L'Algérie a accueilli avec sérénité l'abandon par le groupe émirati Taqa (Abu Dhabi National Energy Company) de son projet d'entrée dans le capital de Naturgy, géant espagnol du secteur gazier. Ce revirement, rapporté par plusieurs sources diplomatiques et industrielles, met un terme à une opération jugée à Alger à la fois périlleuse et politiquement inopportune. Selon des confidences recueillies par la presse espagnole, les autorités algériennes, tout en niant toute responsabilité directe dans l'échec de cette tentative, se réjouissent d'une décision perçue comme de nature à préserver une relation énergétique jugée « exemplaire » avec l'Espagne. Taqa, qui dispose d'une filiale en territoire marocain, était engagée depuis l'an dernier dans des pourparlers pour acquérir les participations détenues par CVC (20,7 %) et BlackRock (20,6 %) au sein de Naturgy. C'est lors d'un échange récent avec des analystes financiers que Steve Ridlington, directeur financier de Taqa, a formellement écarté toute relance de l'opération, en des termes sans équivoque : «Ce projet ne figure plus parmi nos orientations actuelles.» La direction du groupe précise par ailleurs que Naturgy «ne relève pas de ses priorités stratégiques», rejetant ainsi les rumeurs persistantes d'un retour à la table des négociations avec CriteriaCaixa, principal actionnaire du groupe espagnol avec 26,7 % du capital. Les Emirats, nouvelle obsession algérienne L'échec de cette opération, selon les mêmes sources, trouve son origine dans un faisceau d'obstacles : divergences sur la gouvernance, sur la valorisation des actifs mais surtout tensions croissantes entre l'Algérie et les Emirats arabes unis. Alger, en coulisses, observait avec une extrême circonspection la perspective d'une prise de participation par un acteur qu'elle considère comme politiquement aligné sur des puissances rivales — notamment Israël et le Maroc. Selon les relais du régime algérien, les Emirats arabes unis ont joué un rôle actif dans plusieurs foyers de conflit à proximité de ses frontières stratégiques, notamment en Libye, au Soudan et dans la bande sahélienne. À Alger, ces mêmes voix considèrent la tentative d'intrusion de Taqa dans Naturgy comme une manière de perturber une entente gazière jugée fondamentale avec Madrid. «Une telle opération aurait pu compromettre la qualité du dialogue énergétique entre l'Algérie et l'Espagne», affirment ces sources. La visite à Alger du président de Naturgy, Francisco Reynés, interpelle. Ce dernier s'est entretenu, il y a un mois, avec Rachid Hachichi, président-directeur général de Sonatrach, société nationale algérienne du pétrole et du gaz. À cette occasion, les deux parties ont évoqué les perspectives futures de leur coopération dans le domaine de la commercialisation du gaz naturel. Le partenariat entre Sonatrach et Naturgy est aujourd'hui encadré par des contrats de long terme portant sur un volume annuel d'environ cinq milliards de mètres cubes, valables jusqu'en 2030. En février, l'Algérie a assuré 34,9 % des importations de gaz naturel de l'Espagne, juste derrière les Etats-Unis (35,2 %).