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Le Maroc aux prises avec un chômage persistant, un exode massif et des inégalités majeures qui minent sa bonne santé économique d'après "El Economista"
Le Maroc traverse une période paradoxale : si le royaume semble prospère, plusieurs défis structurels minent ses avancées. Selon El Economista, un chômage élevé et un exode massif de sa jeunesse viennent contraster avec les succès apparents. Le taux officiel de chômage est de 13,3 %, mais le recensement de 2024 indique une réalité beaucoup plus préoccupante : 21,3 % des actifs sont sans emploi, en grande partie dans l'agriculture, la construction et d'autres secteurs essentiels, où «une majorité des postes restent informels et dépourvus de contrat». Cette situation touche particulièrement les jeunes, dont 40 % sont au chômage, tandis qu'une part croissante quitte le pays à la recherche d'un avenir meilleur. L'OCDE relève que le Maroc figure parmi les six nations du monde enregistrant le plus grand nombre de départs de travailleurs, estimés à environ 200 000 par an, principalement vers l'Espagne. Le pays souffre également d'un tissu productif inégal : les secteurs porteurs génèrent des profits importants mais peu d'emplois et restent faiblement intégrés à l'économie locale. L'OCDE souligne que «les multinationales stimulent la productivité manufacturière, mais les liens avec l'économie locale restent faibles et le capital ajouté demeure concentré dans des activités peu élaborées». Ces déséquilibres sociaux et économiques expliquent la montée des tensions et des mobilisations récentes dans le royaume. Le Maroc vit une situation en apparence prospère sur le plan économique. Depuis la pandémie, le royaume affiche une progression soutenue, avec un taux de croissance annuel supérieur à 3 % au cours des deux derniers exercices (3,8 % en 2024). Depuis 2019, malgré les séquelles de la crise sanitaire et les destructions causées par un séisme majeur, l'économie nationale s'est accrue de 22 %, la plus forte progression du nord de l'Afrique, bien au-delà des pays développés. Pourtant, derrière cette apparente réussite, les tensions sociales s'exacerbent : sous les succès du royaume, affirment plusieurs experts cités par El Economista, se cache «un modèle économique truffé de failles et semblable à une bombe à retardement». Le chômage structurel et l'exode massif des forces vives vers l'Europe révèlent la fragilité de ce modèle. Croissance qui ne bénéficie pas à tout le monde Le Maroc s'impose désormais comme puissance exportatrice dans plusieurs branches stratégiques : l'automobile – dont les ventes à l'étranger ont progressé de 6,3 % en 2024 –, la chimie, l'agriculture, les engrais et l'aéronautique. Le royaume s'apprête même à dépasser l'Italie en matière de production automobile. Les exportations globales ont enregistré une hausse de 6,1 % sur un an, tandis que le pays s'affirme comme un pôle touristique de premier plan, accueillant déjà 13,5 millions de visiteurs depuis le début de l'année. Ces performances s'ajoutent à des réalisations d'envergure dans les infrastructures : parcs solaires géants, réseau de transport modernisé et port de Tanger Med, aujourd'hui l'un des plus vastes d'Afrique et un point d'ancrage essentiel pour l'Europe. Cette plate-forme traite, selon El Economista, «50 % de conteneurs de plus que le port de Valence». Malgré ces réussites, le déficit budgétaire demeure contenu, autour de 4 % du PIB, et la monnaie nationale reste stable. Un chômage dissimulé et un exode grandissant Le taux officiel de chômage s'élève à 13,3 % d'après le Haut-Commissariat au plan, mais le recensement général de 2024 révélait un niveau réel de 21,3 %, le plus élevé en dix ans. L'écart s'explique par un «chômage dissimulé» qui affecte de larges pans de la population active. Le quotidien souligne que «45 % de la main-d'œuvre travaille dans l'agriculture, souvent sans contrat ni protection sociale». Lorsqu'ils perdent ces emplois précaires, ces travailleurs ne figurent plus dans les statistiques officielles. D'après l'OCDE, «le Maroc possède une population jeune et croissante, mais une majorité d'emplois demeurent informels». L'organisation estime que «67 % des travailleurs exercent sans contrat, principalement dans l'agriculture, la construction et d'autres secteurs essentiels». Cette réalité