Adoptée en 2024, la loi 43.22 marque un tournant dans la politique pénale. Elle consacre le principe des peines alternatives à l'emprisonnement, introduisant ainsi une panoplie de sanctions qui visent à renforcer la réinsertion des condamnés tout en désengorgeant les prisons. Ces mesures, destinées à remplacer partiellement ou totalement la détention, s'inscrivent dans un projet plus large de modernisation de la justice et de mise en adéquation des peines avec les enjeux sociétaux. Premier pilier de ces peines alternatives, le travail d'intérêt général (TIG) offre une alternative tangible à la détention. La durée de ce travail peut varier de 40 heures à 3.600 heures, chaque tranche de trois heures de travail équivalant à un jour de prison. Ces heures peuvent être effectuées au profit de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des associations d'utilité publique ou encore des lieux de culte. L'Organisation des Nations unies (ONU) encourage depuis plusieurs années le recours au TIG, le considérant comme un levier de responsabilisation et de réparation sociale. En France, par exemple, plus de 30.000 peines de travail d'intérêt général sont prononcées chaque année, témoignant de l'efficacité de ce dispositif pour lutter contre la récidive. Selon une étude du ministère français de la Justice, le taux de récidive après un TIG n'est que de 12 %, contre 33 % après un séjour en prison. La surveillance électronique constitue un autre pilier essentiel de cette réforme. Elle impose au condamné de se déplacer dans un cadre spatial et temporel strictement défini par le jugement, sous contrôle d'un dispositif technique mis en place par la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). Cette forme de peine s'inspire des pratiques en vigueur en Espagne et en Suède, où le bracelet électronique est largement utilisé pour les peines courtes ou les fins de peine. Lire aussi : La DGAPR seule habilitée à autoriser les sorties des détenus pour raisons familiales Au Maroc, cette mesure s'inscrit dans la volonté de réduire la surpopulation carcérale. Selon les statistiques officielles, les établissements pénitentiaires marocains accueillaient, en 2023, plus de 100.000 détenus, avec un taux d'occupation avoisinant les 130 %. La surveillance électronique apparaît ainsi comme un moyen pragmatique de réduire la pression sur les établissements tout en garantissant le contrôle des personnes condamnées. Des restrictions et obligations de suivi adaptées à chaque situation Au-delà des mesures de travail et de surveillance, la loi 43.22 introduit une série de restrictions de droits et d'obligations de suivi personnalisées : assignation à résidence, interdiction de fréquenter certains lieux, obligation de suivre un traitement médical, présentations régulières devant une autorité judiciaire ou encore réparation du préjudice causé. Ces obligations visent à prévenir la récidive et à restaurer le lien social, dans un esprit de justice réparatrice. Enfin, la loi prévoit la possibilité de remplacer chaque jour de prison par une somme d'argent, comprise entre 100 dirhams et 2.000 dirhams. Le montant est fixé par le juge en fonction de la gravité de l'infraction, du préjudice causé et de la situation financière du condamné. Cette mesure, inspirée des modèles suisse et allemand, introduit une flexibilité qui tient compte des capacités contributives du condamné, tout en conservant le caractère dissuasif de la peine. Si la loi 43.22 ouvre indéniablement une voie plus humaine et adaptée aux réalités contemporaines, sa mise en œuvre ne sera pas sans difficultés. Elle suppose une coordination étroite entre magistrats, administration pénitentiaire et acteurs sociaux, ainsi qu'un effort constant pour garantir l'égalité d'accès à ces peines, quelle que soit la situation financière ou sociale du condamné. À l'échelle internationale, les pays qui ont généralisé les peines alternatives, comme la Norvège ou les Pays-Bas, ont constaté une diminution significative de leurs taux de détention et une baisse de la récidive. Ces exemples rappellent que le succès de la réforme marocaine dépendra de la capacité des pouvoirs publics à créer les conditions d'une exécution crédible et équitable de ces peines.