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Le Maroc codifie un système inédit de peines alternatives : un guide de sept cents pages détaille la loi n° 43.22, ses exclusions, ses procédures et le rôle du parquet
Le «guide pratique à l'usage des magistrats du parquet concernant l'exécution des peines alternatives» a été diffusé vendredi 22 août. Il se présente comme un document fondateur de plus de sept cents pages, élaboré sous l'égide du parquet général du Maroc. Il a pour objet principal «d'encadrer de manière opérationnelle la mise en œuvre de la loi n° 43.22», une réforme législative d'envergure instituant un système de sanctions pénales non privatives de liberté, et de son texte d'application, le décret n° 2.25.386. Ce guide technique exhaustif s'adresse prioritairement aux magistrats du ministère public, «acteurs centraux de l'application de cette nouvelle politique pénale». La démarche législative marocaine «s'inscrit dans un mouvement global de modernisation des systèmes judiciaires» et répond à des «impératifs à la fois humanistes et pragmatiques». Le guide rappelle que la volonté de «limiter le recours à l'emprisonnement, notamment pour les courtes peines» est une préconisation forte du droit international ; il fonde son approche sur un corpus juridique international substantiel, citant abondamment les «Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté» (Règles de Tokyo), les «Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l'imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes» (Règles de Bangkok), ainsi que les nombreuses recommandations du Conseil de l'Europe qui «encouragent les Etats membres à développer des sanctions alternatives effectives» ; ce cadre est complété par des déclarations onusiennes majeures, de Vienne à Kyoto, qui «appellent à une réflexion profonde sur les politiques carcérales et à la promotion d'options substitutives». Sur le plan national, la réforme est présentée comme la concrétisation d'une «vision royale pour une justice modernisée et humaine», explicitement énoncée dans le discours du Trône de 2009 ; elle est également le fruit de recommandations émanant d'instances nationales telles que le «Conseil national des droits de l'homme (CNDH)» ou le «Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ)», qui «alertaient depuis des années sur les effets contre-productifs de la surpopulation carcérale». Architecture juridique interne : la loi 43.22 Le guide détaille minutieusement les innovations introduites par la loi 43.22, qui «modifie en profondeur le code pénal et le code de procédure pénale» ; la réforme introduit une nouvelle catégorie de sanctions, les «peines alternatives», venant s'ajouter aux peines principales, complémentaires et accessoires ; ces peines se déclinent en travail d'intérêt général (TIG), en surveillance électronique (SE), en mesures de restriction de droits ou d'obligations (obligation d'exercer une activité professionnelle, interdiction de paraître dans certains lieux, obligation de soins, dédommagement de la victime), et enfin en amende journalière dont le montant varie entre 100 et 2000 dirhams par jour de détraction. Le guide insiste sur les conditions restrictives d'accès à ces peines : elles ne peuvent être prononcées que pour des délits punis d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans ferme ; la loi établit une liste d'infractions exclues, considérées comme trop graves, parmi lesquelles le terrorisme, la corruption, le trafic international de stupéfiants, le trafic d'organes, l'exploitation sexuelle des mineurs et les crimes militaires ; l'état de récidive légale constitue en outre une exclusion absolue. Rôle central du parquet et de ses magistrats Une part prépondérante du guide est consacrée au «rôle dévolu aux magistrats du parquet, pierre angulaire du dispositif» ; ceux-ci voient leurs attributions considérablement étendues et formalisées. Le parquet dispose d'un droit de proposition de la peine alternative, tant au stade du jugement qu'après une condamnation définitive, via une saisine du juge de l'application des peines (JAP) ; il doit «vérifier scrupuleusement le respect des conditions légales» avant toute proposition. Son accord est indispensable pour autoriser l'exécution provisoire de la peine alternative avant que le jugement ne soit devenu définitif, s'il ne forme pas lui-même de recours ; enfin, le parquet se voit confier une mission de suivi et de contrôle de l'exécution de la peine, en coordination avec le JAP et l'administration pénitentiaire, et doit «réagir sans délai à tout manquement du condamné» ; le guide prescrit la tenue d'un «registre spécial de suivi des peines alternatives» au sein de chaque parquet. Mécanismes procéduraux et défis opérationnels Le document décrit avec une précision technique remarquable le processus complet, depuis le prononcé de la peine jusqu'à son exécution complète ou sa révocation ; il détaille les modalités de saisine du JAP, la teneur du «mandat d'exécution» qu'il délivre, et le rôle opérationnel de l'«administration pénitentiaire», désignée comme le maître d'œuvre technique de l'application (gestion de la SE, coordination du TIG, etc.). Le guide n'élude pas les difficultés pratiques anticipées : il évoque les défis techniques liés à la surveillance électronique, la nécessité de trouver des structures d'accueil pour le TIG, l'impératif de former tous les acteurs (magistrats, greffiers, personnel pénitentiaire), et les questions de financement ; il préconise une «collaboration interinstitutionnelle étroite» et la création de «cellules de coordination locales» pour surmonter ces obstacles. Enfin, le régime de la révocation est explicitement décrit : tout manquement grave et non justifié du condamné à ses obligations peut conduire le JAP, sur réquisitions du parquet, à ordonner la «cessation de la mesure alternative» et le «retour en détention pour exécution de la peine d'emprisonnement initiale». Ce guide, a-t-on affirmé, dépasse largement le simple cadre d'une circulaire ; il s'impose comme un traité pratique et doctrinal destiné à orchestrer une transformation culturelle et pratique de la justice pénale marocaine, en faisant la promotion d'une sanction qui «se veut tout à la fois punitive, réparatrice et résolument tournée vers la réinsertion».