touche surtout la jeunesse : «40 % des jeunes sont sans emploi», selon la même source. Face à cette impasse, nombre de jeunes Marocains choisissent de quitter le pays. En 2025, le solde migratoire a été négatif de 46 802 personnes, un chiffre en constante aggravation. L'OCDE relève que «le Maroc figure parmi les six pays du monde enregistrant le plus grand nombre de départs de travailleurs, environ 200 000 par an», la majorité rejoignant l'Espagne. Les registres de la sécurité sociale espagnole indiquent que les Marocains forment le groupe étranger le plus nombreux, avec 343 500 affiliés en août 2025, soit 11,1 % des 3,07 millions d'étrangers actifs. Pour El Economista, cela signifie que «près de 3 % des travailleurs marocains exercent désormais leur activité en Espagne». Un modèle productif inégal et peu inclusif Les secteurs porteurs du royaume – automobile, aéronautique, agriculture, chimie – demeurent faiblement intensifs en main-d'œuvre. Cette configuration engendre, selon l'OCDE, «des plus-values considérables qui ne se traduisent pas par des emplois». Les experts relèvent un déséquilibre profond entre la demande et l'offre de travail : les entreprises n'embauchent pas, malgré la présence de travailleurs qualifiés. L'organisation note que «les multinationales dynamisent la productivité manufacturière, mais les liens avec l'économie locale restent faibles». Le «valeur ajoutée demeure concentrée dans des activités peu élaborées», tandis que «l'informalité généralisée et la petite taille des entreprises freinent la productivité». Le Institut de recherche en affaires économiques et fiscales (IREF) estime que le pays impose «de lourdes contraintes réglementaires qui freinent les embauches et pèsent sur les petites et moyennes entreprises». Ces dernières supportent «des coûts salariaux élevés, des règles de licenciement rigides et l'un des salaires minimums les plus hauts de la région». Le FMI considère que «la réduction de la rigidité du marché du travail permettrait une hausse du PIB d'environ 2,5 %». L'OCDE avertit toutefois que «de telles réformes n'ont d'effet positif que si la croissance stimule réellement la demande de main-d'œuvre». À défaut, prévient-elle, une libéralisation mal ajustée risquerait «de transformer les tensions sociales actuelles en véritable poudrière». Un appareil économique sous forte tutelle étatique La Banque mondiale indique que «23 des 29 secteurs économiques marocains comptent au moins une entreprise publique», un taux bien supérieur à la moyenne mondiale. L'IREF souligne que «ces sociétés bénéficient d'un traitement préférentiel qui écarte la concurrence privée et dissuade les nouveaux acteurs». Cette situation crée «un terrain inégal où les petites entreprises peinent à prospérer». En 2024, 16 100 entreprises ont cessé leur activité, signe d'un climat économique fragilisé. L'institut avertit : «Si le Maroc ne réagit pas avec détermination, la crise du chômage s'aggravera, entraînant le pays vers un long marasme». L'OCDE observe également que «la formation de capital a été dominée par le secteur public et que l'efficacité de l'investissement demeure faible». Les bénéfices générés par les grandes industries sont, pour une large part, captés par des multinationales qui rapatrient leurs profits au lieu de les réinjecter dans l'économie locale. Le rapport souligne que «les entreprises marocaines ont du mal à s'intégrer à la chaîne de valeur automobile, la plupart des fabricants d'équipements étant étrangers». Un développement inégal et une éducation en souffrance À cette fracture économique s'ajoute un déficit éducatif préoccupant. Selon l'Unesco, «seuls 77 % des Marocains sont alphabétisés, contre 81,5 % en Algérie et 86 % en Tunisie». Cette carence empêche la formation d'un tissu productif solide et prive la jeunesse de perspectives. De plus en plus de voix, rapporte El Economista, réclament que «Rabat réoriente ses priorités et investisse davantage dans l'éducation et la création d'emplois plutôt que dans les stades, le tourisme et les infrastructures». Ces revendications se traduisent par des mouvements populaires d'ampleur, parfois supérieurs à ceux observés lors des soulèvements de 2011. Reste à savoir si le royaume acceptera d'adapter son modèle ou s'il persistera dans un «miracle industriel» dont la face cachée se dévoile aujourd'hui avec éclat.