autre rêve se fabrique secrètement, à notre insu, et un jour il se révèle. On l'accepte tout de suite, on l'accueille chaleureusement. Cela s'appelle la survie, cela s'appelle également l'espoir dans la vie et ses surprises. Le jour où j'ai eu cette révélation j'ai revu dans le cinéma Malaki à Rabat « Il était une fois en Amérique », le dernier film réalisé par Sergio Leone. A ma grande surprise, il parlait exactement de la même chose, de ce que je venais enfin de comprendre vraiment. Il était temps.
Abdellah TAIA
écrivain


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.